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Pafeur comme je suis, et galvanisé par son appel direct, je m’approche de Rina pour du préalable, de la mise en train. Elle objecte sa main, verticalement, comme le fit à Verdun le maréchal Pétain (de l’Académie française jusqu’en 1945).

— J’ai une proposition à vous faire, dit-elle.

—  ???? lui réponds-je.

— Avant votre démonstration, nous allons visionner la cassette que vous avez sortie de ce meuble, cela vous évitera de déformer vos poches davantage en l’emmenant chez vous, d’accord ?

Le superbe Sana, tu l’as déjà remarqué au cours de la soirée, sait se montrer beau joueur.

— Excellente idée, ma chère.

Je m’approche de l’appareil vidéo, enquille la cassette dans son logement et branche le système de lecture.

Après quoi, je vais prendre place dans le fauteuil dont Rina occupe un accoudoir. Ma main enserre sa taille et sa gabelle. C’est doux, ferme, tiède, d’une extrême érectibilité. Un sujet d’élite.

Sur l’écran, une musique de générique retentit. Tiens, je n’ai même pas consulté l’étiquette de la cassette. Une image se forme, qui montre une prairie verte sous un ciel bleu, avec la ligne d’horizon très basse. Des caractères sur fond de ciel. Les Films Lanturlu présentent Les Robinsons du Ciel, de Danlkuu Laab Haleyèète[5]. J’ai déjà vu ce chef-d’œuvre il y a deux ans sur les Champs-Elysées en compagnie d’une ravissante jeune fille qui avait, il m’en souvient, les poils pubiens extrêmement soyeux.

Ça raconte comme ça qu’un O.V.N.I. (soit qui mal y pense) est en difficulté au-dessus du Nouveau-Mexique, il a une panne de grzzzz bruiiiii tchopfff et doit se poser en rase (motte et) campagne. Les petits hommes verts se mettent à la recherche d’un garagiste. Ils en dénichent un dans une bourgade perdue.

L’en question est un vieillard pittoresque, toujours bourré à la clé, et qui, en présence des extra-terrassiers, se croit en plein delirium. Comme ce n’est pas sa première crise, il fait comme si de rien n’était et suit les soucoupistes au volant de sa dépanneuse. Il prend le vaisseau spatial pour une vieille Ford, se met en devoir de la réparer et y parvient. Les E.T. le paient en lui remettant un crttt spriiiii beurgh. Le vieil ivrogne l’enfouille comme si c’était des dollars et rentre chez lui. Les extras déterrent. Le vieux va se pieuter.

Le lendemain, il raconte à sa vieille (laquelle ne s’est aperçue de rien) qu’il est allé dépanner des touristes. Mais, au moment de lui refiler l’artiche de la réparation, l’adorable bonhomme sort de sa poche le crttt spriiiii beurgh. La vioque fulmine, le traite de radoteur. Pour se remonter le moral, le garagiste écluse une boutanche de bourbon qu’il planque dans un vieux pneu. Un client klaxonne devant sa pompe à essence, le dabe va le servir, mais il le voit sous les traits d’un petit homme vert, alors qu’il s’agit d’un gros blondasse à la con avec un tee-shirt Cocu-Collé. Fin.

Le film est moins drôle que tu pourrais le supposer d’après ce résumé ; parce qu’il y a des longueurs, de la parlote, un petit chaton perdu, et des intentions gerbantes ; pourtant il mérite d’être vu. Revu ? Pas. Pourtant je m’attelle à là tâche sans cesser de caresser les hanches de ma belle hôtesse.

Je me dis que j’agis mal, ayant une épouse à la maison et une maman en Soviétie. Mais où ai-je la tête ? Dans ma culotte, tu crois ? Ce serait donc une tête de nœud ? Pourquoi pas. Dès lors, mon comportement s’éclairerait.

Maintenant elle est sur mes genoux, je l’ai débarrassée de sa jambe de pyjama. Ma main évolue comme toujours quand il lui est donné de remonter la Voie Royale. Tiens, les rideaux ne sont pas tirés. Le père Libris doit nous visionner à cru, avec ses jumelles. Je lui adresse un clin d’œil cordial par-dessus l’épaule de Rina.

* * *

Une heure vingt-huit plus tard, le film cesse sur l’image fixe du garagiste se frottant les yeux. Les deux mots « The End » s’inscrivent par-dessus. Mais non, quesque je raconte ! Puisque le film est en version française, c’est le mot Fin qui apparaît, superbe, avec son F comme Françoise, son I comme Ippolyte et son N comme dans mon N’amour.

T’ai-je précisé que la gentille Rina est à califourchon sur moi et me chevauche en parfaite amazone ? On éteindra la boutiquerie du vidéo après. Elle est lancée au trot anglais et s’agit pas de déranger son assiette. Je sens qu’elle va me réussir un sans faute, l’exquise. L’écran est blanc maintenant, avec des sautes d’intensité, des criblements de lumière…

Hop ! hop ! hop !

Il doit se régaler, le vieux tordu d’en face.

Tu crois qu’il gode encore, pépère ? Sûrement pas. Il haïrait pas s’il baisait. C’est beau, c’est généreux, la brosse.

Fortifiant, irradiant.

Ça réconcilie.

Ça incite à l’abnégation.

Peut-être que notre étreinte l’amadouera ? J’imagine sa reconversion au vu et suce d’un accouplement superbe. Il sort de ses aigrances, il est éclairé par la baise. Il tombe à genoux afin d’implorer Dieu qu’Il le guérisse de ses méchanceries, les lui déracine de l’âme. Il court proposer sa zézette à la dame pute du quartier qu’il a dû repérer, tu penses, lui qui voit tout.

Rina pique des deux. C’est plus le trot allègre mais la fantasia berbère. Je subis en homme d’airain : vas-y poulette, tant pis pour la surchauffe ! Elle se met à crier en tchécoslovaque. Et puis ça finit dans une stridence éperdue, comme le cri d’une défenestrée chutant du sommet d’un gratte-ciel (et là, c’est plutôt d’un gratte-cierge). Elle me tombe dessus, anéantie. Des soubresauts l’agitent encore, comme la voiture de Pinuche : auto-allumage sensoriel, fréquent chez les passionnées ; inutile de bricoler les vis platinées ou les bougies, ça ne changerait rien.

Un long moment s’écoule. Nous sommes en deçà des béatitudes, dans les limbes exquis de la prérédemption. Sur un petit écran du magnétoscope, l’heure palpite, en rouge. Le chiffre des minutes change toutes les soixante secondes. Il est zéro heure.

Elle ébroue (ou s’ébroue, si t’aimes le conformisme, mais je t’emmerde). Me descend de monture.

— Vous m’excusez un instant ?

Tu parles, je lui ai fait mon don de ma personne, à cette rapide, faut qu’elle remette le compteur à zéro.

Alors elle passe dans ses appartements.

Bibi, imperturbable, retourne au meuble bernois, si beau, dans les tonalités jaune, bleu, vert. Les motifs peints représentent un château au bord d’un lac, avec un type loqué dix-huitième en train de jouer de la flûte à une dadame en robe à panier en attendant de lui mettre la main au.

C’est naïf, c’est charmant, bucolique, apostolique et ça doit valoir un saladier. Je m’empare d’un nouveau faux livre, en extrais son contenu. Le film que je viens de visionner est normal, pourtant cette collection de vidéocassettes me tracasse, et lorsque je bute sur une turlupinade, je veux en avoir le cornet, je veux dire : le cœur net. Au lieu de mettre l’objet noir dans ma veste, où il protubère par trop, je file jusqu’à la lourde et le jette sur le gazon avec la superbe intention de le ramasser en m’enfoutant-le-camp.

La nana radine, cette fois dans la longue robe de chambre en velours noir que je lui avais mise trop précipitamment naguère.

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5

Fameux metteur en scène finnois, installé au Zuhessa, spécialisé dans les films de science-friction.

Note de l’épicier.