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Un second sondeur mieux équipé fut envoyé dans le nouveau transchangeur. Lui aussi détecta les étoiles clignotantes de l’autre côté, et ses télescopes hyperspatiaux indiquèrent la présence proche d’une masse équivalente à celle d’un système solaire. En apprendre plus sur cette masse impliquait l’utilisation d’un matériel ultra-sophistiqué, comme l’antenne parabolique située aux extrémités de l’arbre central de Starplex.

Keith décida d’envoyer un humain et un Ebi de l’équipe de Jag en reconnaissance. Par sécurité, ils ne se rendirent pas à la source des étoiles clignotantes, l’impossibilité de communiquer en temps réel à l’intérieur d’un transchangeur risquant d’empêcher Starplex d’intervenir à temps en cas de problème. Mais ils balayèrent l’ensemble de la zone avec le maximum de matériel, cherchèrent la moindre trace d’émissions radio artificielles… avant de regagner le vaisseau mère en déclarant qu’il n’y avait apparemment aucun danger… Ce qui ne résolvait en rien le mystère du clignotement des étoiles.

Keith attendit que chaque département ait examiné les données des deux sondeurs et de l’équipe de reconnaissance, puis, devant leurs conclusions rassurantes, il donna l’ordre d’envoyer Starplex vers la nouvelle région spatiale.

Les surnoms de « couloirs » ou « trous de ver » parfois donnés aux transchangeurs offraient une fausse image de ces passages où aucune distance ne séparait l’entrée de la sortie. Traverser un transchangeur revenait, en fait, à pousser une porte : au moment où on la franchissait, on se trouvait à la fois d’un côté et de l’autre. C’était aussi simple que cela – hormis le fait que des années-lumière séparaient les deux pièces.

Il avait fallu du temps au Commonwealth pour découvrir comment naviguer dans le réseau des transchangeurs. En espace ordinaire, un transchangeur est un point. Mais en hyperespace, ce point est entouré d’une couronne de tachyons en rotation. Ces tachyons se déplacent le long de millions de lignes orbitales polaires situées à égale distance les unes des autres, hormis sur une zone où l’absence d’une telle ligne oblige les tachyons à effectuer des allers-retours sur un seul hémisphère. La zone dépourvue de tachyons s’appelle le « méridien zéro » et sert de référence dans un système de longitudes et de latitudes semblable à celui d’une mappemonde.

Pour s’orienter dans un transchangeur, il faut commencer par définir un trajet en ligne droite vers le point central de la sphère de tachyons. En approchant de ce point, on traverse la sphère à une latitude et une longitude précises. Ce sont ces coordonnées, et donc l’angle par lequel on aborde le transchangeur local, qui déterminent la sortie dans un transchangeur particulier.

Évidemment, pour que le système démarre, il fallait qu’une première sortie ait été en activité avant d’avoir servi d’entrée (dans le cas contraire, la première civilisation utilisatrice du réseau n’aurait eu aucune destination où se rendre à partir de son transchangeur local). C’est ainsi que le transchangeur initial – Transchangeur I – était apparu comme une sorte de bonus offert par les constructeurs du réseau. Il se situait au cœur de galaxie de la Voie lactée, à portée de vue du trou noir central. Les premières explorations terrestres n’avaient décelé aucune trace de vie dans cette zone, ce qui n’avait surpris personne étant donné la forte radioactivité du noyau galactique.

Au commencement du Commonwealth, il n’y avait que quatre transchangeurs en activité : ceux de Tau Ceti, de Rehbollo, de Flatland, et Transchangeur I. À mesure que de nouveaux apparurent, les angles d’approche possibles pour chaque sortie se resserrèrent. Au bout d’une douzaine, il devint évident que pour revenir au transchangeur de Tau Ceti, il fallait traverser la couronne de tachyons qui encerclait un autre transchangeur à environ 115 degrés de longitude est et 40 degrés de latitude nord ; ce qui correspondait à peu près aux coordonnées terrestres de Pékin. D’où le surnom de New Beijing donné à la colonie de Silvanus, la quatrième planète de Tau Ceti.

Il suffit qu’un vaisseau entre en contact avec lui pour que le point d’un transchangeur s’agrandisse, mais uniquement en deux dimensions. Il forme alors un trou dans l’espace perpendiculaire à la direction du vaisseau, et de forme identique à la coupe transversale de la partie en train de le traverser. Projetés sur le bord de l’ouverture, les tachyons deviennent plus lents que la vitesse de la lumière, ce qui fait apparaître un anneau violet de radiations Soderstrom.

Là où un observateur placé devant le transchangeur voit le vaisseau disparaître dans un orifice bordé de violet, un autre, placé à l’arrière, ne voit qu’une zone totalement noire au milieu d’un champ d’étoiles ; cette zone obscure ayant, bien sûr, la même silhouette que le vaisseau.

Une fois le vaisseau passé, le transchangeur se rétracte sur lui-même jusqu’à redevenir un point, dans l’attente d’un nouveau voyageur intergalactique…

Thor fit résonner dans tout le vaisseau les cinq coups de tambour électroniques en crescendo annonçant un transfert imminent. L’écran numéro deux de Keith se divisa en deux parties, la fenêtre de gauche représentant l’espace ordinaire où le transchangeur demeurait invisible, celle de droite, une simulation basée sur les données hyperspatiales où un point blanc brillant sur fond vert entouré d’une sphère de lignes orange figurait le transchangeur et sa couronne de tachyons.

— C’est bon, dit Keith. Allons-y.

— À vos ordres, boss, répondit Thor en s’exécutant.

Starplex parcourut les vingt kilomètres qui le séparaient du transchangeur et toucha le point. Celui-ci s’agrandit pour prendre la forme du profil en losange du vaisseau qui disparut dans ses lèvres violettes. La bulle holographique qui entourait le pont représenta les deux champs d’étoiles dissonants, la houleuse discontinuité qui les séparait se déplaçant de la proue à la poupe à mesure que le vaisseau progressait. Après son passage, le transchangeur se rétracta et disparut.

Ils étaient dans le bras de Persée, à dix mille années-lumière de la planète du Commonwealth la plus proche.

— Le passage s’est effectué sans problème, annonça Thor.

L’hologramme de son visage flottait au-dessus de la station de travail de Keith, entouré par l’arrière de son crâne dont la masse rousse semblait engloutir comme une mer orange ses traits taillés à la serpe.

— Bon travail, fit Keith. Envoyez une balise.

Thor acquiesça d’un signe de tête et tapa sur son clavier. Le transchangeur avait beau être visible dans l’hyperespace, son repérage deviendrait délicat si l’équipement radio hyperspatial de Starplex tombait en panne. Dans ce cas, la bouée qui émettait des ondes électromagnétiques ordinaires et contenait son propre hyperscope leur servirait de phare.

Jag se leva et désigna de nouveau les étoiles clignotantes. Thor fit tourner la bulle holographique afin de les déplacer vers l’avant de la salle.

Lianne Karendaughter, accoudée à sa console, son fin menton délicatement posé dans sa main, demanda :

— Alors, pourquoi clignotent-elles ?

Derrière elle, Jag haussa ses quatre épaules à la manière waldahud.

— Évidemment, il ne peut pas s’agir de perturbations atmosphériques, dit-il. Les spectographies confirment que nous nous trouvons dans un vide de l’espace ordinaire. Mais il y a quelque chose entre notre vaisseau et les étoiles. Quelque chose d’opaque – au moins partiellement – et de mobile.