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— Tire la fermeture, fit-il avec un sourire éblouissant.

Elle obéit. Jamais elle n’avait rencontré un homme qui lui faisait aussi peur que Petrus mais qui en même temps troublait si profondément sa féminité.

CHAPITRE XV

Petrus Lindson désigna la réception du Hoom Motel à Billie :

— Tu vas aller demander si ce Kovask est là. Grouille-toi.

La jeune femme descendit de voiture, pénétra dans le hall glacé par le système d’air conditionné, discuta avec l’employé et revint à la voiture.

— Il n’est pas là.

— Tant mieux, nous allons l’attendre chez lui.

Elle se mordit les lèvres. Dans un dernier sursaut pour préserver la vie de cet inconnu elle venait de mentir et le regrettait. Petrus roula en direction des bungalows, immobilisa sa Chrysler sous la tonnelle d’un parking. Il y en avait partout aménagés en pleine verdure.

— Allez viens. On va attendre ce type chez lui.

— Mais tu n’as pas la clé.

— T’occupe pas.

Ils contournèrent le groupe de pavillons. Petrus avait pris une petite sacoche dans le coffre à gants. Chaque petit appartement donnait sur un patio protégé par un grillage très haut le long duquel grimpaient des bougainvillées d’un rouge violacé. A l’aide d’une petite pince il fit sauter les mailles de fil de fer enduit de plastique, ouvrit une sorte de lucarne, poussa Billie dans le patio. Ils contournèrent les sièges de jardin, s’approchèrent de la porte en bois.

— Tu vas voir le travail.

Dans sa trousse il prit une clé plate en forme de scie. Chaque pointe en était mobile. Il l’enfonça délicatement dans le trou, bloqua d’une pression les pointes mobiles et n’eut qu’à tourner pour que la porte s’ouvre.

— Après toi, mon chou, gloussa-t-il en s’inclinant pour la laisser passer.

Comme elle hésitait il la poussa en avant et la suivit. Il ne sut ce qui lui arrivait. Quelque chose le frappait à la nuque et il tomba sans connaissance. Billie poussa un cri et se plaqua contre le mur. Eblouie par le soleil extérieur elle n’y voyait plus rien dans cette chambre plongée dans la pénombre.

— Ne craignez rien mais ne bougez pas.

Kovask se pencha sur le Noir, trouva le revolver passé à la ceinture et l’empocha.

— Petrus Lindson, n’est-ce pas ? Et vous, Billie Ganaway ?

— Vous me connaissez ?

Il sourit, traîna Petrus au milieu de la pièce, donna un peu plus de clarté.

— Où est mon amie Cesca Pepini ?

— La vieille dame ? Il l’a attachée et bâillonnée, elle est chez moi. Il ne l’a pas touchée.

— Pourquoi a-t-il cru me surprendre ? Il n’a même pas vérifié si j’étais là.

— La vieille dame avait dit que vous étiez un fonctionnaire inoffensif et moi je l’ai trompé. A la réception on m’avait dit que vous étiez là mais je voulais l’éloigner en lui disant le contraire. Mais ça n’a pas marché.

— Merci, dit simplement Kovask en soulevant Petrus comme une plume et en le jetant sur un fauteuil. Il le gifla et Petrus roula ses yeux désordonnés avec fureur, s’immobilisa en voyant son arme entre les mains d’un inconnu immense, large d’épaules, impressionnant de force et de calme. Il ne pouvait supporter ce regard si clair qu’il en paraissait blanc.

— Petrus Lindson. Un simple coup de fil et je vous fais arrêter pour vol avec effraction. Je vous ai entendu venir par derrière. Vous avez coupé le grillage et c’est déjà un truc qui vaudrait un an. Les flics, je suppose, seraient heureux de vous alpaguer. Videz vos poches.

— Il a pris de l’argent à la vieille dame.

Les cinq cents dollars furent jetés sur le lit avec tout le reste. Kovask pointa son doigt vers Billie :

— Racontez, vous d’abord.

Fascinée par cet homme elle obéit tandis que Petrus la fixait haineusement. Elle raconta comment il avait enlevé ses gosses avec l’aide d’un certain Simon Borney puis les lui avait rendus lorsque sa sœur Ella avait accepté leurs propositions.

— Lesquelles ? demanda le Commander.

— Je l’ignore. Elle n’était pas autorisée à m’en parler et n’y tient pas du tout.

Le téléphone sonna et Kovask décrocha. Un sourire donna quelque humanité à son visage.

— Tout va bien. Ils sont là et nous discutons comme des amis. Nous vous attendons.

Il raccrocha :

— La vieille dame s’est libérée et nous rejoint. Vous devriez mieux faire vos nœuds, ajouta-t-il à l’intention de Petrus qui n’en pouvait plus d’humiliation et de rage.

— Continuez.

Petrus l’avait surveillée, accablée de menaces et terrorisée. Elle parla des lettres écrites, des souvenirs de sa petite fille. Kovask regarda Petrus :

— Vous allez nous conduire là-bas.

— Plutôt crever.

— Très bien, dit Kovask en s’approchant de lui, le : revolver à la main. Il saisit une serviette de toilette, en recouvrit la moitié de la tête de Petrus, approcha le canon de l’arme de sa tempe.

— Non… C’est après San Bernardino… Le Ranch Paloma. Mais vous n’y trouverez plus personne. Nous l’avions loué pour un mois.

— Qui était Simon Borney ?

— Je ne sais pas. Je l’ai rencontré en Europe. Ce n’est même pas son nom.

— Américain ?

— Oui, je crois.

— Que s’est-il passé ensuite ? Que vient faire Stewe Score dans cette affaire ?

Petrus Lindson en resta bouche bée. Il savait cela aussi ?

— Vous le faites chanter. Parce qu’il est donneur de sperme pour une clinique discrète de Santa Monica. C’est ainsi qu’il gagne sa vie. Sa femme, ses voisins ignorent tout de la façon dont il gagne de l’argent. Qu’avez-vous obtenu de lui ?

— Je ne sais pas. Simon Borney s’est occupé de tout.

Kovask se tourna vers Billie :

— Prenez l’annuaire et trouvez-moi le numéro de Diana Jellis. Il faut que je lui parle, qu’elle rencontre cet homme.

— Bien, monsieur, dit-elle docile.

Le Noir faillit jaillir de son fauteuil mais Kovask le repoussa avec force :

— Restez tranquille.

— Ne téléphonez pas, dit-il gris de terreur. Je ne tiens pas à tomber entre leurs mains.

— Tiens pourquoi ? Il y a donc un rapport ?

— Donnez-moi à boire.

Kovask, sans le quitter des yeux, fit signe à Billie, lui désignant le réfrigérateur encastré :

— Il y a de la bière, du Coca-Cola et de l’eau. Apportez ce qu’il veut et un gobelet. Très bien. Jetez-les-lui. S’il est maladroit tant pis pour lui. Bien. Maintenant le décapsuleur.

La gorge sèche Petrus but un gobelet d’un trait, le remplit à nouveau.

— La suite de l’histoire maintenant.

— Si je parle je suis fichu, dit-il.

— Attendez, dit Billie soudain songeuse. Lorsqu’il me menaçait il me disait toujours que dans neuf mois tout serait terminé et que je n’aurais plus à avoir peur.

Dans l’esprit de Kovask l’association des différentes données se fit avec une telle rapidité qu’il en resta frappé de stupeur. Jamais il n’aurait soupçonné un plan aussi diabolique. Mais tout se tenait et pour déconsidérer Diana Jellis aux yeux de la population noire ces gens-là avaient trouvé le moyen le plus radical mais aussi le plus ignoble.

— Où avez-vous emmené Score ? fit-il d’une voix glacée.

Petrus frissonna. Il avait peur comme jamais de sa vie. Ce grand type le terrorisait. Il était certain d’être entre les mains d’un redoutable agent secret.