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Nous ne daignons point bâtir murailles ni temples, mais toute ville qui se peut brûler avec ses murs et ses temples,

Nous l'avons brûlée.

Nous honorons précieusement nos femmes qui sont toutes d'un très haut rang. Mais les autres qui se peuvent renverser, écarter et prendre,

Nous les avons prises.

Notre sceau est un fer de lance: notre habit de fête une cuirasse où la rosée cristallise: notre soie est tissée de crins. L'autre, plus douce, qui se peut vendre,

Nous l'avons vendue.

*

Sans frontières, parfois sans nom, nous ne régnons pas, nous allons. Mais tout ce que l'on taille et fend, ce que l'on cloue et qu'on divise…

Tout ce qui peut se faire, enfin, du bout du sabre,

Nous l'avons fait.

Hymne au Dragon couché

Le Dragon couché: le ciel vide, la terre lourde, les nuées troubles; soleil et lune étouffant leur lumière: le peuple porte le sceau d'un hiver qu'on n’explique pas.

Le Dragon bouge: le brouillard aussitôt crève et le jour croît. Une rosée nourrissante remplit la faim. On s'extasie comme à l'orée d'un printemps inespérable.

Le Dragon s'ébroue et prend son voclass="underline" à Lui l'horizon rouge, sa bannière, le vent en avant-garde et la pluie drue pour escorte. Riez d'espoir sous la crépitation de son fouet lancinant: l'éclair.

*

Hé! Las! hé, Dragon couché! Enspiralé! Héros paresseux qui sommeille en l'un de nous, inconnu, engourdi, irrévélé,

Voici des figues, voici du vin tiède, voici du sang: mange et bois et flaire: nos manches agitées t'appellent à grands coups d'ailes.

Lève-toi, révèle-toi, c'est le temps. D'un seul bond saute hors de nous; et pour affirmer ton éclat,

Cingle-nous du serpent de ta queue, fais-nous malades au clin de tes petits yeux, mais brille hors de nous, – oh! brille!

Serment sauvage

Tu ne sortiras d'ici que le débat clos entre nous. Vois ces lances, ces os sculptés; entends ces cris, ces fers choqués;

Tu me dois ce versant de la montagne, vingt et vingt esclaves jaunes à longue queue et douze femelles de cette espèce chinoise.

Ne compte sur aucun de ton clan pour régler cette affaire: toi ou moi ou tous les deux tués, – cela, je le jure:

Par ces deux grands chiens au poil fauve crucifiés là-bas dos à dos!

Courtoisie

J'accepte donc cet usage après la lutte: Si, vainqueur, tu le cèdes en dignité à ton vaincu, présente-lui la coupe honorifique (afin de marquer ta victoire décemment).

Vienne alors la bataille et le coup et le geste après le coup: je promets d'être cérémonieux.

Mais, emplissant la corne de vin tiède, – comme il boira, – je verserai, dans le puits sans fond de mon âme,

Tous tes flots doux d'un rire décemment cérémonieux.

Ordre au soleil

Mâ, duc de Lou, ne pouvant consommer sa victoire, donna ordre au soleil de remonter jusqu'au sommet du Ciel.

Il le tenait là, fixe, au bout de sa lance: et le jour fut long comme une année et plein d'une ivresse sans nuit.

*

Laisse-moi, ô joie qui déborde, commander à mon soleil et le ramener à mon auble: Que j'épuise ce bonheur d'aujourd'hui!

Las! il échappe à mon doigt tremblant. Il a peur de toi, ô joie. Il s'enfuit, il se dérobe, un nuage l'étreint et l'avale,

Et dans mon cœur il fait nuit.

STÈLES DU BORD DU CHEMIN

Conseils au bon voyageur

Ville au bout de la route et route prolongeant la ville: ne choisis donc pas l'une ou l'autre, mais l'une et l'autre bien alternées.

Montagne encerclant ton regard le rabat et le contient que la: plaine ronde libère. Aime à sauter roches et marches; mais caresse les dalles où le pied pose bien à plat.

Repose-toi du son dans le silence, et, du silence, daigne revenir au son. Seul si tu peux, si tu sais être seul, déverse-toi parfois jusqu'à la foule.

Garde bien d'élire un asile. Ne crois pas à la, vertu d’une vertu durable: romps-la de quelque forte épice qui brûle et morde et donne un goût même à la fadeur.

Ainsi, sans arrêt ni faux pas, sans licol et sans étable, sans mérites ni peines, tu parviendras, non point, ami, au marais des joies immortelles,

Mais aux remous pleins d'ivresses du grand fleuve Diversité.

Tempête solide

Porte-moi sur tes vagues dures, mer figée, mer sans reflux; tempête solide enfermant le vol des nues et mes espoirs. Et que je fixe en de justes caractères, Montagne, toute la hauteur de ta beauté.

L'œil, précédant le pied sur le sentier oblique te dompte avec peine. Ta peau est rugueuse. Ton air est, vaste et descend droit du ciel froid. Derrière la frange visible d'autres sommets élèvent tes passes. Je sais que tu doubles le chemin qu'il faut surmonter. Tu entasses les efforts comme les pèlerins les pierres; en hommage.

En hommage à ton altitude, Montagne. Fatigue ma route: qu'elle soit âpre, qu'elle soit dure; qu'elle aille très haut.

Et, te quittant pour la plaine, que la plaine a de nouveau pour moi de beauté!

Éloge du Jade

Si le Sage, faisant peu de cas de l'albâtre, vénère le pur Jade onctueux, ce n'est point que l'albâtre soit commun et l'autre rare: Sachez plutôt que le Jade est bon,

Parce qu'il est doux au toucher – mais inflexible. Qu'il est prudent: ses veines sont fines, compactes et solides.

Qu'il est juste puisqu'il a des angles et ne blesse pas. Qu'il est plein d'urbanité quand, pendu de la ceinture, il se penche et touche terre.