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« Tu connais déjà Cornemuse, n’est-ce pas ? poursuivait Cirocco. Ce vieux Corny ici présent est… eh bien, disons que c’est le petit-fils de la bon dieu de première Titanide qu’on ait jamais vue. Son arrière-mère fut la première Cornemuse de souche mixoni…» Elle s’interrompit, empêtrée dans la prononciation. « Mi-xo-I-o-nienne. Mixoionienne. La première Cornemuse de souche mixoionienne. Puis elle s’unit avec son avant-père. Du point de vue humain, ça n’a pas l’air comme ça, mais je vous assure que c’est une grande première eugénique pour les Titanides. Cornemuse est un Duo lydien. » Elle rota puis prit un air solennel. « Tout comme nous tous.

— Que voulez-vous dire ? demanda Chris.

— Tous les humains sont des duos lydiens », expliqua Cirocco. Elle sortit un crayon et se mit à griffonner sur la table :

« R’gardez donc par ici : Ça, c’est un Duo lydien : la ligne du haut, c’est la femelle, celle du bas, le mâle. L’étoile indique l’œuf semi-fertilisé. La flèche du haut indique où va l’œuf et les deux du bas, qui baise qui, en premier et en second. Duo lydien : avant-mère et arrière-mère femelle, avant-père et arrière-père mâle. Exactement comme les humains. La seule différence est que les Titanides doivent s’y reprendre à deux fois. » Elle grimaça un sourire à Chris. « Ça double le plaisir, pas vrai ?

— Rocky, on ne ferait pas mieux de…

— C’est le seul et unique mode où les Titanides s’accouplent de la même façon que les humains, poursuivit Cirocco en martelant du poing la table. Sur vingt-neuf possibilités, c’est la seule. Il y a des duos entièrement féminins : les Duos éoliens. Tous les Duos lydiens ont un mâle mais assez souvent il y joue le rôle d’arrière-mère. » Elle fronça les sourcils, compta sur ses doigts. « Plus qu’assez souvent : quatre fois sur sept. Dans le mode hypolydien, la femelle se fertilise elle-même frontalement et dans le locrilydien, elle le fait antérieurement. An-TEEE-rieur-ment[11].

— Rocky…

— S’accouple-t-elle vraiment avec elle-même ? » demanda Chris. Gaby lui jeta un regard dégoûté mais en fait Cirocco ne semblait pas l’avoir entendu. Elle hochait la tête, abîmée dans la contemplation de son diagramme.

Hautbois prit le relais :

« Ce n’est pas ce que vous imaginez : physiquement ce serait impossible. L’opération est effectuée manuellement. On recueille le sperme et on pratique une insémination artificielle. Le sperme d’un pénis arrière peut féconder un vagin frontal mais cela uniquement sur le même individu et non d’un individu à l’…

— Oh, oh, les mecs, je peux en placer une, oui ? Qu’est-ce qu’on fait d’elle ? » Et Gaby les regarda les uns après les autres avant de se fixer enfin sur Cirocco. Elle fit une grimace et se leva. « Mesdames, Messieurs et Titanides, j’avais espéré commencer ce voyage avec un petit peu plus d’organisation. Je pense que Rocky avait envie de nous dire quelque chose mais tant pis. Ça peut attendre.

— Sapeu, marmonna Cirocco.

— Parfait. De toute manière, la première partie du trajet est d’une simplicité biblique. On se laisse descendre sur le fleuve sans problème. En gros, la seule chose à faire est de tout charger sur les embarcations et de se lancer. Alors que diriez-vous d’y aller tout de suite ?

— Allons-y ! reprit Cirocco. Trinquons ! Pour la route ! Qu’elle nous mène à l’aventure et nous ramène entiers chez nous ! » Elle se dressa en levant son verre. Robin n’eut pas trop de ses deux mains pour soulever le sien qu’elle choqua avec les autres au milieu de la table dans un grand éclaboussement de bière. Elle but un grand coup et entendit un choc : la Sorcière venait de tomber de son siège.

* * *

Elle n’avait pas toutefois perdu connaissance. Robin se demandait si c’était un bien ou un mal.

« Attendez une minute, lança Cirocco en battant l’air des mains. Vous savez ce que c’est avec la bière. Faut que j’me repoudre le nez. Je reviens, d’ac ? » Et elle tituba vers le devant de la salle.

Il y eut un cri. Robin en était encore à se demander qui avait hurlé que Gaby avait déjà sauté par-dessus la table et jouait des épaules à travers la foule des Titanides.

« Il est là, il est là, c’est lui ! »

Elle reconnaissait à présent la voix de Cirocco et se demanda ce qui avait bien pu la terroriser à ce point. Robin avait ses doutes quant au caractère de la Sorcière mais elle ne la considérait pas comme une trouillarde.

Un attroupement s’était formé au bout du bar, près de la porte. Vu sa taille, il n’y avait aucune chance qu’elle pût voir quelque chose derrière ces hautes croupes chevalines, aussi sauta-t-elle directement sur le comptoir ce qui lui permit de gagner presque le centre de l’incident.

Elle vit Cirocco, réconfortée par une Titanide qu’elle ne connaissait pas. Gaby se tenait à quelque distance. Elle avait un couteau dans une main et de l’autre, elle faisait signe à l’homme qui rampait sur le sol devant elle. Sous l’éclairage vacillant des lampes, ses dents luisaient comme celles d’un fauve.

« Lève-toi, lève-toi, siffla-t-elle. Tu ne vaux guère mieux que ces autres merdes par terre, espèce d’abomination. Il serait temps de nettoyer un peu, et c’est moi qui vais m’en charger.

— J’ai rien fait du tout, gémit l’homme. Je le jure, demande à Rocky. J’voulais rien faire, j’ai vraiment été correct. Tu me connais, Gaby.

— Je ne te connais que trop, Gene. J’ai eu deux occasions de te tuer, et j’ai bien été idiote de les avoir laissé passer. Lève-toi et défends-toi, au moins tu peux faire ça. Lève-toi ou je te saigne comme le porc que tu es.

— Non, non, tu vas me faire mal ! » Et il se plia en deux, les mains sur le bas-ventre, en se mettant à sangloter. Même debout, il aurait offert un spectacle pathétique. Son visage et ses bras – en fait toutes les parties visibles de sa peau – étaient recouverts d’un lacis de vieilles cicatrices. Il avait les pieds nus et sales, et ses vêtements étaient en lambeaux. Son œil gauche était caché par un bandeau noir, à la pirate, et il lui manquait la moitié d’une oreille.

« Debout ! » ordonna Gaby.

Robin fut surprise d’entendre parler Cirocco, d’une voix presque sobre.

« Il a raison, Gaby, disait-elle calmement. Il n’a rien fait du tout. Bon sang, il a même essayé de détaler sitôt qu’il m’a vue. Ça m’a fait une telle surprise, de le revoir. »

Gaby se redressa légèrement. Ses yeux avaient perdu une partie de leur flamme.

« Es-tu en train de me dire que tu ne veux pas que je le tue ? demanda-t-elle, impassible.

— Pour l’amour du ciel, Gaby. » Elle semblait calme maintenant, mais nonchalante. « Tu peux pas le découper comme ça, comme une tranche de rôti.

— Ouais, je sais. J’ai déjà entendu ça. » Elle mit un genou en terre près de lui et, du plat de sa lame, lui tourna la tête.

« Qu’est-ce que tu fais ici, Gene ? Qu’est-ce que tu goupilles ? »

Il grimaça, bredouilla puis finit par dire : « Je buvais juste un coup, c’est tout. C’est qu’on a la gorge sèche, avec cette vague de chaleur.

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11

Pour suivre, voir tableau p. 451. (N.d.T.)