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— Incroyable, fit Jag. Vous avez vu que ces fardint trucs n’ont pas de charge électrique ? Comment expliquez-vous ça ?

Delacorte hocha la tête et regarda Rissa.

— Les électrons ont une charge négative, les quarks up, deux tiers de charge positive, et les quarks down, un tiers de charge négative. Chaque neutron est formé de deux quarks down et un quark up, ce qui implique que la charge nette est nulle. Quant aux protons, ils se composent d’un down et de deux up, ce qui donne une charge positive d’une unité. Étant donné que les atomes ont un nombre égal de protons et d’électrons, leur charge totale est nulle.

Consciente que cette explication s’adressait à elle, Rissa montra d’un signe de tête qu’elle avait compris.

— Cette matière à quarks glossy et matt est formée de ce que j’appelle des paraneutrons et paraprotons. Les paraneutrons ont deux quarks glossy et un matt ; les paraprotons, deux matt et un glossy. Mais les quarks glossy et matt ne portent jamais de charge, ce qui signifie que, quelle que soit la façon dont on les combine, le noyau ne sera jamais chargé électriquement. Et sans noyau positif, rien ne peut attirer les électrons chargés négativement. Donc un atome à quark glossy ou matt n’est qu’un noyau ; il ne pourra jamais avoir d’électrons en orbite. En conclusion, toute matière à quarks glossy ou matt n’est pas seulement neutre électriquement ; elle est non électrique, c’est-à-dire réfractaire à toute interaction électromagnétique.

— Ce qui expliquerait pourquoi elle coule dans les objets solides, intervint Jag. Elle les traverserait probablement instantanément sans les quelques particules de carbone et d’hydrogène qui se sont mêlées à elle. Et, bien sûr, ce sont également ces particules qui nous permettent de la voir. Des quarks glossy et matt purs seraient invisibles puisque la réflexion et l’absorption de la lumière dépendent de la vibration des charges. Tout ce que nous voyons, c’est de la poussière interstellaire emprisonnée par la gravité dans cette matière. Comme du sable dans de la gelée.

Levant soudain les yeux vers l’écran, il ajouta :

— D’accord, elle est réfractaire aux interactions électromagnétiques. Mais la force nucléaire ?

— Elle régit à la fois aux interactions faibles et fortes, répondit Delacorte. Mais ces forces ont un rayon d’action si faible que je doute qu’elles nous permettent d’obtenir la moindre interaction avec de la matière ordinaire autrement qu’à des pressions et des températures extrêmement élevées.

Jag réfléchit un moment en silence.

— C’est incroyable, répéta-t-il finalement dans un aboiement plus sourd. Nous savions que les armes des Claqueurs pouvaient briser les liens chimiques, mais transformer de la matière ordinaire en matière à quarks matt ou glossy, c’est…

— Les armes des Claqueurs ? coupa Delacorte, le front plissé au-dessus de ses sourcils gris. Parce que vous croyez que ce sont eux qui ont produit ce résultat ? Non, ça m’étonnerait. Il a fallu des milliers d’années pour former des sphères de cette taille à partir de particules. À mon avis, nous sommes témoins d’un phénomène totalement naturel.

— Naturel… répéta Jag dans sa langue. Fascinant ! Et que savez-vous sur les effets gravitationnels ?

— Eh bien, la masse d’un quark glossy ou matt est à peu près sept cent seize fois celle d’un électron ; c’est-à-dire supérieure d’environ 18 % à celle d’un quark down ou up. En conséquence, un atome glossy ou matt possède une masse légèrement supérieure, donc une gravité également supérieure à celle d’un atome ordinaire pour le même nombre de nucléons. En revanche, j’ignore tout des interactions chimiques de ces fichus quarks.

Jag marchait de long en large.

— D’accord, fit-il. D’accord… Que pensez-vous de ça ? Imaginons deux forces fondamentales supplémentaires au-dessus des quatre traditionnelles – de toute façon, on n’a pas arrêté de chercher de nouvelles forces depuis l’écroulement du vieux modèle standard. Disons que l’une de ces forces est répulsive à long rayon d’action – Cervantès et moi l’avons déjà vue à l’œuvre en essayant de rapprocher des morceaux de cailloux à l’aide des faisceaux tracteurs – et l’autre force attractive et de rayon d’action moyen.

— Qu’est-ce que ça change dans le cas qui nous occupe ? demanda Delacorte.

— Eh bien, expliqua Jag, la chimie ordinaire, qui est le produit du chevauchement orbital des électrons qui entourent le noyau chargé, n’a rien à voir dans le phénomène qui nous intéresse. En revanche, si la force attractive à rayon d’action moyen était supérieure à l’interaction faible, elle pourrait jouer le rôle de « métacharge » et rendre possible une sorte de « métachimie » qui lierait les atomes sans nécessiter de relais électromagnétique. Bien sûr, sous l’influence de la force répulsive à long rayon d’action, les quarks glossy ou matt devraient rester éloignés les uns des autres… à moins qu’il y ait une densité de masse suffisante pour que la propre gravité de ces quarks annule cette force et les pousse à se regrouper. Le processus serait identique à celui qui donne naissance aux étoiles de neutrons où la force de gravité lie les électrons et les protons malgré la pression dégénérescente qui éloigne leurs orbites les unes des autres.

Il regarda Rissa avant de conclure :

— Il s’agirait donc d’une sorte de « métachimie » qui entraînerait des réactions complexes au niveau moléculaire, tandis qu’au niveau macro cette matière à quarks matt ou glossy ne pourrait se regrouper qu’en masses de tailles planétaires possédant une gravité suffisante pour annuler l’effet de la force répulsive.

— Si vous arrivez à démontrer ce mécanisme, vous êtes bon pour le prix Nobel de Kayf-Dukt, remarqua Delacorte, visiblement impressionnée. C’est vraiment sidérant ! Une sorte de matière totalement différente qui…

— Pastark ! aboya Jag. Nom de Dieu, vous ne comprenez pas de quoi il s’agit ?

Sa fourrure flottait dans l’air comme du blé balayé par le vent.

— Eh bien, dites-le-nous ! s’énerva Rissa.

— C’est ridicule d’appeler ça de la matière à quarks matt ou glossy alors qu’elle possède déjà un nom. Un nom très courant.

De ses yeux gauches, Jag fixait Delacorte, de ses yeux droits, Rissa.

— La matière noire, lâcha-t-il.

— Mon Dieu ! s’exclama Delacorte. Je crois que vous avez raison.

Elle secoua la tête avec incrédulité.

— La matière noire !

— Exactement, brailla Jag. Et bien qu’elle compose l’essentiel de notre univers, nous ignorions jusqu’à présent de quoi il s’agissait. C’est la découverte du siècle !

Ses quatre yeux se refermèrent sur le rêve de sa gloire future.

Delta Draconis

— À quoi ressemblait Saul Ben-Abraham ? interrogea l’homme de verre.