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– Je ne les fais peut-être pas, mais je vais avoir quatre-vingts ans l'an prochain et j'attends encore que la mort me permette de retrouver mon fils. J'imagine que d'avoir vécu si vieux aura été ma pénitence.

– Je suis désolé, Alberto.

– Et moi donc. Par ma faute, Ortiz va s'en tirer à bon compte. Quand il sera rétabli, il retournera à sa vie comme si rien ne s'était passé. Nous étions pourtant près du but.

– Vous me prêteriez votre voiture jusqu'à demain soir ?

– Elle appartient à un copain, mais je vous dois bien cela, où est-ce que vous voulez aller ?

– Nous en reparlerons plus tard.

– Déposez-moi au bar et je vous laisse repartir avec.

– Où pourrais-je trouver Marisa à cette heure-ci ?

– Chez elle, je suppose. Elle travaille la nuit et dort le jour, quelle vie !

Andrew tendit son carnet et son stylo à Alberto.

– Écrivez-moi son adresse, mais ne la prévenez pas que je viens la voir.

Alberto regarda Andrew, l'air interdit.

– Faites-moi confiance, chacun son tour.

*

Andrew déposa Alberto et suivit ses instructions pour se rendre au domicile de Marisa.

Il grimpa les trois étages du petit immeuble, rue Malabia dans le quartier de Palermo Viejo. Marisa sursauta en ouvrant sa porte, à moitié nue, une serviette autour de sa poitrine.

– Merde, qu'est-ce que tu fais là, j'attendais une copine.

– Appelle-la pour annuler et habille-toi, ou dans l'autre sens si tu préfères.

– Ce n'est pas parce qu'on a couché une fois ensemble que tu es autorisé à me donner des ordres.

– Ça n'a rien à voir.

– J'annule ma copine et on reste là si tu veux, dit Marisa en dénouant sa serviette.

Elle était encore plus sensuelle que dans le souvenir qu'Andrew en avait gardé. Il s'agenouilla pour ramasser la serviette et la passa autour des hanches de Marisa.

– C'est parfois moins bien la deuxième fois, va t'habiller, nous avons des choses importantes à faire.

Elle lui tourna le dos et claqua la porte de la salle de bains.

Andrew inspecta le studio de Marisa. Un salon servait de pièce à vivre et de chambre à coucher. Le lit était défait, mais la blancheur et la fraîcheur des draps invitaient à aller s'y blottir. Contre un mur, des piles de livres se soutenaient les unes les autres. Des coussins de toutes les couleurs entouraient une table basse au centre de la pièce. Au mur, entre deux fenêtres qui laissaient entrer une belle lumière, des étagères pliaient sous le poids d'autres livres. Tout n'était que désordre et charme, le studio ressemblait à sa locataire.

Marisa reparut, elle portait un jean déchiré aux genoux et un tee-shirt qui ne cachait pas grand-chose de sa poitrine.

– Je peux savoir où on va ? demanda-t-elle en cherchant ses clés.

– Voir ta tante.

Marisa s'arrêta net.

– Tu ne pouvais pas le dire plus tôt ! râla-t-elle en rebroussant chemin. Elle sortit d'un tas de vêtements empilés sur le sol un pantalon en velours côtelé noir et un débardeur, fit glisser son jean, ôta son tee-shirt et se changea devant Andrew.

*

Andrew était au volant, Marisa alluma une cigarette et ouvrit la fenêtre.

– Qu'est-ce que tu lui veux à Louisa ?

– Lui poser quelques questions pour boucler mon enquête et aussi lui demander d'arrêter de me prendre pour un idiot.

– Pourquoi tu dis ça ?

– Parce que ton oncle et elle se voient toujours, contrairement à ce qu'ils prétendent.

– Ça m'étonnerait beaucoup et, d'abord, en quoi cela te regarde ?

– Tu comprendras plus tard.

*

Louisa ne sembla pas surprise en leur ouvrant sa porte. Elle fit entrer Andrew et sa nièce dans son salon.

– Que puis-je faire pour vous ? demanda-t-elle.

– Me raconter vraiment tout ce que vous savez sur le commandant Ortiz.

– Je ne sais pas grand-chose de lui, je vous l'ai déjà dit. Jusqu'à ce que je vous rencontre, il n'était qu'une photo parmi d'autres dans mon album.

– Vous me permettez de revoir votre album ? Pas celui où figurent les photographies des tortionnaires, mais celles de leurs victimes.

– Bien sûr, répondit Louisa en se levant.

Elle ouvrit le tiroir du buffet et posa l'album devant Andrew qui le feuilleta jusqu'à la dernière page. Il regarda fixement Louisa en le refermant.

– Isabel et Rafaël Cruz, vous n'avez aucune photo d'eux ?

– Je suis désolée, mais ces noms ne me disent rien. Je n'ai pas les photos de chacun des trente mille disparus, uniquement des cinq cents dont les enfants furent volés.

– Leur fille s'appelait María Luz, elle avait deux ans quand sa mère a été assassinée, son histoire vous a échappé ?

– Votre ton ne m'impressionne pas, monsieur Stilman, pas plus que votre insolence. Vous ne savez que très peu de choses du travail que nous avons accompli. Depuis que nous luttons pour que la vérité soit faite, nous avons réussi à retrouver l'identité réelle de seulement dix pour cent de ces enfants volés. Il nous reste une longue route à parcourir et, vu mon âge, je n'en verrai certainement pas le bout. Et puis en quoi le sort de cette petite fille vous concerne-t-il ?

– Le commandant Ortiz l'avait adoptée, drôle de coïncidence vous ne trouvez pas ?

– De quelle coïncidence parlez-vous ?

– Dans le dossier qui nous a mis sur la piste d'Ortiz se trouvait la photo de María Luz, sans aucune précision sur le lien qui les unissait.

– Il semblerait que celui qui vous a informé a souhaité vous guider.

– Celui ou celle ?

– Je suis fatiguée, Marisa, il est temps que tu raccompagnes ton ami, c'est l'heure de ma sieste.

Marisa fit signe à Andrew de se lever. En embrassant sa tante, elle lui chuchota quelques mots à l'oreille, pour lui dire qu'elle était désolée et Louisa lui murmura à son tour :

– Ne le sois pas, il est plutôt beau garçon et la vie est courte.

Marisa descendait l'escalier, Andrew la pria de l'attendre un instant dans la cour, il avait laissé son stylo sur la table de la salle à manger.

Louisa fronça les sourcils en le voyant revenir.

– Vous avez oublié quelque chose, monsieur Stilman ?

– Appelez-moi Andrew, cela me fera un plaisir fou. Une dernière chose avant de vous laisser vous reposer, je suis heureux qu'Alberto et vous soyez réconciliés.

– De quoi parlez-vous ?

– C'est vous, tout à l'heure, qui parliez d'âge, je me disais que vous aviez passé celui de voir votre ancien mari en cachette, vous ne trouvez pas ?

Louisa resta muette.

– La veste accrochée à la patère dans votre entrée, c'est celle qu'Alberto portait lorsque je l'ai rencontré dans son bar. Bonne sieste, Louisa... Vous permettez que je vous appelle Louisa ?

*

– Qu'est-ce que tu fichais ? demanda Marisa lorsque Andrew la rejoignit dans la cour.

– Je te l'ai expliqué avant de partir, mais tu ne fais pas attention à ce que je te dis. Tu es de service ce soir ?

– Oui.

– Préviens ton patron que tu ne pourras pas venir, tu n'as qu'à lui dire que tu es malade, tu n'es plus à un mensonge près.

– Et pourquoi je n'irais pas travailler ?

– Je t'ai promis hier que nous terminerions ensemble ce que nous avions commencé, et c'est exactement ce que nous allons faire. Tu pourrais m'indiquer où trouver une station-service, il va falloir faire le plein.

– Où m'emmènes-tu ?

– À San Andrés de Giles.

*

Ils arrivèrent à l'orée du village après deux heures de route. Andrew s'arrêta le long d'un trottoir pour demander à un passant où se situait le poste de police.