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Keith se tourna vers Rissa.

— Un « affrontement », répéta-t-il en soupirant. Encore une chance que nous soyons trop vieux pour être enrôlés.

Rissa le regarda un long moment.

— Ça ne change pas grand-chose, dit-elle finalement. À mon avis, nous sommes déjà en première ligne.

XIV

Keith prenait toujours plaisir à se rendre en ascenseur jusqu’aux baies d’amarrage. La cabine descendait vers le pont trente et un, le plus élevé des dix ponts formant le disque central, puis suivait l’un des quatre couloirs horizontaux qui rejoignaient son bord externe. Grâce à la transparence des couloirs et des parois de l’ascenseur, on dominait alors l’immense océan circulaire où évoluaient les dauphins. Keith aimait particulièrement ce passage. En ce moment, il pouvait apercevoir la nageoire dorsale de quelques cétacés juste au-dessus des vagues générées à leur requête par des agitateurs dissimulés dans les parois du pont-océan et de l’axe central. Il s’étonnait chaque fois de la quantité d’eau contenue dans ce pont-océan de quatre-vingt-quinze mètres de rayon, au plafond orné d’un hologramme du ciel terrestre où quelques cumulus blancs se déplaçaient sur ce bleu si particulier qui lui serrait toujours un peu le cœur.

Finalement, l’ascenseur atteignit le bord de l’océan et pénétra dans les tunnels beaucoup plus prosaïques de la salle des machines. Sur le bord externe de la tour, il descendit les neuf niveaux le séparant des baies d’amarrage. Keith marcha jusqu’à l’entrée de la baie numéro neuf. Là, il trouva Hek, le spécialiste du langage symbolique accompagné de Shahinshah (dit Shanu) Azmi, un humain d’origine indienne chargé du département de technologie. Entre eux, posé sur un piédestal, à hauteur des yeux, s’élevait un cube noir d’environ un mètre de côté.

— Bonjour, monsieur, l’accueillit Azmi avec son affabilité coutumière.

Son anglais était parfait, et une fois encore, Keith se surprit à regretter toute la richesse des accents humains, perceptible uniquement dans les vieux films depuis que le procédé de communication instantané se chargeait d’effacer toutes les différences de prononciation.

Azmi désigna le cube.

— Sa composition en graphite composite additionné de quelques éléments radioactifs devrait lui permettre de résister au temps, indiqua-t-il. Seuls le radar hyperspatial qui s’ancrera dans le transchangeur et le système SCP à énergie stellaire permettant à la capsule de conserver sa position sont plus fragiles.

— Et le message ? s’informa Keith.

Hek montra l’un des côtés du cube.

— Il est gravé dans la masse, dit-il dans un aboiement sonore. Il commence sur ce côté, et se compose d’une série de cases comportant différents exemples. Deux point plus deux points égalent quatre points : une question avec sa réponse. La seconde case, ici, contient deux points plus deux points plus un symbole. Nous aurions pu choisir n’importe quel symbole, mais nous avons opté pour un point d’interrogation en prenant soin d’enlever le point au-dessous pour ne pas créer de confusion. Le résultat donne donc une question et une représentation symbolique permettant de comprendre que la réponse manque. J’ai représenté cette réponse par le signe « égal » et quatre points. Normalement, celui qui regarde cette case doit comprendre « la réponse à la question est quatre ».

Keith montra qu’il avait suivi d’un hochement de tête.

— Maintenant que nous avons établi ce vocabulaire de base, poursuivit Hek, nous pouvons passer à la vraie question.

Il se dirigea vers la face opposée du cube également gravée.

— Comme vous le voyez, ce côté est lui aussi divisé en deux. La première case contient une représentation graphique du transchangeur avec une étoile qui en émerge. Vous voyez cette échelle figurant la taille de l’étoile avec les séries de lignes verticales et horizontales au-dessous ? il s’agit d’une représentation binaire du diamètre de l’étoile calculé à partir de la largeur de la case pour éviter toute erreur d’interprétation. Là, vous avez le symbole « égal » et le point d’interrogation qui signifient « étoile sortant d’un transchangeur égal quoi ? ». Et au-dessous, vous trouvez le point d’interrogation et le signe égal, ce qui veut dire « la réponse à la question ci-dessus est…» suivis d’un grand blanc indiquant que nous attendons une réponse.

Keith hocha lentement la tête.

— Bon travail, messieurs. Je suis impressionné.

Azmi montra du doigt une autre face du cube.

— Les informations gravées sur ce côté indiquent les périodes et les positions relatives de quatorze pulsars différents. Cela devrait permettre aux bâtisseurs des transchangeurs dans le futur – ou qui que ce soit d’autre qui interceptera le message – de déterminer l’année à laquelle nous avons envoyé cette capsule.

— De toute façon, intervint Hek, ils devraient se douter que nous l’avons envoyée peu de temps après l’arrivée de l’étoile verte. Et comme ils sauront certainement à quelle date ils ont renvoyé cette étoile dans le passé… Bref, ils ne devraient pas avoir de problème pour déterminer l’époque à laquelle ils devront expédier leur réponse.

— Vous croyez que ça marchera ? demanda Keith.

— Probablement pas, fit Azmi avec un sourire. Ce n’est qu’une bouteille à la mer. Mais je crois quand même que ça vaut la peine d’essayer. Au pire, si nous ne recevons pas d’explication et si ces étoiles nous semblent menaçantes, il nous restera la solution suggérée par le Dr Magnor.

— Vous voulez dire détruire les transchangeurs en aplanissant l’espace grâce à la technique des Waldahuds ?

Azmi acquiesça avant de reprendre :

— Remarquez, je ne pense pas que cela suffira si des étoiles se mettent à sortir de milliers d’endroits différents. Mais cela gênera peut-être suffisamment ceux qui les envoient pour les pousser à nous fournir une explication.

— Très bien, fit Keith. Pour en revenir à la capsule, qu’est-ce qui permettra de la déceler ?

— Ça, c’est la partie la plus difficile, aboya Hek. Il existe assez peu de moyens d’attirer l’attention sur un objet dans l’espace. L’un d’eux est qu’il réfléchisse la lumière. Malheureusement, je ne vois aucun matériau susceptible de réfléchir quoi que ce soit après avoir passé dix milliards d’années dans la poussière interstellaire. Si faibles soient-ils, les impacts microscopiques sur une si longue période finiront par empêcher toute réflexion. Une autre possibilité serait de construire une capsule assez grosse pour attirer l’œil, ou assez lourde pour courber l’espace-temps. Mais plus sa taille augmentera, plus grand sera le risque d’une collision avec une météorite. Finalement, il ne reste qu’une solution : l’émission d’un signal radio. Mais cela implique une source d’énergie. Évidemment, pour l’instant, l’étoile verte est encore assez proche pour que nous captions son énergie avec de simples cellules solaires. Mais dans quelques milliers d’années, elle sera à plus d’une année-lumière du transchangeur, bien trop loin pour fournir l’électricité dont nous avons besoin. Quant à une source d’énergie interne, c’est hors de question. Même la radioactivité ne résisterait pas à autant d’années.

Keith hocha la tête.

— Ne m’avez-vous pas dit que le Système de Contrôle de Position fonctionnait grâce à la lumière stellaire ?

— Oui. Mais il consomme lui-même trop d’énergie pour en dévier une partie vers un quelconque signal lumineux. Tout ce qu’il faut espérer, c’est que ceux qui ont bâti les transchangeurs possèdent des détecteurs suffisamment puissants pour repérer la capsule dans l’obscurité.