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— Excusez-moi.

Mary Hinder frappait. Sans entrer elle passa le plateau et Ella le déposa sur son bureau.

— En voulez-vous une tasse ? demanda-t-elle à sa patiente.

— Oh ! oui, docteur.

Elle lui apporta une tasse pleine, la regarda boire sans la voir. Intimidée la petite se dépêcha et lui tendit la tasse vide. Ella Ganaway s’en rendit compte au bout de quelques secondes.

— Excusez-moi.

Elle reprit son examen mais elle songeait surtout à sa sœur Billie et à ses deux enfants. Il lui fallait prévoir quelque chose, une issue. Ce Simon Borney, Petrus Lindson restaient dangereux. Rien ne pressait encore mais avec prudence elle pouvait préparer leur fuite, chercher un endroit sûr où elles pourraient se réfugier avec les deux gosses. Mais elle n’avait pas beaucoup d’argent. De la jeune fille allongée montait une odeur douceâtre qu’elle reconnaissait bien. Marijuana. Encore une qui trouvait assez de dollars pour ses cigarettes droguées mais qui ne pourrait pas lui régler la consultation ! Mais elle n’en avait aucune amertume. Il était difficile de vivre dans un pareil endroit, dans de telles conditions, sans chercher dans le hasch de quoi oublier.

— Bon, que décidez-vous ?

La jeune fille la regarda d’un air vague. Elle ne comprenait pas.

— Vous le gardez cet enfant ?

La fausse blonde secoua la tête :

— Non.

— Je vais vous dire où vous devez vous adresser dans ce cas.

* * *

Au volant d’une camionnette Fiat, Kovask filait la voiture de Diana Jellis. Il l’avait vue sortir de chez la gynécologue où elle était restée près d’une heure. Maintenant elle était assise à côté du chauffeur, un Noir au profil de boxeur et à la carrure impressionnante. Derrière elle il y avait un garçon plus mince au visage caractérisé par la volonté sereine qui s’en dégageait. Mel Santos, d’après les photos qu’il détenait.

La voiture des Noirs s’immobilisa devant une imprimerie. Diana y pénétra avec Santos. Kovask avait conscience du danger qu’il courait dans ce quartier. Certes il essayait de passer inaperçu, de se donner l’air d’un modeste employé mais il n’était pas rassuré. Il n’avait pas à faire à des débutants. Depuis dix ans ces gens-là vivaient dangereusement et se méfiaient de tout le monde. D’ailleurs il n’avait pas l’intention de poursuivre longtemps cette filature. Il comptait beaucoup plus sur sa compagne de mission, la Mamma chargée de surveiller Petrus Lindson. Elle passait plus facilement inaperçue. Il décida brusquement de partir. L’endroit lui paraissait soudain très malsain.

* * *

Lorsque Diana et Mel retournèrent à la voiture, Moron leur signala qu’ils avaient été suivis par un Blanc au volant d’une camionnette italienne.

— J’avais repéré le véhicule devant la doctoresse et je l’ai revu ici.

— Je ne vois rien, dit Mel.

— Il a filé. Peut-être que ce n’était qu’une coïncidence, mais sait-on jamais ?

— Mais qui ça pourrait-être ? dit Diana. Le F.B.I. emploie des Noirs qui passent inaperçus. De même la C.I.A. Il faudrait qu’une organisation soit folle pour nous envoyer un Blanc.

— C’est bien ce que je pense, dit Moron, mais sait-on jamais. Si jamais on le retrouve dans notre sillage il faudra s’en occuper sérieusement. J’aime bien avoir le cœur net dans ce genre d’histoire.

— Quelle allure avait-il ?

— Celle d’un manœuvre. Une salopette sale, une casquette. Mais un visage très bronzé, comme celui d’un milliardaire amateur de navigation à voile. Sa camionnette ne portait aucune marque précise mais je doute qu’un travailleur ait le temps de se faire dorer au soleil.

Diana avait hâte de rentrer chez elle. D’être seule avec Mel. Moron le comprit et prétexta une course à faire pour les laisser seuls. Santos étudiait la maquette du journal qu’ils avaient prise à l’imprimerie lorsque Diana décida de parler :

— Mel, je suis enceinte de deux mois.

Il leva la tête, la regarda en silence sans la moindre réaction.

— Diana m’a expliqué que le stérilet ne garantissait pas complètement.

Il se leva, s’approcha d’elle et la prit doucement dans ses bras. Elle appuya sa tête auréolée de cheveux frisés comme de la laine contre son épaule.

— Que ferons-nous ?

— Qu’en pense Ella ?

— Elle ne veut pas nous influencer mais elle estime que je peux conduire cette grossesse jusqu’au bout.

— Et toi, quelle est ton idée ?

— Je voudrais qu’elle soit la même que la tienne.

— C’est toi qui décide, dit-il. C’est l’affaire d’une femme de savoir si elle veut ou non un enfant.

— Mais toi en voudrais-tu un ?

Mel ferma les yeux, puis un sourire détendit ses lèvres fermes :

— Je crois que oui.

— Bien ; dans ce cas, nous le gardons.

— Quand naîtra le bébé ?

— Au début de l’année prochaine. Certainement vers la fin du mois de janvier.

— Je suis heureux, dit Mel en la serrant plus fort contre lui.

CHAPITRE VIII

La Mamma retourna dans l’après-midi dans cette rue où Petrus Lindson s’était rendu au début de la journée. Après avoir garé sa voiture en face elle pénétra dans l’immeuble en partie détruit, essaya de savoir qui le Noir avait visité. Au deuxième étage elle trouva une femme en train d’étendre du linge dans une pièce qui n’avait plus de plafond, plus de mur donnant sur la rue. Le plancher lui-même était mouvant et la jeune femme ne se déplaçait que sur des poutres branlantes.

— Mon Dieu, dit la Mamma, vous n’avez pas peur que tout s’effondre ?

La jeune femme se mit à rire gaiement.

— J’y viens depuis des années étendre mon linge. Comme ça on ne me le fauche pas et il sèche au grand air. Mais faites attention. Ne venez pas me rejoindre.

— J’aurais trop peur, dit la Mamma.

— Vous cherchez quelqu’un ?

— Oui, un grand garçon habillé d’un costume gris, très élégant mais qui louche un peu.

Elle en fit autant pour accompagner sa description et la jeune femme éclata de rire.

— Vous lui ressemblez ainsi. Je vois de qui vous parlez. Il vient pour Billie au rez-de-chaussée.

— Billie ?

— Billie Ganaway. Elle a trouvé du travail et n’est pas chez elle. C’est une chic fille. Trop gentille même. Je ne sais pas ce qu’elle trouve à ce voyou. Il vient une fois par semaine au moins et c’est un drôle de prétentieux.

— Vous le connaissez ?

— C’est Petrus. Dans le coin on se méfie de lui depuis longtemps. Depuis les événements de 65. On se demande même comment il est encore en vie car beaucoup s’étaient juré d’avoir sa peau.

Elle ramassa son seau vide et se rapprocha légère comme une danseuse. La Mamma se rendit compte qu’elle était très jeune et très jolie.

— Je cherche où il habite car il doit de l’argent à une de mes amies, expliqua la Mamma.

— Ça ne m’étonne pas de Petrus. Je suis sûre qu’il se fait, entretenir par Billie et qu’il a comme ça quelques filles qui lui donnent de l’argent. Elle n’a pas besoin de ce parasite avec ses deux gosses.

— Elle a deux enfants ?

— Oh ! des tout petits. Elle est catholique et ne veut pas prendre la pilule. Vous parlez d’une fanatique. Moi, si je n’en prenais pas j’aurais au moins six bébés.