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Cela, ma poule, pou' qu'tu comprennes qu'après des esploits de c'tonneau, c'est pas une Betty Rosier av'c sa carne vasouillarde qu'allait m'intimider ; ah ! que non…

— Dites donc, elle m'a fait en me caressant la main, vous m'avez l'air d'un drôle de dévergondé, vous aussi. Les sondages assurent que les hommes font l'amour en moyenne deux fois par semaine, mais vous ne devez pas appartenir à la moyenne, je vois cela à votre regard.

— Et encore, j'y riposte, l'regard c'est rien.

Elle a maté ailleurs, là qu't'as plus les moiliens d'te vanter à blanc, et son espression a d'venu tout plein aimab.

— Bravo.

— Les sondages, j'ai soupiré, c'est la plaie de c't'époque. Et tu sais qu'je l'pense, Marie-Marie. V'là qu'aide à manipuler les populations comme des p'tites bagnoles téléguidées. On les pousse au cul à coup d'chiffres, les populations. Y vont dans l'sens qu'on leur indique, sans piger, d'autor, juste av'c des pourcentages. On les coiffe complet, les connards. Car c'est fou c'qu'y sont cons, les cons, fais-moi confiance. On leur sonde pas s'l'ment les z'opinions, mais la vie entière : le ce qu'y bouffent, le comment qu'y baisent, l'au sujet de leurs bagnoles, de leurs vacances, des médications dont y's'gavent, tout ça… Rien leur est laissé à l'hasard. Prévoir tout bien, qu'aye pas d'surprise. Le temps qu'y vont vivre, ce qu'y vont aimer, dire, penser, voter. Une vraie chiott'rie ! Y sont d'moins en moins à eux. Doucettement, les chiffres les remplacent. Remplacent tout. Bientôt v'là ce qu'on becqu'tera pour s'nourrir : des chiffres, comme les ordineurs Ibéhème. On nous les f'ra en pâte à biscuit au début, qu'on s'y habitue. Et ensuite en rien du tout. On gobera du vide en forme d'chiffres. Y's'méfient pas, ces pauvres loques. Putain, la rogne qui m'prend d'nous voir vider la tronche à une telle allure ! On s'disloque de l'énergie. Barbapapa, c'est déjà nous ! On est tout flou, tout passe-partout. Tout eu. V'là : y nous ont t'eus. Qui, nous a eus ? C'est là, la farce : nous ! C'est nous qu'on s'est eus, bien malins ! Destructionnés en camarades. D'une idée l'autre, d'une invention l'autre, d'une vacherie l'autre. A force d'avoir pas pigé qu'a pas un poil de derche d'différence ent' les aut' et soye.

Au lieu d'aller faire chier l'voisin, on a aussi bon compte d'se faire chier d'vant une glace, ça va plus vite et la résultance est pareille. Non, non ! Tiens pas compte d'leurs sondages, ma loupiote. Et réponds-y pas, jamais !

Elle s'en foutait, des sondages, maâme Betty. C'qui l'intéressait, d'puis toujours, c'tait ses fesses et leur confort. Y leur fallait des coussins, de l'eau tiède et des crèmes adoucissantes, ses fesses. De feurste couality. Alors, le restant, elle t'en f'sait cadeau. Son derrière et son portrait, les deux réunis. Sorti d'là, l'humanité, pour elle, c'tait les serveurs d'chez Maxim's, les champouineuses d'chez Carita et l'toubib qui lu prescritionnait des pilules à rester maig'. Pointe à la ligne !

Un instant, j'm'ai d'mandé si je la loncherais pas tout d'sute, profiter d'la situation d'intimitance qu'on s'trouvait. Mais un truc m'taraudait le cuir éch'velu. Pourquoi ? J'l'ignore. Probab' que le pif, pour un poulaga, c'est essentiel ?

Attends, j'crois qu'la bande va foirer.

Oui, elle…

— FACE 2 —

Ça y est. Maintenant, je te change ça d'un détour d'main. Bon.

La vie… Oui, c'est ma vie que j'ai arrivé à t'bonnir, ma fille. J'sus parti d'conseils pour déraper aux confidences. Celles-là, tu fous l'pied d'dans, t'as plus mèche de t'en sortir. Ma vie, Marie-Marie. Ma vie polissonne, ma vie friponne, ma vie cochonne, ma vie dégueulasse, même, certains bégueulards trouveraient. Mais c'est quoi, la vie, sinon d'passer du temps su' c'te terre av'c d'aut' personnes ? Des personnes qu'on doit souvent s'chicorner ensemb', d'accord ; mais qu'on brosse égal'ment souvent, Seigneur Jésus. Et quand tu mémores, y n'te reste plus qu'le juteux dans l'tiroir aux souv'nances, ma momaque. Les belles envolées culières, les chouettes frénésances d'là peau. J'sais. Oui ; j' sais parfait'ment qu'en ce qui me concerne, moi, Bérurier, on m'aura comparé à des chiées d'animals. Queue-d'âne, pour commencer, et puis goret, à cause de cette rage de reluire et de bien viv' qui m'a toujours mené, et en plus : fort comme un taureau ou un bœuf… J'en passe. M'en fous. Animai, moi ? Et comment. J'm'en vante. Les mectons, la grande partie du moins, leur tort c'est d'ne pas vouloir admett' qu'y sont su' terre au même titre qu'un âne, un goret ou un taureau (j'évite le bœuf parce que c'n'est pas naturel, on naît pas bœuf, reus'ment).

Y z'ont, certes, l'intelligence en suce, et c'est elle qui fait dérailler. Au lieu que ça prolonge leur animal'rie, y croivent que ça la remplace. Mes couilles, oui !

Not' planète, Marie-Marie, s'appelle la Terre. T'es-ce tu demandé pourquoi ? Ben, j'vais t'dire : parce qu'elle est faite de terre. La Terre est en terre, merde bordel ! Faut pas perd' d'vue. Et su' c'te terre y'a que des plantes et des bêtes qui r'tournent à la terre quand é sont fanées quoi merde ; c'est pourtant facile ! Parmi ces bêtes, t'as l'homme qu'est la plus marie de toutes pou' l'moment ; j'te précise bien : pou' l'moment, car rien ne prouve qu'ça n'changera pas à la faveur de quéqu' clataquysme et que les mouches ou les castors nous remplaceront pas haut la main un jour. Comme cette bête maline a dominancé les autres et géré tout l'bastringue, elle a pigé dans son fond d'soi-même qu'elle était faiblarde et a inventé Dieu. Plus tu domines, plus t'as b'soin d'un supporteur. Et maint'nant qu'l'homme a créé Dieu et qu'Dieu existe, y n'se croit plus qu'esprit, le con d'homme ! Ï1 fait des chichis av'c la Terre ; la terre qu'est terre, vérole ! Y r'chigne d'là matière, l'homme. Y joue à l'esprit malin, l'ahuri ! Ah, écoute, j'voudrais bien t'faire piger l'essentiel qu'y a à rester terre à terre. Pas s'envoler, nom de Dieu ! Y' ne peuvent qu'faire semblant d'voler. Y n'auront jamais d'ailes à eux. Seul'ment des fausses, mécaniques, à pétrole.

J'vais pas dégoiser su' l'homme à en choper la colique ; j'te disais, su' l'aut' face de c'te bobine, qu'un coup de pif flicard m'a incitationné à lu poser une question, Betty.

— Dites, la jolie, vous est-il arrivé d'recevoir un coup de téléphone que la sonnerie sonne un coup, puis s'arrête net et qu'à l'aut' bout on recompose dare-dare ? Et puis, qu'quand on vous cause, v's'entendez pendant t'te la durée d'là converse comm' une espèce de ronron pareil à çui d'un séchoir électrique par exempl' ?

Elle m'souriait, comme si j'l'aurais amusée, Betty Rosier. Et v'là qu'son sourire s'évapore comme une pastille d'saccharine dans du café chaud.

— Mais… mais…

C'est toujours bon signe, une personne suffoquée qui t'bredouille des « mais » pour s'donner l'temps de piger ou çui d'mentir.

— Réponse, ma jolie ?

— Eh bien, effectivement.

— Disez ! Disez vite, ma poule. Vous r'cevez ce genre de turlu ?

— Très souvent.

— De la part de qui est-ce ?

— De mon fils !

Poum, servez chaud. Y' s'débarbouille pas mal, tonton Béru, quand il assure seul une enquête, hein, fifille ? La Berthe s'rait fière d'moi.

Berthe !

Ma Berthy.

J'sus vache, dans l'fond, mignonne : j'pense qu'à toi en c't'instant que j'vais canner. Mais elle, la gravosse ? La chère bonne compagne d'ma vie. Qu'aimait la bouffe et la brosse à mon unisson. Elle, Berthe pour toujours, et que j'vas prendre congé sans un mot, sans un merci…

Elle aura une pension, une prime d'assurance et not' meublier, ça oui. Elle aura aussi nos souv'nirs, les deux : çu de not' première baisouille, çu d'not' première engueulade ; de toutes nos premières fois qu'on aura fait quéqu'chose ensemb' !.. Quéqu'chose d'bon ou d'pénible. Ell' continuera d'aller s'faire mett' par Alfred, le coiffeur, dont c'est d'venu une sorte d'habitude d'leur part, mais qu'j'leur en veux pas, parce que si j'regarde d'mon côté, hein ? C'est pas des coups d'canif que j'y aurai filé dans not' contrat d'mariage, mais des coups d'cognée bûcheronne. L'existence est longuette, somme toute, pour tout l'monde. Tu peux pas la passer à n'enfiler qu'ta femme et des perles. Mais moi, Berthy, sans m'vanter, j'sais que sa grande régalade, en amour, ça rest'ra nos z'ébats. Pour Alfred, j'sais aussi ce qui l'aura plu à Berthe : c'est sa délicatesse que moi j'peux pas. Pommadin, il l'est aussi dans les façons, Alfred. Ses originaires italiennes, j'prémunis. Une mère ritale, du sud, donc une vraie ! Et alors, ça y'a filé du moelleux dans les façons, Alfred. Tout ce qu'y dit est un peu à la brillantine Roja. Et ses mouv'ments ont une espèce d'rondeur, tu vois comme ? Y gazouille du geste, Alfred. Et puis, quoi : y sent bon. Un salon d'coiffure, c's'rait été malheureux ! Moi, j'sens l'homme. La bête. C't'aut' chose, c'est plus vrai. Mais une souris, y'a des moments qu'elle a b'soin d'délicateries. Alors, l'Œillet fané, et l'afteur chauve, ça lu porte au cigare, elle flanche du sensoriel. C'est son p'tit voiliage en gondole, sa balade su' l'Grand Canal (é n'rend pas compte que c'est pas çui d'Venise, mais çui d'l'urètre).