Elle m'répond comme quoi son nouveau amant la brosse tell'ment qu'elle va bientôt avoir l'frifri coiffé plat, à la Michel Debré, et puis raccroche.
J'm'avise alors que le gonzier qui m'a composé le numéro a enfilé mon bon à un clou piqué derrière la porte du réduit, un clou sans tronche où se trouve déjà une belle épaisseur de bons identeux au mien.
Moi, sans m'biler outre la m'sure, j'profite d'ce que le julot s'occupe de fout' l'rouge à l'estudio pour enfouiller le blot.
Ensut' je demande les chiches pour, à tête r'posée, xaminer les différents bons qu'étaient déjà épinglés au clou. J'sus marron. Aucun des pap'lards, en dehors du mien, ne comporte le bigophone aux Martin. Alors, où ça va, ça ?
Je lâche un fil, manière d'avoir pas fait le voiliage pou' rerien et j'me ramène vers l'grand décoiffé au pull roulé. Il a moulé une d'ses savanes et se gratte la planche des pieds.
J'lu sourille.
— Ça t'ennuille pas, fils, d'me r'demander l'numéro qu'était occupé ?
Y dit qu'non, renfile sa savane et va.
J'utilise qu'il a l'dos tourné pou' remett' les bons en place.
— Toujours occupé, y'm'fait.
— Tant pire, qu'j'lu rétroque.
Et, mine d'rien, en essayant de me payer un air plus con qu'nature, je l'interviouve.
— C'est des vrais Harpajons, c'te production ! Cinq francs le coup d'turlu et un bon pis qu'un ord' d'mission pour pouvoir, mince, même chez les soyeux lyonnais y n'os'raient pas.
Il rigole.
— Ah, ça, ils n'attachent pas leurs chiens avec des saucisses. Un sou, c'est un sou.
— Et la rég' est la même pour tout l'monde ?
— Sans exception.
— Le patron aussi, s'fait faire un bon ?
Y l'hausse son porte-manteaux.
— Tout d'même, v'voulez rire !
— Donc, y'a qu'lui ici qui a l'droit de tuber sans montrer patte blanche ?
— Lui seul. Ça vous intéresse en quoi, somme toute ?
— Si on peut plus causer ! Moi, les radins m'défrisent.
— A qui le dites-vous !
— Et il téléphone beaucoup ?
— Quand il en a besoin.
— Aujord'hui, par exemple ?
— Mais nom de Dieu, pourquoi vous me demandez ça ?
— Répondez-moi d'abord ! Il a téléphoné dans l'après-midi ?
— Bien sûr.
— Et il fait lui-même sa communicance ?
— Re-bien-sûr. Alors, pourquoi ces questions ?
J'sus sauvé par le cong. Su' l'plateau, y viennent de finir la prise et ça y est, la journée est en bas ; tout l'monde discutaille, s'agite, surexcite. La Graziella qu'a abouti l'mec s'rince la bouche à l'eau de Botot, l'artiste se fourbit l'panoche av'c une serviette éponge tandis qu'le barbu réalisateur lu claque le dos en y assurant qu'il a été très bien dans son défoutraillage final. Il a superb'ment rattrapé ses débandades passées, le levantin. Sa gesticulation a ravi Xavier, la manière, paraît-il, qu'elle s'est produit : fougueuse, passante. La Graziella, sa mimique capturée en gros plan vaut de l'or. La manière qu'elle a submergé de la glotte, cette chérie, quand il a balancé son encre sympathique, le vieux calamar. Cette étouffade soudaine, testuelle tranche de vie, que jamais encore, dans nulle autre production il a encore vu ça, Xavier. Un véridisme aussi authentiqu'ment réel.
Et il est tout joyce, l'étudiant dentiss. Content de c'qu'y l'a m'né sa tâche bien jusqu'au bout, et qu'elle en aye morflé plein les badigouinsses, la noirpiote bêcheuse. Pour d'là belle ouvrage, c'est d'la belle ouvrage ! D'autant que dans la lumière des calbombes, et tandis qu'ronronne la caméra, faut s'faire un drôle d'empire su' lu-même pour arriver dans les délais, avant la fin du magasin. Le fourbi qui s'débobine à tout va, tu parles : 24 images seconde, si ell' s'goinfre, la caméra. Alors, faut qu'tes glandes suivent. Qu'é s'portent volontaires en temps et en heure.
Paraît qu'ça été au rasoir, le bouquet final.
Le mot qu'il employé, Xavier : « au rasoir ». Le caméramane le renchérit bien haut : on aurait juré qu'il avait chroménotré son coup, le dentiss polisson. A la fin d'son déboulé, y'n'restait pas un mètre de pellicule dans l'magasin. Et t'aurais voulu aller où cela, toi, un mètre de pellicule ? Y'avait plus mèche d'reprendre les choses à zéro ni rien. La journée qu'était descendue, s'il aurait pas éternué dans les délais impartis, Sidi Chibrâq !
Bravo !
Naguère lavetu, l'v'là promotionné héros.
On l'reprendra dans une prochaine. On l'recommand'ra aux confrères.
Xavier lu dissuade d'poursuiv' ses études. Quand on a des burnes pareillement impéteuses et torrentionnelles, qu'est-ce on en a fout' des molaires pourries d'ses concitoyables ? Les vrais princes d'ce monde, s'lon Xavier, c'est les queutards. Pointe à la lign'.
La Graziella renaude, just'ment de ses trop fortes prouesses. C'est pas un taureau, elle assure, mais une arroseuse municipable. Il a les roustons sous pression, c'bandit…, Chacun' d'ses burnes, c't'une p'tite boutanche de Butane, en soi. Un syphon !
Plus elle renaude, plus ça lu fait d'là gloire, le dentiss. Demain, Tout Paris va l'savoir, ce type capab' de t'éteindre une incendie rien qu'en déchargeant contre. Comment il t'la rendue la mornifle à Graziella ! A pompier pompier et demi !
L'eau de Botot y'ayant pas suffi, elle fume des tiges à la menthe, mam'zelle négus ; se refaire un palais, oubliller la terrible impression. Les geysers, merci bien, elle a pas été engagée pour, elle est pas islandaise, mais des Iles, des vraies, à cocotiers. Une qu'est rêveuse de tout ça, c'est la mère Betty.
Une grand-mère qu'a passé sa vie à essorer des burnes, la qualité du spectac' y'a été droite au cœur. Elle me chuchote qu'à son grand jamais elle n'a vu un mecton postillonner aussi terrib'ment. Elle flaire en lui une esseption, Betty. Ah, comme y cachait bien son nœud, l'voyou, en pendochant trist'ment avant son faramineux éclatement.
Ses coups de zinzin, à lui, c'est des coups d'théâtre.
Elle lu propose d'lu donner des cours d'comédie, qu'il pusse prétendre à une vraie carrière, pas toujours jaculationner en 35 millimètres, commako, d'vant tous les chacuns-chacunes d'une équipe cinémateuse. Il a des dons, elle le certifille. Palpab' ! La v'là qui l'invite à dîner pour tout d'suite. Faut qu'y causassent de tout ça calmement ; dresser un plan d'campagne.
Il est féru de l'aubaine, c'gnace-gommé, et comment ! Y l'entrevoit une croûte sélective qui va lui changer des m'nus à trois balles. Dans l'fond, y préfère l'ravier au davier, Ben Machin. La vioque, il est partant pour se l'embourber ent' deux jouvenceuses. Il a pigé les intentions s'crètes à la chère madame, et comment qu'ils vont vite dérégéner, les fameux cours d'comédie. Un type comme le beau gicleur, y l'est pas tombé d'là dernière pluie, d'ailleurs, ça fait des sièc' qu'a pas pleuvu dans son pat'lin. Y connaît le parti qu'a à tirer d'une riche morue, même décatie à outrance. Il est pas bégueule, il pratique l'tout terrain pourvu qu'y pusse y récolter son blé quotidien.
Alors, la vieille salingue, m'oublillant su' l'instant, moi et la part d'tendresse que j'lu aye donnée, embarque son ch'valier à la queue grise vers ses alcôves parfumées. J'les voye qui s'enquillent dans la tire de Médéme. Le pot d'échappage lâche une grande giclée d'fumaga, bien promettrice, comme quoi le passager d'vra s'montrer à l'hauteur, ce soir, après les liqueurs.
Dans la cour, tout l'monde s'affaire. Y grimpent dans leurs guindés, les uns et z'autres. Le barbu, seul maître à bord, tarde un peu. Y l'est av'c sa secripete. Elle, j'l'avais à peine remarquée derrière des lunettes noires grandes comme des z'hublots. Elle portait un bonnet tricoté, un machin en dgine sans goût ni grâce. Mais la v'là qu'a troqueté sa t'nue de boulot cont' une d'ville. Et, j'te promets qu'é l'est un peu choucarde, miss Pointe-Bic. Elle a des cheveux blonds, très longs, des yeux bleus plein d'angélisme, et quand é s'tient droite, on lu d'vine des volumes tout c'qu'a d'conv'nab'.