Выбрать главу

Bon, je m'écarte. Mais c'est tant mieux. Les zigs qu'ont un vif du sujet et qui restent à cheval dessus ne vont jamais bien loin. Moi j'me laisse aller devant c'te petite grille noire du mégalophone en regardant tourniquer le ruban. Dans le fond, lui il s'enroule, et c'est moi que je me déroule. On se transvase, quoi. Je te livre tout en vrac, t'auras le temps de trier ; moi j'lai pas.

Pour t'en revenir, le cul…

Eh ben le cul, c'est la grande messe de l'amour quand tu aimes. Sinon c'est juste un moment de plaisir. Entre une bouteille de Juliénas et une pipe, tu la vois, la différence ? Sinon que la boutanche te fait plus de profit ? Pointer pour seulement régaler la viande, je vais te dire : c'est pas très malin. A preuve qu'ensuite d'après tu te sens tout pomme av'c ton panoche fané. Ainsi, pour ce qui est de ma part, gamine, sache que bouillaver Berthy ou bouillaver un aut' brancard ça fait deux. Quand c'est ma Berthe que je passe à la casserole, y'm'vient la sensation, en calçant, que j'fais des sortes d'éconocroques. Un peu comme j'gérerais ma fortune, tu saisis bien l'mordant d'là chose ? Je capitalise. Quoi ? Mystère et bullgum. Sont-ce des sentiments ? Probab', parce que du foutre je verrais mal ce dont ça correspond ; à moins de monter une suc-cure-sale de la banque du sperm ; mais j'serais pas capab' de la gestionner. Donc, applique-toi à toujours baiser av'c amour quand ton moment viendra. Paye-toi juste de menus estras temps à autre, manière de constater la différence, en t'gaffant de pas en prendre l'habitude.

A ce propos, y'a un truc que j'insiste énergétiquement, ma loute : sèche tes cours d'éducance sexuelle. J'sus pas bachelier, ni même brevetier, en tout cas, sur la tête de la mémoire à ma mère — et j'plaisante jamais sur ce sujet — je peux te dire que rien de l'amour n'saurait s'apprendre ailleurs que sur l'tas. Personne, aussi viceloque soye-t-il, n'a jamais biché son panard au tableau noir, en f'sant des graffiti.

Enseigner l'amour aux mômes est une pure dégueulasserie. Le moment de tremper v'nu, il leur reste quoi, aux jeunes gens et filles ? Y z'ont l'impression de faire une composition.

Plus loin, j'te raconterai mes espériences privées personnelles ; en admettant que j'eusse le temps d'aller plus loin.

Cette dérive juste parce que j'te disais que j'restais seul à l'agence av'c la Claudette et qu'après y avoir pratiqué les bonnes manières zusuelles je me tartais comme un croûton de pain derrière une malle.

Un matin, v'là le bignou qui carillonne. Je décroche : c'était le Vieux. Tu m'as souvent entendu au sujet de son propos à ce catafalque ambulant. Je vous l'ai dit répété cent mille fois et mieux l'à quel point il est grincheux, rouscailleur et pédant, ce sale corbaque déplumé. Jamais content, toujours à te reprendre pour ceci-cela et autre. L'œil comme un cube de glace en train de fondre dans un vouisky, la voix à te guérir l'hoquet le plus tenace, et des rebufferies à n'en pas finir. Le nombre de fois qu'il a failli m'faire étrangler en me surprenant en plein casse-graine dans mon burlingue lorsqu'il me surgissait à l'improvisation sur le pal tôt ! Charogne, va ! Tu vois : c't'une des personnes que j'regretterai le moins en dessoudant. M'a trop humilié, des années durant. « Bérurier, ça vous ennuierait de changer de cravate, la vôtre n'est qu'une cascade de jaune d'œuf. » Ou bien : « Je sais que vous affectionnez les liaisons, Bérurier, hélas, les vôtres sont par trop dangereuses. » Et tout à lavement av'c ce Clemenceau de poulailler. Un accidenté d'là culture, quoi ! Les mecs qui font leur vie avec la grammaire et les belles manières sont tous des sales cons, la vie m'a appris. J'ai jamais compris qu'l'Antonio aye un faible pour lui dans l'intérieur de son fort ; qu'y s'laisse impressionner par le théâtre de ce vieux guignol mal luné. Depuis qu'on a monté c'te combine d'Agence faussement privée, note qu'on était à peu près peinards. Y's'contentait de surviser de loin, le teigneux ; de nous bafouer par téléphone, or faut si peu de chose pour couper une communication.

Et v'là sa voix façon pôle nord qui me dégouline dans la trompette d'Eustache.

Et ça fournit à peu près ceci :

— Quoi de nouveau, Bérurier ?

— Heu… pas grand-chose pour le moment, m'sieur le directeur.

— Effectivement, vous avez le ton d'un oisif, mon cher. C'est mauvais pour la forme. Un policier doit sans cesse faire des gammes, tout comme un pianiste. J'ai présentement sur les bras une affaire très grave et très préoccupante sur laquelle mes bonshommes piétinent : j'aimerais que vous vous en occupiez officieusement, vous qui êtes un marginal.

Un marginal !

C'est quoi, au juste, un marginal, Marie-Marie ? Ça me plairait que tu mates sur le dico. A ce propos je te signale que, depuis qu't'as abandonné le piano, j'ai prêté le gros Larousse que tu t'assoyais dessus à Mme Frusque, notre voisine de palier, qui s'est lancée dans l'mot croisé conséquemment à son veuvage.

Non, marginal, j'vois pas, mais tel qu'il me l'a balancé, j'ai pigé qu'ça n'devait pas être spécialement gentil. Je passe l'outre, n'voulant pas faire des vagues inutiles.

— De quoi s'agite-t-il, m'sieur le directeur ?

— L'affaire Martin Martin…

— Le député assassiné ?

— Exaguete, Bérurier. Il a été abattu en sortant du théâtre, un soir de la semaine dernière. Quatre balles dans le dos au moment où il s'apprêtait à monter en voiture, vous avez dû lire la chose dans votre journal.

Son ton, en m'disant « vôôôtre » journal. On sentait bien qu'on n'lisait pas le même, moi et lui.

— J'l'ai pas lu, mais j'en ai entendu causer à la tévé, m'sieur le directeur.

— Alors, étudiez-moi ce dossier.

— Où que j'dois le prendre ?

— Quoi donc, Bérurier ?

— L'dossier ?

— Nulle part, c'est une image. Vous démarrez à zéro ; tout neuf, comprenez-vous ? Et discrètement. Je vous veux occulte.

S'il m'veut occulte, y m'aurait !

J'envoye la Claudette acheter les torchifs où qu'ça racontait en détails le meurtre du député, et j'm' sers un wouisky pour mieux davantage m'recueillir, bien préalabler avant de plonger sur cet os.