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Il a gardé le silence pendant quelques kilomètres. Puis il a avancé : « C’est peut-être ce que voulait dire Diane.

— À quel sujet ?

— Quand nous en avons parlé. Ce qui ne nous est pas arrivé depuis quelque temps, maintenant que j’y pense. Avant même le schisme, nous n’étions pas d’accord sur le pasteur Dan et le Tabernacle du Jourdain. Je la trouvais trop cynique. Elle disait que je me laissais trop facilement impressionner. C’est possible. Le pasteur Dan a le don de trouver la connaissance à chaque page quand il regarde dans les Écritures… une connaissance solide comme une maison, des poutres et des piliers de connaissance. C’est vraiment un don. Moi, je n’y arrive pas. J’ai beau essayer de toutes mes forces, je n’ai encore jamais réussi, en ouvrant la Bible, à y comprendre quelque chose.

— Tu n’es peut-être pas censé le faire.

— Mais je le voulais. Je voulais être comme le pasteur Dan : intelligent et, tu comprends, toujours en terrain sûr. D’après Diane, c’était un pacte avec le diable, Dan Condon avait échangé l’humilité contre la certitude. C’est peut-être ce qui me manquait. Et ce qu’elle a vu en toi, ce qui l’a poussée à se cramponner à toi toutes ces années : ton humilité.

— Simon, je…

— Tu n’as pas à t’en excuser ou à me réconforter à ce sujet. Je sais qu’elle t’appelait quand elle me pensait endormi ou quand je m’absentais de la maison. Je sais que j’ai eu de la chance d’avoir Diane aussi longtemps. » Il m’a regardé par-dessus son épaule. « Tu veux bien me rendre un service ? J’aimerais que tu lui dises que je suis désolé de n’avoir pas mieux pris soin d’elle quand elle est tombée malade.

— Tu peux le lui dire toi-même. »

Il a hoché la tête d’un air songeur et a continué à rouler dans la pluie. Je lui ai demandé de chercher des informations utiles à la radio, maintenant que la nuit était tombée à nouveau. J’avais l’intention de rester éveillé pour écouter, mais je souffrais beaucoup de la tête et ma vision voulait se dédoubler. Au bout d’un moment, il m’a simplement semblé plus facile de fermer les yeux pour m’endormir.

J’ai dormi à poings fermés, et longtemps, tandis que les kilomètres défilaient sous les roues de la voiture.

Lorsque je me suis réveillé, c’était un autre matin pluvieux. Nous nous trouvions à l’arrêt sur une aire de repos (à l’ouest de Manassas, ai-je appris plus tard) et une femme munie d’un parapluie noir déchiré toquait à la vitre.

J’ai cligné des yeux et ouvert la portière. La femme a reculé d’un pas en jetant un regard soupçonneux à Diane. « Il vous fait dire de ne pas attendre.

— Pardon ?

— Il a demandé de vous dire au revoir et qu’il ne fallait pas l’attendre. »

Simon n’était pas au volant. Et je ne l’ai vu nulle part entre les fûts servant de poubelles, les tables de pique-nique trempées et les latrines peu solides qui constituaient notre voisinage immédiat. Quelques voitures étaient garées là, en général le temps que leurs propriétaires passent aux toilettes. J’ai aperçu des arbres, des espaces verts, une petite ville industrielle et vallonnée que trempait la pluie tombant d’un ciel ardent. « Un blond très mince ? Avec un T-shirt sale ?

— Voilà. Celui-là même. Il a dit qu’il ne voulait pas que vous dormiez trop longtemps. Puis il est parti.

— À pied ?

— Oui. Le long de la rivière, pas de la route. » Elle a de nouveau dévisagé Diane, qui respirait de manière superficielle et bruyante. « Vous allez bien, tous les deux ?

— Non. Mais nous sommes presque arrivés. Merci d’avoir posé la question. Il a dit quelque chose d’autre ?

— Oui. Il m’a dit de dire Dieu vous bénisse, et qu’il trouverait son propre chemin à partir de maintenant. »

Je me suis occupé de Diane, j’ai jeté un dernier coup d’œil sur le parking pluvieux et j’ai repris la route.

J’ai dû m’arrêter à plusieurs reprises pour régler son goutte-à-goutte ou lui administrer quelques bouffées d’oxygène. Elle n’ouvrait plus les yeux… pas parce qu’elle dormait, mais parce qu’elle avait perdu conscience. Je refusais de penser à ce que cela signifiait.

La circulation était lente, la pluie incessante et on trouvait partout des signes du chaos des deux derniers jours. J’ai vu, poussées sur l’accotement, des dizaines de voitures à l’état d’épave ou incendiées, certaines fumant encore. On avait interdit quelques routes à la circulation civile afin de les réserver aux véhicules militaires ou de secours. J’ai dû rebrousser deux fois chemin à cause d’un barrage routier. La chaleur du jour rendait presque intolérable l’humidité atmosphérique, et même le vent puissant qui s’est levé dans l’après-midi n’a apporté aucun soulagement.

Mais au moins Simon nous avait-il abandonnés près de notre destination, et il restait encore un peu de lumière dans le ciel quand je suis arrivé à la Grande Maison.

Le vent avait empiré, devenant presque tempête, parsemant la longue allée des Lawton de branches arrachées aux pins alentour. La maison elle-même était obscure, ou en avait l’air dans le crépuscule d’ambre.

J’ai laissé Diane dans la voiture au pied des marches et j’ai frappé à la porte. Attendu. Frappé à nouveau. La porte a fini par s’entrouvrir, laissant Carol Lawton regarder à l’extérieur.

J’ai eu du mal à distinguer ses traits dans cet interstice : un œil bleu clair, un coin de joue ridée. Mais elle m’a reconnu.

« Tyler Dupree ! Tu es seul ? »

La porte s’est ouverte plus largement.

« Non, ai-je répondu. Je suis avec Diane. Et je pourrais avoir besoin d’aide pour la transporter à l’intérieur. »

Carol est sortie sur le grand perron et a baissé les yeux vers l’automobile. Quand elle a vu Diane, son petit corps s’est raidi, ses épaules se sont redressées et elle a laissé échapper un hoquet de surprise.

« Mon Dieu, a-t-elle murmuré. Mes deux enfants sont venus mourir à la maison ? »

L’abysse en feu

Le vent a secoué la Grande Maison toute la nuit, un vent brûlant et salé chassé de l’Atlantique par trois jours de soleil anormal. J’en avais conscience même dans mon sommeil : je l’ai retrouvé chaque fois que je me suis redressé, à moitié endormi, et il a servi de bande-son à une douzaine de rêves agités. Il a continué à taper à la fenêtre une fois le soleil levé, quand je me suis habillé pour partir à la recherche de Carol Lawton.

La maison était privée d’électricité depuis plusieurs jours. On voyait à peu près clair dans le couloir du premier étage, muni à son extrémité d’une fenêtre par laquelle entrait une lueur pluvieuse. L’escalier en chêne descendait jusqu’au vestibule, où deux fenêtres en saillie ruisselantes de pluie admettaient un jour rose pâle. J’ai trouvé Carol dans le salon, occupée à régler une antique horloge de cheminée.

« Comment va Diane ? » ai-je demandé.

Carol m’a jeté un coup d’œil. « Stationnaire », a-t-elle répondu avant de se retourner vers l’horloge qu’elle remontait avec une clé en cuivre. « J’étais avec elle il y a un instant. Je ne la néglige pas, Tyler.

— Je n’en doutais pas. Et Jason ?

— Je l’ai aidé à s’habiller. Il va mieux quand il fait jour. Ne me demande pas pourquoi. Mais les nuits sont difficiles pour lui. La nuit dernière a été… difficile.

— Je vais passer les voir tous les deux. » Je n’ai pas pris la peine de lui demander si elle avait des nouvelles, si l’agence fédérale de gestion des crises ou la Maison-Blanche avaient publié de nouvelles directives. Cela n’aurait servi à rien : l’univers de Carol s’arrêtait aux limites de la propriété. « Vous devriez dormir un peu.