« Hélas pour eux, quand ils sont revenus chez Yuri, les Japs étaient passés par là et avaient tout embarqué, SAUF UNE CASSETTE. Le vieux gredin d’en face leur a parlé de moi. Ils sont venus, mais j’étais absent. Peu après, un autre homme s’est pointé à notre pavillon, j’ai appris qu’il s’agissait d’un julot de la C.I.A. qui souhaitait m’entendre à propos de ma mission en Russie. Un seul trou noir, noir, noir : le meurtre de la petite Katerina. »
— Moi, j’ai trouvé en ce dont il concerne ce propos, affirme le Radié.
— Tu as une version ?
— Moui.
— Vas-y, je suis preneur.
L’Ephémère se ramone d’une quinte de toux qui lui gonflait les cornemuses.
— C’est les Russes de l’auto, mon pote, cherche pas ceux qui t’surveillaient. A preuve : ils maniaient la caméra et la caméra a pas enregistré l’arrivée et le reparti de l’assassin ; occlusion, l’assassin c’est eux.
— Je ne le pense pas.
— Et pourquoi tu ne le penses pas, gros futé ?
— Je ne vois pas ce qui les aurait motivés, pour assassiner de cette horrible manière une fille de leurs services qu’ils s’étaient ingéniés à me faire épouser.
La porte s’ouvre sur Mme Pinaud, toute mistifrisée façon Poupette. Elle nous sourit, puis s’écarquille en apercevant le matériel entreposé dans son salon.
Alors, Pinuche prend sa courage à Denain.
— Bon anniversaire, mon aimée ! gazouille le vieux serin en sautant au cou de sa gerce.
L’épouse reçoit la bibise et proteste.
— Mon anniversaire tombe en novembre, César, et nous sommes en mai.
Le Frileux s’en tire par une déclaration parfumée à l’œillet fané.
— Quand on aime, c’est tous les jours l’anniversaire de l’autre, ma Suprême.
Nous les abandonnons discrètement.
Comme je parviens chez moi, oh ! la la ! que se passe-t-il ? Je trouve notre rue encombrée d’ambulances et de voitures de police tous phares tournants.
Mon sang impur abreuve à toute vibure les sillons de mon cœur.
Est-ce chez nous ? Qu’est-il arrivé ? L’angoisse me ronge. Je flanelle des cannes. Un voile obscurcit ma vulve.
J’avise le gars Toinet parmi les badauds. Tiens, non, ce cirque concerne la maison voisine. Ouf ! Que dis-je : HOUFFFF !
— Antoine !
Le môme se retourne et accourt.
— Hé ! dis donc, l’grand, t’sais ce qu’est arrivé ?
— Non.
— Le vieux d’à côté, le père La Cerise comme tu l’appelles, eh ben il est devenu fou et il a coupé la tête à toutes ses bonnes portugaises. Tu te rends compte ?
Oui, je me rends compte.
C’est rudement chouette que Félicie ne se soit pas trouvée dans la maison la nuit dernière. Dans le fond, ils sont gentils, ces Russes, et drôlement opérationnels.
Enfin, moi je trouve.