Une grosse rincée à. la papa Bérurier, quand y' s'tronchait la Polak. Elle gueulait à m'en cigogner les tympans, Je-ne-veille :
— Arrrrh que c'est bon ! Tu es un homme ! Tu es un taureau ! Tu pues ! Ah, ce que tu pues !
Merde, j'ai failli déjanter, d'm'entendre hurler ça dans les feuilles à c't'instant, mézigue qu'avais changé d'flanelle l'matin même et pris un bain d'pieds trois jours plus tôt à peine !
Heureus'ment que j'étais posé sur l'orbite. J'y allais à la ramonée sauvage. C'tait c'qu'elle attendait, G'n'viève, non ? Lu fallait la grande bourrasque, la tornade effrayante, à lu démant'ler le pot ! Qu'elle en avait tant tellement quine d'son toubibe dégodeur et d'ses beaux messieurs maniérés qui la lonchaient à la p'tite queuillère, comme ils eussent pris t'une tasse de thé, et non pas une belle gonzesse avide d'zobanche.
— Encore ! Vas-y, paysan ! Sale brute ! Goret !
V'là ce qu'é me criait, la salopiote, en balançant des coups d'reins sauvages pour m'venir à la rencontre, n'rien laisser perd' d'mon atanomie ! Ce foin ! Ces cris ! L'avait vraiment b'soin d's'estérioriter, la môme ! J'y filais des ruades qu'not' Gamin n'aurait pas fait mieux.
Bon, mais c'tait pas pour en venir à ça que j'te raconte Jeune-Vieille. C'que j'voulais t'confesser, c'est le coup d'sa montre. Moi, tandis que je chargeais du bas rein, prenant appuyé du front su' l'matelas, v'là que je sens une douleur à la tête. Je mate, tout en continuant d'limer, et j'aperçois la montre en or de la gonzesse qui s'tait détachée d'son poignet pendant ses infusions. Sans cesser d'brosser, j'm'tiens l'discours ci-dessous : « Si j'planque sa montre sous le matelas, elle croyera l'avoir perdue allieurs et é s'barrera en la laissant t'ici. »
Moui, j'ai pensé ça, moi. Bérurier, l'honnêt'té faite t'homme La seule unique fois d'ma vie. A la suite d'quel démon ? J'en ai jamais rien sachu.
Un espèce d'vol, indiréqu'ment parlant. Oui, j'aye pas la trouille du mot : un vol !
Bon, tout en m'acharnant sur son trésor, en louc'dé, je biche sa tocante, et v'là que je la glisse sous l'matelas.
Elle en rajoutait d'plus en pluss, G'n'vieille. Me traitait de sale salaud, testuel, j'l'entends encore. Accompagné d'horreurs. J'la r'montais de quéques centimètres à chaque bourrée, si bien qu'au final, ell's'trouvait presque en huit, contre les barreaux du plum'. Y' n'subsistait plus qu'son dargif et sa tête, l'restant semblait avoir disparu, s'êt' emboîté comme une longue-vue. On est parti en salade en même temps, comme un vieux coup' qui se connaît bien et s'pratique depuis lulure. J'l'avais tellement embroquée qu'j'm'demandais s'y faudrait pas des cordes pour m'arracher.
T'aurais vu l'esténuance d'là donzelle. Brisée, la jolie madame. Son talieur Camel, t'en aurais pas offert trois balles ! Un épouvantail aurait protesté à son syndicat si on l'en avait affubulé. Elle s'couait douc'ment la tête en soupirant :
— Eh bien… Eh bien…
Moi, j'pensais à la montrouze sous l'matelas. J'espérais qu'elle était trop dans l'coltar, la femme au docteur, pour constater la perte d'son bijou.
— Quelle force ! elle a fini par complimenter. Vous êtes une brute, mon chéri. Une ignoble brute !
J'ai souri, modeste. Bon, j'limais comme j'savais ; à mon idée, s'lon mon instincte. Chacun, dans c'cas, suit son inspirance. De c'temps-là j'fignolais pas. Les gât'ries prémilinaires, j'ignorais presque. Une p'tite minette frugale, à la rigueur, manière d'se stimuler l'appétit. Ou un léger coup d'médius dans l'bénitier, oui, des fois, pour s'entreprendre, mais en principe j'démarrais carrément au sabre.
Au bout d'un moment, elle s'est r'coiffée d'vant la glace d'son poudrier que j'lu tenais à la figure. Elle m'engueulait parce que j'bougeais. Elle a posé sa veste pour la s'couer, la défroisser du plus gros. La jupe, c'tait la grande calamitas, ça f'sait d'énormes plis, comme à un éléphant assis.
Elle ronchonnait par manque d'salle d'bains. La bourgeoisie qui la remparait, c'te chochote. Maint'nant qu'elle avait eu droit à la grande troussée d'ses rêves, elle s'languissait d'son bidet à robinet doré.
J'eusse pas été tourmenté par c't'histoire de montre, ça m'aurait amusé, son embarras. La manière qu'elle déplorait mes conséquences, c'te pimbêche.
Enfin, tant bien qu'mal, elle se r'fait une allure.
— Quand t'est-ce on s'revoye ? j'lu murmure.
Elle me jette un vilain regard.
— Vous vous foutez d'moi, paysan !
Puis elle s'est approchée du lit, a soul'vé le bord du matelas et a ramassé sa montre. Ell' la t'nait ent' le pouce et l'indesque, comme un pendule. Je cramoisais.
— Dites, Bérurier Alexandre-Benoît, êtes-vous bien sûr de vouloir être flic ? elle m'a d'mandé comme ça.
J'n'pouvais seul'ment plus avaler ma salive.
Alors elle m'est approchée et elle a fourré sa tocante dans ma poche en disant :
— Je vous la donne, paysan !
Elle est partie, sa valise à la main, sans ajouter un mot ni un regard, en laissant la porte grand t'ouverte. J'l'ai vue longer le couridor. Des tordus s'tenaient su' le pas de leurs piaules, tellement qu'son raffut avait attiré l'attention d'l'hôtel.
Attends, c'est pas fini.
C'te montre, Marie-Jolie, é m'brûlait la poche. J'ai presque pas dormi d'là nuit qu'a suvi. L'lend'main, j'm'ai renseigné, et j'sus été la porter au commissairiat du quartier où, chose curieuse, je devais t'être muté plusieurs mois après. J'ai raconté comme quoi j'l'avais trouvée.
J'y pensais plus quand, un an un jour après, on m'l'a rendue. L'était à moi, officiellement. Alors j'l'ai offerte à maman. Sa joie, à ma Francine ! Elle qu'avait jamais eu qu'un p'tit monstrillon d'argent qui lu v'nait de sa mère et qui n'f'sait pas brac'let, tu penses ! Doré de l'avant, elle l'a mise tous les dimanches et aussi pour les cérémonies d'famille. Ça constituait son bijou, à maman. Après sa mort, mon vieux l'a donnée à Berthe, malgré qu'elle en aye eusse d'autres. En souv'nir d'maman. Un comb', non ? Il est pour moi, l'souvenir. Pour moi seul… Et drôl'ment biscornu. Un jour, c'te putain d'montre, ell' t'r'viendra, gamine, pisque t'es notre seule héritière testataire de moi et Berthe.
Jette-la pas !
J'visionnais un truc con, où d'vieux cons donnaient des conseils cons à d'jeunes cons quand le bigophone a carillonné.
Y sonnait souvent chez les Martin. La suite d'un deuil, c'est plein d'gens à la bourre d'condoléances qui viennent s'escuser et présenter leurs vœux d'oublille. Mais quand il a tinté, c'te fois, la veuvasse qui m'avait rejoigni s'est dressée.
— Ce sont eux ! elle a dit.
Comment qu'pouvez l'savoir ?
— Ils raccrochent dès que ma sonnerie retentit et recomposent aussitôt.
— C't'un code qu'v's'êtes convenus ?
— Non. Il en a toujours été ainsi.
Fectiv'ment, le bignou a stoppé tout d'sute, qu'on aurait pas eu l'temps d'le cramponner même qu'on s'rait été à promiscuité immédiate. Puis, il a remis ça.
— V's'avez bien pigé c'que j'vous aye r'commandé ? j'ai dit.
Elle a branligoté du chef. Pauv'femme, si pâle. Anxieusée jusqu'à la mouelle.
J'tenais déjà l'écouteur annesque quand elle a décroché. J'ai fermé les châsses, histoire d'mieux me concentrationner.
— Allô ! a br'douillé Germaine.
Une voix d'homme a dit :
— Salut, je vous passe la petite.
— Non, un instant, attendez ! C'est grave !
Y'a eu un silence. On pouvait croire qu'le type n'avait pas z'eu l'temps d'entend'. Mais il a d'mandé :
— Quoi, grave ?
— La police m'a demandé de parler à Martine. On veut l'interroger pour savoir si elle aurait remarqué quelque chose en allant en classe, ou bien même à la maison.