La nuit, ces beaux dessins blancs restent
Et les feux brillent des voûtes célestes.
À cette heure calme, les Pléiades
Lancent du haut la lumière glaciale.
Cet incendie, dans la nuit froide,
Allume les aurores boréales.
***
Pas de soleil, mais les étangs
Sont clairs comme de grands miroirs lisses
Et les bassins d’eau, sans mouvement,
Paraissent vides mais les reflets glissent
De beaux jardins comme là-dedans.
Une goutte, tout comme la tête d’un clou,
Tombe et des aiguilles, par centaines,
Sillonnent sur les étangs. Partout
La pluie brillante saute sur la plaine,
Fait du bruit au jardin surtout.
Le vent mêle des plantes quand il pleut,
Jouant avec des feuilles tremblantes.
Les rayons solaires mettent du feu
À des étincelles frémissantes
En remplissant des mares de bleu.
Voilà l’arc-en-ciel… On est gai
Qu’on y vive et qu’on réfléchisse
Au ciel et aux blés qui mûrissent,
Au petit bonheur pour l’apprécier.
On est gai de rôder nue-tête
Et de voir des enfants répandre
Le sable d’or dans la gloriette –
Pas d’autre bonheur à attendre!
Au carrefour du destin
Au carrefour où un vieux champ s’enfonce
Au loin, un corbeau est sur la croix.
La steppe libre s’est couverte de ronces;
Dans l’herbe, en rouille, il y a un pavois.
Au carrefour, une inscription fatale
Est tracée: “Si tu prends le chemin droit,
Tu auras des maux jusqu’à la dalle
Funèbre; à peine viens-tu par cette voie.
Tu restes sans cheval, si tu vas à droite,
Tu te traîneras à peine seul et nu.
Celui qui va à gauche à la hâte,
Mourra vite dans des champs inconnus”.
J’ai peur; au loin, des tombeaux se tiennent –
Le passé dort d’un somme éternel.
“Et la voie dans la contrée lointaine?
Montre-la, corbeau, noir aux ailes!”
Le midi somnole et sur les sentes,
Les os pourissent dans l’herbe. Et je vois
Trois voies là, dans la plaine jaunissante:
Où, comment aller et par quelle voie?
Où est le bout de la plaine immense?
Qui fait peur à mon cheval? Et du loin
Bleu, qui m’appelle en profond silence
Avec la voix d’un vrai être humain?
Je suis seul au champ. La vie m’appelle
Hardiment, la mort regarde aux yeux…
Sur la croix, le corbeau noir sommeille,
Sombre et grave – et personne dans ce lieu.
Là-haut, sur les neiges blanches d’un faîte,
Avec une lame, j’ai tracé un sonnet.
Les jours passaient. Peut-être, ma trace faite
Reste à présent dans les neiges au sommet.
Là où les cieux sont bleus de couleur nette,
Où la lumière d’hiver brille dans l’air frais,
Seul le soleil a vu que mon stylet
Gravait сe vers sur la glace. Le poète
Est seul qui puisse comprendre, j’en suis gai,
Bien que la foule qui le salue, ne mette
Jamais son cœur en joie dans la vallée.
Là où les cieux sont bleus de couleur nette,
À un midi, j’ai tracé un sonnet
Pour celui qui est là, au faîte.
***
La déesse du chagrin m’a servi un calice de vin
sombre.
J’en ai bu calmement, et une langueur mortelle me
saisit.
La déesse me sourit froidement et dit d’un air
impassible:
“C’est mon doux poison des ceps de vignes sur la
tombe de l’amour”.
La Fille Vernale
(Extrait)
Je me précipitais avant l'orage
Dans la nuit chaude parmi les vagues murmures
Du bois, en trébuchant contre les souches,
Perdu au bois, suivant La Fille Vernale.
Comme un trait, elle passait parmi les arbres
Et, blanche, apparaissait là par moments.
Avec le cœur tremblant comme une colombe,
Quand le vent soufflait les dernières lueurs,
J'ai eu la bouche gercée et le désir de
Crier "Attends!" – mais je ne pouvais pas.
Nous avons traversé le marécage,
Après, c’était le lac, le banc de sable
Couvert de trolles, de jeunes roseaux et d’herbes;
Et, finalement, je me suis épuisé.
Je veux dire: "Tu n’as rien à craindre! Arrête!”
Un coup d’œil en arrière – et puis, en route!
Pendant ce temps, au bois, le vent fort souffle
Et de vieux arbres mécontents murmurent,
Des sapins hirsutes remuent les aiguilles
Et les étoiles scintillent parmi leurs branches.
Et je crie après elle: " Arrête, écoute!
Je ne te laisserai pas jusqu’à l’aube,
Tu te tortures en vain…" Elle ne m’écoute
Pas! Mais soudain, un coup de foudre éclaire
Le bois d’une mystérieuse lumière bleuâtre…
Je crie: “Arrête! Un mot! Je ne te touche…
(Pour une seconde, elle se tient immobile.)
Réponds-moi, qui es-tu? Dis! Et pourquoi
Tous les soirs, venais-tu à ma rencontre?
Pourquoi m'attendais-tu près de l’anse sombre,
Où les eaux rougissent assombries et ternes?
Pourquoi, avec moi, as-tu écouté
En pleurs, la jeune joie des chansons lointaines?
Pourquoi après ces chants, quand des moustiques
Sonnaient seuls tous les soirs en somnolence,
L'eau endormie sentait doucement, en ordre,
Mettais-tu, triste, mes boucles avec tendresse,
Je regardais de tes genoux dans tes yeux?
Pourquoi dans l'ombre, quand, au bosquet calme,
Les rossignols chantaient, à ma joue pâle,
Penchais-tu ta joue chaude et, doucement,
M’embrassais-tu et après, encore
Avec plus de langueur et plus de force?
Dis-moi! Pourquoi?..” Mais elle cache son visage
Dans ses mains et elle se lance en avant.
Dans le bosquet, nous courons comme des bêtes
Suivant leur proie. Et l’averse bruyante
Fait rage aux bois sombres avec le tonnerre,
Les foudres éclairent le lointain; la robe
De la jeune fille blanchoie vivement… Soudain,
Elle disparaît vite comme par un miracle.
J’accours de la forêt à la lisière,
Tombe dans l'avoine, emmêlé et humide,
Et je me bats, je pleure…
Inscription sur un calice
Il a trouvé un calice ancien près de la bleue mer
bruyante
Dans un tombeau sur la côte sablonneuse et sauvage.
Il a longtemps travaillé, il a formé ensemble
Ce que la tombe avait gardé trois mille années comme
une chose sacrée,
Il a lu sur ce calice
L’histoire ancienne des sépulcres et des tombes silencieux:
“Éternels sont la mer sans fin et le ciel immense,
Éternels sont la terre, sa beauté et le soleil,
Éternel est le lien invisible qui lie les âmes
Et les cœurs des vivants avec l’âme assombrie des
tombeaux”.
Par des sentiers secrets…
Par des sentiers secrets dans des bois denses,
Arrive doucement le crépuscule gris.
En feuilles sèches, les bois gardent le silence,
Perdus, ils attendent en automne la nuit.
Dans le ravin, on entend une nyctale…
Une feuille sèche tombe avec un petit bruit…
L’âme de la nuit fait l’envolée fatale
Dans la pénombre qui se répandit.
***
Dans la forêt au mont, une source sonne;
Là-dessus, c’est une vieille croix sous le toit,
Toute noircie, avec une petite icône