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— Vous êtes de plus en plus belle. Je peux connaître votre prénom ?

Elle ne répond pas. Je me force à rire, d’un petit rire égrotant qui ne pisse pas haut.

— Vous me sauvez la mise et vous refusez de me parler, voilà qui est paradoxal.

— J’obéis à ma mère !

— En trahissant votre père ?

— C’est mon problème.

— Vous ne voulez vraiment pas me dire votre nom ?

— À quoi bon ?

— J’ai une terrible envie de le connaître.

— Cela vous avancerait à quoi ?

— Cela me ferait avancer vers vous. Savoir le prénom de la femme qu’on admire, c’est déjà un début d’intimité. Moi, je m’appelle Antoine. Antonio, si vous préférez…

La petite chignole se faufile par des chemins secondaires qui vont à travers des vignobles. Son moulin tourne vite, rageur. Elle feu follette sur les ornières sèches.

— Où m’emmenez-vous, si ce n’est pas trop indiscret ?

— Chez grand-père…

— Le père de votre mère ?

Elle acquiesce. Mince, tu parles d’une lignée. Ils sont gigognes dans la famille. D’ici que le grand-père vive chez ses grands-parents, y’a pas loin.

— Et il m’hébergera ?

— Oui.

— Ça ne risque rien, pour lui ?

Elle a un haussement d’épaules agacé.

Bon, alors on arrive dans un moment plus tard, voilà. C’est une petite maison basse avec de la vigne qui lui pousse contre, formant tonnelle autour de la porte. Y’a un hangar, tout proche, avec du matériel que je ne distingue pas bien. Ma piloteuse stoppe son char et va tambouriner à la lourde. Un petit vieux à gros nez finit par surgir, dans une limouille beaucoup trop grande que quelqu’un de mastar a dû lui donner « à finir ». Il tient son falzar de velours à deux mains pour pas qu’il chût, car il n’a pas pris le temps de l’arrimer.

La fille lui cause. Le vieux me regarde sans passion, renifle, et dit quelque chose en ponctuant du menton. On dirait qu’il montre l’appentis. Ensuite il referme sa lourde. La jeune veuve me désigne le hangar.

— Vous coucherez là.

— Ah bon ?

Je mate la bâtisse miséreuse. C’est pas le Carlton. Mais enfin, la sécurité avant tout, non ?

Ma convoyeuse me drive jusqu’au hangar. Une odeur de terre me suffoque.

Elle m’entend renifler bruyamment et explique :

— Grand-père est potier. Dans le fond, il y a une petite pièce où il remise ses outils. Vous y trouverez des sacs sur quoi dormir…

— Ça vous ennuie de me montrer ? On n’y voit goutte.

Elle avance à tâtons dans la nuit de la remise. Je suppose qu’elle a dû beaucoup, jouer ici, étant enfant. Car elle sait où se trouve la chevillette de la lourde. Ça grince ferme en s’ouvrant.

— Baissez la tête ! recommande-t-elle.

Elle pénètre dans un local qui fouette le renfermé et le sulfate. Prend une boîte d’aloufs sur une étagère, la frotte, et allume la mèche d’une bougie. Elle me tend la chandelle. Tu veux que je te dise ? Sa main tremble. Alors, moi qui sens bien ces choses-là et sais admirablement les interpréter, que veux-tu, je souffle la bougie. Noir complet, comme ils écrivent sur les scripts de cinoche. Je chope la gonzesse par la taille. Les larmes brûlantes de la chandelle me coulent sur le dos de la main. La dame s’agite de gauche et droite pour m’échapper. Donc, je la serre plus fort. Ses trémousseries m’embrasent. Elle sent le corps de mon délit contre elle. Pour le coup, en devient songeuse. Femme de tête, elle se dit qu’un tricomuche de cette ampleur, faut pas le laisser filer vers le large. Que ce serait de la marchandise perdue et pas retrouvée de sitôt : Veuve, en Sicile, chez un daron comme Aldo Cesarini, c’est pas une fête chômée, espère. Le sourcilleux, tu parles qu’il doit dégainer son escopette, dès qu’un matou ronronne devant les femelles de la cabane. Il vire ogre, recta. Alors, la gentille madame, ne lui reste plus que la ressource de s’interpréter « Un jour mon prince viendra » à la cithare à médius, le soir dans son pucier aux rudes toiles. Ou alors elle se joue « Banana ». Non, sincèrely, je représente une occase de rêve, soit dit sans me vanter plus haut que le nombril. Ce zbroque qui pique son enflure la plus mémorable, tout contre son bas-ventre, elle peut pas l’adresser à l’Armée du Salut avec sa carte de visite. La v’là qui flanche. S’abandonne. Me pantèle sur les bras. Dix petits doigts agiles lui regrimpent les fringues. Elle, c’est pas une culotte de musée qu’elle utilise, mais un slip normalement constitué. Je m’en joue avec la maestria dont il a été causé dans mes zœuvres plus précédentes. Un cramponne-miches à éviction, je pratique. La fesse arrimée, le bénoche largué. Il glisse à l’aide de mon genou racleur. Voilà, elle n’a plus qu’un léger pas à faire pour s’en échapper complètement. Ouf, it is made ! Faudrait l’étendre quelque part, seulement, dans le noir et la saloperie ambiante, voilà qui risquerait de lui désagrémenter la toilette. Debout, San-A. T’es de la race de Clemenceau, mon gamin ! Bon, alors je lui colle un tigre dans le moteur. Ce que ça la rend légère. Le point d’appui pour soulever le monde ! La veuve pique un départ en chandelle. Tout de suite, elle gagne les hautes altitudes. Tu l’entendrais s’agiter et gémir, nouille molle comme tu es, je suis certain que ça te brouillerait la fréquence.

Elle cause, même.

En patois, c’est dommage. J’aimerais comprendre. Mais va réclamer la traduction dans ces cas-là ! On devrait toujours tringler une étrangère avec un casque d’écoute sur les portugaises, comme à l’eau-nue, pour se faire expliquer à mesure…

Dieu de Dieu, elle en veut, cette môme. Tu parles d’un retard à combler. Des années de tiroir, il affiche, son frifri à bouclettes. Devait trouver le temps long. Ane ma queue d’âne, ne vois-tu rien venir ? C’est sa toute belle kermesse, ce soir. Son gala de gala. Sa nuit de Valpurgis. La marche des lanciers. Eden, fin de section. Moi je la trimbale en fonctionnant. On dirait que je promène un chargement de reptiles. Elle me grouille partout. On se paie la fusée volante. Rodéo monumental. Je lui glapatouille son détroit de Messine, lui charivarite l’étroit de ses seins, lui tamponne le Syracuse. Revoir Palerme ! L’Etna de siège. Pouf, bing, bong ! Encore. Et ce petit frottaillou en rage d’amour. Gling, gling ! Elle est à moi, comme la Sardaigne est à lui. Pour prévenir un brin de fatigue, je l’évacue, la fait pirouetter, l’incline en avant d’une pesée sur la nuque. Voilà, à présent on se retrouve comme ci-devant, sauf qu’on est ci-derrière (moi du moins). T’as déjà assisté à des courses de lévriers, toi ? Non ? Ben, approche. Tu vois : c’est exactement commak, sauf que j’ai la truffe moins fraîche.

Brusquement, elle crie « maman » ; et elle ne croit pas si bien dire. Tombe à genoux avant que j’extrapole du fulgurant. C’est un fait exprès : j’arriverai jamais à me défouinaser l’intrépide, cette nuit. J’ai le Zambèze à marée basse, ou quoi t’est-ce ?

Allongée sur le sol, elle enserre mes jambes à la hauteur de mes genoux, au risque de me faire choir. Elle me pleure sa reconnaissance infinie sur le pli du pantalon. Râle des choses éperdues à un point que tu ne peux pas te figurer bien complètement.

Voilà, après, elle s’en va. Les amants finissent toujours par rentrer chez eux.

Je rallume la bougie, j’accumoncelle des sacs, m’y allonge et m’endors comme la République du même nom ; terrassé par la fatigue, l’émotion, tout et tout, quoi ! J’oublie Béru, la vindicte du vieux Aldo. Et le valdingue de Lila dans l’Etna. Et puis aussi ces gentilles dames Cesarini…