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— Carol a parlé de grippe…

— Elle a menti. Ce n’est pas la grippe, mais le SDCV au stade terminal. J’ai parcouru plus de trois mille kilomètres dans ce qui ressemble à la fin du monde parce qu’elle est en train de mourir, Jase. Je n’arrivais à penser qu’à un seul médicament, et voilà que tu jettes le doute dessus. »

Il a tourné la tête à nouveau, peut-être involontairement, comme s’il essayait de se débarrasser d’une distraction invisible.

« Il y a des aspects de la vie martienne que Wun n’a jamais partagés avec toi, a-t-il toutefois dit avant que je puisse le relancer. E.D. s’en doutait, et jusqu’à un certain point, ses soupçons étaient fondés. Mars produisait de la biotechnologie sophistiquée depuis des siècles. Il y a des siècles, le Quatrième Âge était exactement ce que Wun t’en a dit : un traitement de longévité et une institution sociale. Mais cela a évolué depuis. Pour la génération de Wun, le Quatrième Âge était davantage une plate-forme, un système d’exploitation biologique capable de faire tourner des applications logicielles bien plus sophistiquées. Il n’y a pas qu’un quatre, il y a un 4.1, un 4.2… Si tu vois ce que je veux dire.

— Ce que je t’ai administré…

— Ce que tu m’as injecté était le traitement traditionnel. Un quatre de base.

— Mais…

— Mais… je l’ai complété depuis.

— Avec un complément lui aussi apporté de Mars par Wun ?

— Oui. Le but…

— Peu importe le but. Es-tu absolument certain que tu ne souffres pas des effets du traitement d’origine ?

— Aussi certain que possible. »

Je me suis levé.

Jason m’a entendu me diriger vers la porte. « Je peux expliquer, a-t-il dit. Et je continue à avoir besoin de ton aide. Soigne-la, Ty, bien entendu. J’espère qu’elle vivra. Mais garde à l’esprit… que mon temps est limité aussi. »

J’ai retrouvé le sac de voyage renfermant les médicaments martiens, intact, là où je l’avais laissé, derrière le panneau de revêtement cassé, dans le sous-sol de la maison de ma mère. Je l’ai récupéré et suis reparti avec dans la Grande Maison, de l’autre côté de la pelouse inondée de pluie ambre et traversée de bourrasques.

Carol se trouvait dans la chambre de Diane, à qui elle administrait au masque quelques bouffées d’oxygène.

« Il ne faut pas en abuser, ai-je averti. À moins que vous ne puissiez faire apparaître une nouvelle bonbonne.

— Elle avait les lèvres un peu bleues.

— Laissez-moi voir. »

Carol s’est éloignée de sa fille. J’ai fermé l’admission d’oxygène et écarté le masque. Il faut se méfier, avec l’oxygène. Il est indispensable à un patient en détresse respiratoire, mais il peut aussi causer des problèmes. À trop fort débit, il risque de léser les alvéoles pulmonaires. Je craignais que l’état de Diane s’aggrave au point de nécessiter des doses plus importantes pour que son sang reste suffisamment oxygéné, le genre de thérapie qu’on administre en général par ventilation mécanique. Nous n’avions pas de respirateur.

Ni de moyens cliniques de surveiller ses gaz du sang, mais la couleur de ses lèvres semblait à peu près normale quand j’ai enlevé le masque. Elle respirait toutefois rapidement et superficiellement, et si elle ouvrait les yeux, elle restait léthargique et passive.

Carol m’a observé d’un air soupçonneux ouvrir le sac poussiéreux et en extraire l’un des flacons martiens ainsi qu’une seringue hypodermique. « Qu’est-ce que c’est ?

— Sans doute la seule chose qui puisse lui sauver la vie.

— Vraiment ? Tu en es sûr, Tyler ? »

J’ai hoché la tête.

« Non, je veux dire, tu en es vraiment sûr ? Parce que c’est ce que tu as donné à Jason, n’est-ce pas ? Quand il avait la SEPA. »

Il n’aurait servi à rien de le nier. « Oui, ai-je répondu.

— Je n’ai peut-être pas pratiqué la médecine depuis trente ans, mais je ne suis pas ignorante. J’ai effectué quelques petites recherches sur la SEPA après ton dernier passage. J’ai consulté les résumés dans les revues médicales. Et le truc intéressant, c’est qu’il n’existe pas de remède. Pas de médicament magique. Même s’il en existait un, il pourrait difficilement guérir aussi le SDCV. Je suppose donc, Tyler, que tu t’apprêtes à administrer un agent pharmaceutique sans doute lié à cet homme ridé mort en Floride.

— Je ne discuterai pas, Carol. De toute évidence, vous avez tiré vos propres conclusions.

— Je ne veux pas que tu discutes, je veux que tu me rassures. Je veux que tu me dises que ce médicament ne fera pas à Diane ce qu’il semble avoir fait à Jason.

— Il ne le lui fera pas », ai-je affirmé, mais Carol a compris, je pense, que je supprimais l’avertissement, le pour autant que je sache inexprimé.

Elle m’a dévisagé. « Tu tiens toujours à elle.

— Oui.

— Cela ne cesse de m’étonner, a dit Carol. Cette ténacité de l’amour. »

J’ai enfoncé l’aiguille dans la veine de Diane.

À midi, la maison était non seulement brûlante mais si humide que je m’attendais à voir de la mousse apparaître au plafond. Je suis resté avec Diane pour m’assurer de l’absence d’effets néfastes consécutifs à l’injection. À un moment, quelqu’un a longuement frappé à la porte d’entrée. Des voleurs, ai-je pensé, des pillards, mais le temps que je descende dans le vestibule, Carol avait ouvert et remerciait un homme corpulent, qui a hoché la tête et tourné les talons.

« C’était Emil Hardy, m’a informé Carol en refermant la porte. Tu te souviens des Hardy ? Ils ont une petite maison de style colonial sur Bantam Hill Road. Emil a imprimé un journal.

— Un journal ? »

Elle a brandi deux feuilles A4 agrafées. « Emil dispose d’un groupe électrogène dans son garage. Il prend des notes la nuit en écoutant la radio et il en imprime un résumé qu’il distribue aux maisons du quartier. Voilà son deuxième numéro. C’est un gentil garçon qui pense bien faire. Mais je ne vois pas du tout l’intérêt de lire de telles choses.

— Je peux voir ?

— Si tu veux. »

Je l’ai emporté à l’étage.

Emil était un honorable reporter amateur. Il racontait surtout les crises à Washington et en Virginie – listant les zones officiellement interdites, les évacuations liées aux incendies, les tentatives de rétablir les services locaux. J’ai parcouru tout cela. Ce sont deux articles, plus bas, qui ont attiré mon attention.

Le premier affirmait que les radiations solaires récemment mesurées au niveau du sol étaient élevées, mais beaucoup moins que prévu. « Les scientifiques gouvernementaux, était-il précisé, restent perplexes mais se montrent prudemment optimistes quant aux chances de survie à long terme de l’espèce humaine. » Aucune source n’était citée, aussi pouvait-il s’agir d’une invention du commentateur ou d’une tentative de contenir la panique, mais cela correspondait à mon expérience : la nouvelle lumière du soleil, bien qu’étrange, n’était pas immédiatement mortelle.

Rien quant à son effet éventuel sur les récoltes, la météorologie ou l’écologie en général. Ni la chaleur pestilentielle ni cette pluie torrentielle n’avaient l’air spécialement normales.

Plus bas, un article annonçait DES LUMIÈRES DANS LE CIEL PARTOUT DANS LE MONDE.

Il s’agissait des mêmes lignes en forme de C ou de O que Simon m’avait montrées en Arizona. On en avait vu d’Anchorage au nord jusqu’à Mexico au sud.