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— Je n’ai aucun renseignement sur le sujet, répondit le témoin.

— Vraiment aucun ? demanda le sénateur ironique.

Sachant qu’il n’était pas tenu de répondre, Fitzgreen resta silencieux.

— Puis-je vous demander votre profession ? demanda l’un des sénateurs de la commission.

— Directeur commercial… Je dirige l’équipe des vendeurs d’une société d’électroménager.

— Son nom s’il vous plaît ?

La réponse de Fitzgreen créa un certain remous car la société n’était autre que la filiale d’une grande firme.

— Et vous avez le temps d’occuper ces fonctions de trésorier ? Comment faites-vous ? demanda le même sénateur sans ironie.

— Je dispose de beaucoup de loisirs.

— Voulez-vous dire que vous ne travaillez qu’à mi-temps ?

— En quelque sorte, oui…

— Et vous êtes payé pour ce mi-temps ou à temps complet ?

— A temps complet, reconnut Fitzgreen très ennuyé.

— Je vous remercie.

Il y eut un silence que rompit Maroni :

— Vous n’êtes pas surpris que votre société vous paye pour effectuer un travail qui ne lui rapporte rien ?

— Elle paye également certains permanents des syndicats, des associations sportives, patriotiques.

— Pas tout à fait, Gerald Fitzgreen, pas tout à fait… Ces associations, ces syndicats payent une contrepartie. La société ne fait que donner un nombre d’heures… Mais n’ergotons pas là-dessus. Voulez-vous me parler de l’actuelle assemblée qui se tient au Sheraton-Russel ?

— Mais cette assemblée vient de se terminer et…

— Un instant… J’ai ici le programme détaillé de ce congrès. Il devait durer huit jours, voyage compris. Du 17 avril au 24… Nous sommes aujourd’hui le 22… Ce matin j’ai téléphoné à cet hôtel et j’ai appris qu’en effet il n’y avait plus de Dynamiciens européens dans l’établissement. Il semble qu’une partie de ces gens-là soient rentrés en Europe via Washington, par le Concorde de ligne. Ils ne sont donc restés que quatre jours entiers à New York… Mais que sont devenus les autres ?

— Ils voyagent dans notre pays, sénateur… Ils doivent visiter des usines, des laboratoires, des exploitations agricoles, et faire aussi un peu de tourisme.

— Pourquoi trois sur quatre seulement ?

— Les autres ont préféré rentrer dans leur pays.

— Pour quelle raison puisqu’ils avaient prélevé huit jours entiers sur leur emploi du temps ?

Un des sénateurs fit passer un billet à Maroni. Sans l’avoir lu Kovask pensa que le collègue de Maroni s’étonnait de ces questions sans rapport avec le sujet. Le président de la commission sourit et préleva une double feuille imprimée dans son dossier. Kovask regarda vivement Fitzgreen et le vit pâlir.

— J’ai ici, dit le sénateur, une sorte d’interrogatoire… Trente-quatre questions… Ce document est anonyme… Mais je demande à Gerald Fitzgreen s’il le reconnaît formellement.

Il le poussa en travers de la table et le trésorier du Dynamic Club le prit.

— C’est un des formulaires de notre club, reconnut-il non sans effort.

— Conditionnait-il la deuxième partie de ce voyage organisé ? Ceux qui répondaient convenablement étaient admis à aller jusqu’au bout et les autres purement et simplement renvoyés ? Or, certaines questions me paraissent tout de même assez curieuses, voire choquantes. Notamment celles qui concernent l’Internationalisme capitaliste…

— Ce n’est qu’une question, sénateur, fit Fitzgreen. On demandait simplement aux délégués ce qu’ils en pensaient.

— D’accord, mais je vous pose une question bien nette. Si un délégué répondait que pour son compte il était opposé à cet internationalisme, s’il émettait la moindre réserve, était-il quand même admis à poursuivre son voyage ?

— Je ne crois pas que cette question soit en rapport avec le financement des clubs, objet de cette commission.

Maroni eut un sourire inquiétant.

— Croyez-vous ? Alors, sous une autre forme, comment est justement financée cette seconde partie du voyage ?… Emmener une soixantaine de personnes à travers notre vaste pays représente une dépense qui est double, triple de la somme dépensée pour un voyage en avion, même s’il s’agit du supersonique français, d’un séjour dans un hôtel de New York… J’attends une réponse précise. Mais d’ores et déjà je peux chiffrer ces trois jours-là à vingt mille dollars au minimum.

Le témoin baissa les yeux vers ses dossiers.

— Voulez-vous répondre, s’il vous plaît ?

— Le club finance cette deuxième partie du voyage.

— Avez-vous les justificatifs sous la main ?

— Pas ici, sénateur.

— Quand pourrez-vous les obtenir ?

— Au début de la semaine prochaine certainement.

Maroni resta de marbre et Kovask devina que la réponse de Fitzgreen le décevait profondément. Mais il se reprit rapidement :

— Les délégués ignoraient qu’ils ne resteraient pas les huit jours à New York ?

— Nous avons voulu leur faire une surprise.

— Surprise qu’un quart des délégués n’a pas appréciée ?

Fitzgreen resta muet.

— Je pense, monsieur Fitzgreen, que vous pourrez nous fournir ces justifications demain matin et non la semaine prochaine.

— Mais nous serons un samedi.

— La commission n’en tient pas compte et peut aussi poursuivre ses travaux le dimanche.

Il sourit en regardant ses collègues.

— Je pense que mes amis sont de cet avis ? Bien. Cela suffira donc pour aujourd’hui et nous vous attendons dès demain.

Fitzgreen se leva, s’inclina et quitta la salle. Il sentait sur lui tous les regards des gens encore assis.

CHAPITRE VI

Cesca Pepini les attendait dans ce restaurant italien dont le sénateur Maroni était un client fidèle. On l’avait installée à la table habituelle qui lui était réservée et elle dégustait un marsala à l’œuf. Préparé spécialement sous ses yeux.

Dès les anti-pasti, Maroni expliqua à Kovask et à la Mamma ce qui avait entraîné la création de cette commission.

— Tout est venu des Services Secrets du Trésor. Vous n’ignorez pas que ce sont ses agents qui assurent la sécurité du président. L’un d’eux, pour passer le temps au cours d’un voyage officiel, a raconté à Carter sa dernière mission. Avec une équipe il avait enquêté sur le cash-flow des multinationales d’origine américaine.

— C’est quoi ce cash-flow ? demanda la Mamma qui dégustait ses alichi piccante.

— C’est l’ensemble des résultats financiers des multis. Ces dernières ne font jamais de bénéfices ou très peu, prétendant qu’elles investissent ce qu’elles gagnent. Il existe des tas de possibilités pour elles, provisions, amortissement, avoir fiscal en France. Subventions bien entendu. Et notre agent secret du Trésor avait été amené à enquêter sur l’argent distribué à flots à certains organismes privés, découvrant que plusieurs clubs pour élites industrieuses glanaient une bonne partie de la manne. Le président a voulu en savoir davantage, lui a confié une autre mission et notre homme a découvert de telles infractions à la loi que le président n’a pas hésité à transmettre le dossier au Sénat. Mais ce qui l’a surtout décidé, c’est que cet agent s’est tué en voiture dans des conditions assez suspectes. Il s’appelait Marlow. En Louisiane. Sa Dodge a quitté la route et s’est enfoncée dans un marais. Un bayou. On ne l’aurait pas retrouvé si un gars n’avait remarqué des traces d’huile sur l’eau. Un type un peu simple d’esprit qui cherche du pétrole depuis des années et qui a cru avoir découvert l’Eldorado. Il a fait un prélèvement et l’a fait analyser. Le laboratoire lui a dit qu’il s’agissait de Shell 20–40. Têtu, l’autre a voulu en avoir le cœur net et a découvert la bagnole avec le cadavre à l’intérieur. Impossible de faire une autopsie en règle. Mais Marlow avait donné l’adresse d’un immense domaine de la région. Un domaine qui appartient au Dynamic Club qui l’utilise comme centre de vacances. Il y organise aussi des séminaires… Je n’ai pas voulu pousser Fitzgreen tout à l’heure dans ses derniers retranchements, mais ne sont admis dans cette propriété qui porte le nom français de Bois-Jolie que ceux qui ont satisfait au test sur lequel j’ai interrogé ce type.