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– Je prends bonne note de vos conseils, dit Andrew, s'apprêtant à quitter la table.

– Restez assis, je n'ai pas terminé.

Andrew s'amusa du ton autoritaire de l'oncle de Marisa, mais il préférait ne pas s'en faire un ennemi et obtempéra.

– La chance est avec vous, poursuivit Alberto.

– Pas si le jeu de cartes est truqué.

– Je ne parlais pas de notre partie. Mardi prochain, il y aura une grève générale et les avions resteront cloués au sol. Ortiz n'aura d'autre solution pour venir visiter son client que de prendre la route.

À écouter Alberto, Andrew déduisit que Marisa l'informait de leurs moindres faits et gestes.

– Même s'il est accompagné, c'est sur cette route que vous aurez le plus de chance de le serrer... à condition que vous acceptiez qu'on vous donne un coup de main.

– Ce n'est pas l'envie qui me manque, mais je ne cautionnerai aucune action violente.

– Qui vous parle de violence ? Vous êtes un drôle de journaliste, à croire que vous ne pensez qu'avec vos mains quand moi, je réfléchis avec ma tête.

Dubitatif, Andrew observa Alberto.

– Je connais bien la route no 8, je l'ai parcourue tant de fois que si vous me conduisiez à Córdoba, je pourrais vous en décrire les alentours les yeux fermés. Elle traverse des paysages sans âme, des kilomètres durant, elle est aussi très mal entretenue... et on y dénombre bien trop d'accidents. Marisa a déjà failli y laisser sa peau et je ne voudrais pas que cela se reproduise. Comprenez-moi bien monsieur le journaliste, les amis de cet homme s'en sont pris à ma nièce et le temps de leur impunité est désormais révolu. À quelques kilomètres de Gahan, la route se divise pour contourner un calvaire. Sur la droite se trouvent des silos derrière lesquels vous pourrez vous planquer en l'attendant. Mes camarades peuvent faire en sorte que les pneus de la voiture d'Ortiz crèvent à cet endroit précis. Avec toutes les saloperies qui tombent des camions, ils ne se méfieront pas.

– Soit, et ensuite ?

– Il n'y a jamais qu'une seule roue de secours dans une voiture et lorsqu'on se retrouve en pleine nuit dans un endroit où les téléphones portables ne passent pas, qu'est-ce qu'il vous reste à faire sinon marcher jusqu'au village le plus proche pour aller chercher de l'aide ? Ortiz y enverra ses hommes et attendra dans la voiture.

– Comment pouvez-vous en être certain ?

– Un ancien officier dans son genre ne se départ jamais de son arrogance, ni de la haute estime qu'il a de lui-même ; en marchant dans la boue à côté de ses hommes de main, il se mettrait à leur niveau. Je peux me tromper, mais je connais bien les types comme lui.

– D'accord, Ortiz se retrouve seul dans la voiture, et de combien de temps disposons-nous avant que ses hommes reviennent ?

– Comptez un quart d'heure aller, un quart d'heure retour et le temps de réveiller un garagiste au milieu de la nuit. Vous aurez tout le loisir de le cuisiner.

– Vous êtes certain qu'il voyagera de nuit ?

– Dumesnil est à sept heures de route de Buenos Aires, rajoutez-en trois si la circulation est dense. Croyez-moi, il partira après le dîner, un homme conduira la voiture, un autre assurera sa sécurité et celui que vous présumez être Ortiz dormira paisiblement sur la banquette arrière. Il voudra franchir la banlieue avant que la capitale ne s'éveille et prendre le chemin du retour aussitôt son rendez-vous terminé.

– C'est un plan bien ficelé, à un détail près : si les pneus de sa voiture éclatent tous en même temps, il y a de grandes chances qu'elle finisse dans le mur et lui avec.

– Sauf qu'il n'y a pas de murs à cet endroit ! Juste des champs et les silos dont je vous ai parlé, mais ils sont trop loin de la route.

Le front entre les mains, Andrew réfléchissait à la proposition d'Alberto, il releva la tête et observa la photographie de Walsh comme s'il cherchait à sonder les pensées de son défunt confrère, figé dans le passé derrière sa paire de lunettes.

– Bon sang, monsieur Stilman, si vous voulez la vérité, il faut avoir le courage d'aller la chercher ! protesta Alberto.

– D'accord, je marche, mais pour interroger Ortiz, il n'y aura que Marisa et moi. Je veux votre parole qu'aucun de vos hommes n'en profitera pour lui régler son compte.

– Nous avons survécu à ces barbares sans jamais leur ressembler, n'insultez pas quelqu'un qui vous vient en aide.

Andrew se leva et tendit la main à Alberto. L'homme hésita un instant et lui tendit la sienne.

– Marisa, vous la trouvez comment ? demanda Alberto en reprenant ses cartes.

– Je ne suis pas sûr de bien comprendre le sens de votre question.

– Moi, je suis sûr du contraire.

– Elle vous ressemble, Alberto, et vous n'êtes pas du tout mon type de femme.

*

De retour à l'hôtel, Andrew s'arrêta au bar. La salle était bondée. Marisa courait d'un bout à l'autre du comptoir, jonglant avec les cocktails. Le col ouvert de sa chemise blanche laissait entrevoir les rondeurs de sa poitrine quand elle se penchait, et les clients assis sur les tabourets ne perdaient rien du spectacle. Andrew l'observa un long moment. Il regarda sa montre, il était une heure du matin, il soupira et se retira dans sa chambre.

*

Dans la pièce flottait une odeur de tabac froid et de désodorisant bon marché. Andrew s'allongea sur le couvre-lit. Il était tard pour appeler Valérie, mais elle lui manquait.

– Je te réveille ?

– Ce n'est pas la peine de chuchoter tu sais, je m'endormais, mais je suis heureuse que tu aies appelé, je commençais à m'inquiéter.

– Ce fut une longue journée, répondit Andrew.

– Tout se passe comme tu veux ?

– Ce que je voudrais, c'est être allongé à côté de toi.

– Mais si tu l'étais, tu rêverais d'être en Argentine.

– Ne dis pas ça.

– Tu me manques.

– Toi aussi tu me manques.

– Tu travailles bien ?

– Je n'en sais rien, demain peut-être...

– Demain peut-être quoi ?

– Tu me rejoindrais ici ce week-end ?

– J'en rêverais, mais je ne crois pas que ma ligne de métro passe par Buenos Aires, et puis je suis de garde ce week-end.

– Tu ne voudrais pas venir me garder, moi ?

– Les Argentines sont si belles que ça ?

– Je n'en sais rien, je ne les regarde pas.

– Menteur.

– Ton sourire me manque aussi.

– Qui t'a dit que je souriais ?... Je souriais. Rentre vite.

– Je te laisse te rendormir, pardon de t'avoir réveillée, j'avais besoin d'entendre ta voix.

– Tout va bien, Andrew ?

– Je crois, oui.

– Tu peux me rappeler n'importe quand si tu n'arrives pas à dormir, tu sais ?

– Je sais. Je t'aime.

– Moi aussi, je t'aime.

Valérie raccrocha. Andrew se rendit à la fenêtre de sa chambre. Il aperçut Marisa qui sortait de l'hôtel. Pour une raison qu'il ignorait, il espéra qu'elle se retourne, mais Marisa grimpa à bord de sa Coccinelle et démarra.

*

Andrew fut réveillé par la sonnerie de son téléphone. Il n'avait aucune idée de l'endroit où il se trouvait ni de l'heure qu'il était.

– Ne me dis pas que tu dormais encore à 11 heures du matin ! demanda Simon.

– Non, mentit Andrew en se frottant les yeux.

– Tu as fait la fête toute la nuit ? Si tu réponds oui, je prends le premier avion.

– J'ai fait un sale cauchemar et j'ai enchaîné avec une insomnie jusqu'au petit matin.

– Mouais, je vais essayer de croire ça. Pendant que tu te reposes, moi je suis à Chicago.

– Mince, j'avais oublié.

– Pas moi. Ça t'intéresse ce que j'ai à te raconter ?