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J’ai essayé de ne pas penser à qui cela pouvait être. « J’aurais fait la même chose pour n’importe quel patient avec un diagnostic de SEP. Je dirige une bonne clinique, ici à Périhélie, mais nous ne disposons pas de l’équipement de diagnostic auquel Malmstein peut avoir accès dans un hôpital. »

Lomax, je pense, n’a pas manqué de s’apercevoir que j’avais évité de répondre, mais il a repassé la balle à Jase : « Le Dr Dupree dit la vérité ?

— Bien entendu.

— Vous lui faites confiance ?

— C’est mon médecin personnel. Je lui fais confiance, bien entendu.

— Parce que, sans vouloir vous offenser, je ne vous souhaite pas de mal, mais je me fous de vos problèmes médicaux. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir si vous pouvez nous fournir le soutien dont nous avons besoin et mener ce projet à son terme. Vous le pouvez ?

— Aussi longtemps que nous aurons le financement, oui, je serai là, monsieur le Vice-président.

— Et vous, monsieur l’Ambassadeur ? Cela vous inquiète-t-il ? Des appréhensions ou des questions sur l’avenir de Périhélie ? »

Wun a pincé les lèvres jusqu’à obtenir les trois quarts d’un sourire martien. « Aucune inquiétude de quelque sorte que ce soit. J’accorde une confiance totale à Jason Lawton. Et au Dr Dupree. Qui est aussi mon médecin personnel. »

Cette déclaration nous a obligés, Jason et moi, à réprimer notre stupeur, mais a permis de conclure avec Lomax, qui a haussé les épaules. « Très bien. Mes excuses pour avoir abordé le sujet. Jason, j’espère que votre santé restera bonne et j’espère aussi que vous ne m’en voudrez pas de vous avoir interrogé sur ce ton, mais étant donné la position d’E.D., j’ai eu le sentiment de devoir poser la question.

— Je comprends, a répondu Jase. Quant à E.D…

— Ne vous inquiétez pas pour votre père.

— Je n’aimerais vraiment pas qu’on l’humilie.

— On le poussera tout doucement en touche. Je pense pouvoir vous l’assurer. S’il insiste pour porter l’affaire sur la place publique…» Lomax a haussé les épaules. « Dans ce cas, ce seront ses capacités mentales à lui qu’on mettra en doute, j’en ai bien peur.

— Bien évidemment, a dit Jason, nous espérons tous que cela ne sera pas nécessaire. »

J’ai passé l’heure suivante à la clinique. Molly n’était pas venue travailler ce matin-là et Lucinda s’était occupée de tous les rendez-vous. Je l’ai remerciée en lui indiquant de prendre le reste de sa journée. J’ai envisagé de passer quelques coups de fil, mais je ne voulais pas utiliser le système de Périhélie.

J’ai attendu de voir l’hélicoptère de Lomax décoller et sa cavalcade impériale partir par l’entrée principale, puis j’ai rangé mon bureau en essayant de réfléchir à ce que je voulais faire. J’ai découvert que mes mains tremblaient un peu. Pas à cause de la SEP. De colère, peut-être. D’outrage. De douleur. Je voulais le diagnostiquer, pas le vivre. Je voulais le renvoyer aux pages d’index du Diagnostic and Statistical Manual.

Je passais devant l’accueil quand Jason est entré.

« Je voulais te remercier de m’avoir soutenu, m’a-t-il dit. Il faut en conclure, j’imagine, que ce n’est pas toi qui as parlé de Malmstein à E.D.

— Je ne ferais pas ça, Jase.

— Je l’admets. Mais quelqu’un a parlé. Et cela pose problème. Parce que combien de personnes sont au courant que je vois un neurologue ?

— Toi, moi, Malmstein, ceux qui travaillent dans son cabinet…

— Malmstein ignorait qu’E.D. cherchait à me nuire, ses employés aussi. E.D. a dû en entendre parler par une source plus proche. Si ce n’est ni toi ni moi…»

Molly. Il n’a pas eu besoin de prononcer son nom.

« Tu ne peux pas le lui reprocher sans la moindre preuve.

— Parle pour toi. C’est toi qui couches avec elle. Tu as un dossier dans lequel tu gardes des traces de mes consultations avec Malmstein ?

— Pas ici au bureau.

— Chez toi ?

— Oui.

— Tu as montré ce dossier à Molly ?

— Bien sûr que non.

— Mais elle a pu y avoir accès sans que tu t’en aperçoives ?

— J’imagine. Oui.

— Et elle n’est pas là pour répondre à nos questions. Elle a appelé pour se faire porter malade ? »

J’ai haussé les épaules. « Elle n’a pas appelé du tout. Lucinda a essayé de la contacter, mais elle ne décroche pas son téléphone. »

Il a soupiré. « Je ne peux pas vraiment dire que je t’en veuille. Mais tu dois bien reconnaître, Tyler, qu’en l’occurrence, beaucoup de tes choix sont discutables.

— Je m’en charge, ai-je dit.

— Je sais que tu es en colère. Blessé et en colère. Je ne veux pas qu’en sortant d’ici, tu ailles faire quelque chose qui compliquerait encore la situation. Mais je veux que tu réfléchisses à ta position sur ce projet. Que tu saches envers qui tu veux te montrer loyal.

— Je le sais très bien », ai-je répondu.

Dans la voiture, j’ai essayé de joindre Molly, mais elle ne répondait toujours pas. Je suis allé chez elle. La journée était chaude. Une brume issue du dispositif d’arrosage automatique nimbait l’immeuble bas en stuc qu’habitait Molly.

Je me dirigeais vers le parking visiteurs quand je l’ai aperçue en train d’entasser des cartons à l’arrière d’une remorque blanche U-Haul délabrée accrochée au pare-chocs de sa Ford vieille de trois ans. Je me suis arrêté devant elle. Elle m’a vu et a dit quelque chose que je n’ai pas entendu mais qui ressemblait beaucoup à « Oh, merde ! » Elle a toutefois campé sur ses positions quand je suis descendu de voiture.

« Tu ne peux pas te garer là, a-t-elle dit. Tu bloques la sortie.

— Tu t’en vas ? »

Elle a posé un carton marqué VAISSELLE sur le plancher en tôle ondulée de la remorque. « À ton avis ? »

Elle portait une chemise en jean au-dessus d’un pantalon brun roux et s’était noué un mouchoir sur la nuque. Je me suis approché de trois pas et elle a reculé d’autant, la peur sur le visage.

« Je ne vais pas te faire de mal, ai-je assuré.

— Alors qu’est-ce que tu veux ?

— Savoir qui t’a engagée.

— Je ne sais pas de quoi tu parles.

— Tu as traité directement avec E.D. ou bien il est passé par un intermédiaire ?

— Merde. » Elle a évalué la distance la séparant de la portière de sa voiture. « Laisse-moi partir, Tyler. Qu’est-ce que tu veux de moi ? À quoi ça sert ?

— Tu es allée le trouver avec une proposition, ou c’est lui qui t’a appelée ? Et quand tout cela a-t-il commencé, Molly ? Tu as couché avec moi pour obtenir des informations, ou tu m’as vendu après le premier rendez-vous ?

— Va au diable.

— Combien tu as touché ? J’aimerais savoir combien je vaux.

— Va au diable. Quelle importance, de toute manière ? Ce n’est pas…

— Ne me dis pas que ce n’est pas une question d’argent. Je veux dire, ce serait une histoire de principe ?

— C’est l’argent le principe. » Elle s’est essuyé les mains sur son pantalon, un peu moins effrayée, me défiant un peu plus.

« Qu’est-ce que tu veux donc acheter, Molly ?

— Qu’est-ce que je veux acheter ? La seule chose que n’importe qui puisse acheter. Une meilleure mort. Une mort plus propre. Un matin, le soleil va se lever et continuer à se lever jusqu’à ce que tout ce putain de ciel se retrouve en feu. Et je suis désolée, mais je veux vivre dans un endroit agréable lorsque cela se produira. Un endroit pour moi toute seule. Un endroit aussi confortable que je pourrai le rendre. Et quand ce dernier matin arrivera, je veux des médicaments chers pour me faire franchir la ligne. Je veux m’endormir avant le début des hurlements. Vraiment, Tyler. C’est tout ce que je veux, c’est la seule chose au monde que je veuille vraiment, et merci, merci de l’avoir rendu possible. » Elle fronçait les sourcils, l’air en colère, mais une larme a coulé sur sa joue. « Déplace ta voiture, s’il te plaît.