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Rosario saisit son calepin et commença de griffonner.

— Inutile, mon vieux… Je le brûlerai comme le précédent sans même en prendre connaissance.

Interdit Rosario releva la tête, son stylo bille toujours appuyé sur la page du carnet.

— Mais bon sang ! hurla Maxime, cessez de jouer la comédie, puisque je sais qui vous êtes en réalité… D’ailleurs si vous aviez été vraiment ici comme une sorte d’agent secret vous auriez évité toute indiscrétion… N’est-ce pas le propre des agents secrets ? Ne faire confiance à personne ?…

Soudain la porte s’ouvrit et H.H. entra suivi de deux hommes armés. Sa bouche était fendue par un rire silencieux mais son regard étincelait. En trois enjambées il fut sur Rosario, lui arracha le calepin, et après y avoir jeté un coup d’œil le gifla à la volée.

— Son of a bitch… Dire que nous avions un salaud sous la main et que nous ne nous en doutions pas… Maintenant vous allez nous dire pour qui vous travaillez, et vite !

Il saisit Rosario par les revers de sa veste, le souleva presque de terre tout en le secouant. Il lui envoya un coup de genou dans le bas-ventre et lorsque Rosario rua, il le projeta sur les piles de chaises pliantes. L’Italien s’y empêtra, se tordant de douleur, ne parvenant pas à se redresser. Hugues Harlington saisit celle où se trouvait le plateau du petit déjeuner et, sans se soucier de la casse, la souleva au-dessus de sa tête pour la jeter sur Rosario.

— Vous parlerez, je vous le garantis !

Pétrifié, Maxime Carel assistait à la scène, doutant encore. Ce pouvait être une suite de la comédie jouée par Rosario. Pourtant lorsqu’il vit que ce dernier avait une blessure au front qui saignait, les traînées rouges sur son visage, il sortit de sa stupeur.

— Arrêtez !…

Il se précipita sur H.H. qui le balaya d’un revers du bras. Il partit en arrière, tomba dans les bras du garde qui le saisirent avec énergie.

— Vous allez le tuer ! cria-t-il en voyant H.H. relever une fois de plus cette chaise en métal et en velours.

L’Américain resta avec la chaise au-dessus de sa tête, puis la jeta sur le côté, se retourna vers lui.

— Vous avez raison… Je pourrais le tuer tout de suite, alors que nous avons tout le temps.

Il fit trois pas, s’arrêta à quelques centimètres de Maxime :

— Pauvre petit con, dit-il en Français.

Agitant sous le nez de Maxime le calepin, il ricana :

— Sans vous, on passait à côté de ce salaud… Il aurait pu quitter Bois-Jolis sans qu’on se doute qu’il nous avait espionnés… Maintenant on va fouiller sa chambre, ses affaires et puis on le fera parler… Toi aussi, Frenchie, il faudra que tu parles, que tu nous racontes tout ce que tu sais sur lui… Il t’écrivait des petits poulets de ce genre, hein ?

Levant le calepin, il lut :

— Pour l’amour du ciel arrêtez de parler ainsi… Je vous jure qu’il y a des micros et que je suis ici pour récolter des renseignements. Je suis votre seul ami…

Sa main épaisse tapota la joue de Maxime :

— Brave, boy… Gentil… Complètement con, mais gentil, hey ?… On se croyait le plus fort, mais on s’est quand même laissé intoxiquer.

Maxime lui cracha au visage, mais H.H. se mit à rire encore plus fort et continua de lui donner de petites gifles pas très douloureuses.

— Tu peux cracher… Tout à l’heure tu n’auras peut-être pas assez de salive pour former tes mots, mon joli petit con…

Les deux gardes sur un signe projetèrent Maxime dans la pièce et lorsqu’il se releva ils avaient disparu tous les trois. Il commença de retirer les chaises pliantes pour dégager Rosario, l’aida à se relever.

— Je ne sais que vous dire…

— Alors taisez-vous, nom de Dieu !

Benito s’assit, sortit un mouchoir pour l’appuyer en boule contre son entaille. Debout, devant lui, Maxime ne s’était jamais senti aussi humilié, minable, sans ressort.

— Regardez s’il reste du café dans le pot. Il ne s’est pas cassé et il a un couvercle étanche.

Il en restait un peu mais les deux tasses étaient brisées. Rosario le but à même le pot, le tendit à Maxime qui secoua la tête.

— Buvez-en, insista l’Italien.

Maxime en avala deux gorgées, lui rendit le pot. Il déplia une chaise et s’assit :

— Je me suis laissé intoxiquer moi aussi. Tout a chaviré après la comparution de Clara Mussan… J’ai cru…

— Taisez-vous.

Maxime hocha la tête, sortit machinalement se boîte de Wilde Havana.

— Vous en vouiez ?

— Non, et ne fumez pas… La pièce est petite et nous respirerions mal… Vous aurez besoin d’avoir un organisme parfaitement oxygéné.

Il ne comprenait pas ce que voulait dire l’Italien mais il lui obéit, remit la boîte dans sa poche. Il ne voulait penser à rien mais c’était impossible.

— Que vont-ils faire de nous ?

— Vous avez entendu H.H. ?

— Il bluffait, non ?

— Vous croyez qu’ils vont prendre le risque de nous laisser repartir vivants ?

Maxime se dressa et regarda autour de lui. Il commença de transporter des chaises pliantes pour les empiler dans un autre coin. Rosario le regardait faire sans paraître l’approuver ni sans chercher à l’aider. Il finit par dégager un étroit passage jusqu’à une fenêtre dont il tira les rideaux, soupira de découragement en découvrant le verre martelé qui empêchait de voir à l’extérieur. Mais il pouvait distinguer parfaitement les trois ombres verticales de la grosseur d’un gros pouce.

— Il y a des barreaux, dit-il.

— Qu’espériez-vous ? De toute façon il y a aussi des types armés à l’extérieur.

— Des Dynamiciens comme nous, rétorqua Maxime. Vous ne pensez quand même pas qu’ils oseraient tirer ? Ils finiront par se lasser de cette mise en condition, de toute cette violence.

— Vous me paraissez bien optimiste…

— Si je…

Il mima le geste de casser la vitre. Rosario secoua la tête.

— Vous les alerterez pour rien.

— Nous n’allons pas nous laisser traiter ainsi… Si je la casse, je peux crier à l’aide… Il est impossible que personne ne réponde à cet appel… Il y a des gens indécis, des femmes…

Brusquement la porte s’ouvrit et ils entrèrent. Une demi-douzaine. H.H. bien sûr, mais aussi Marcel Pochet, Pierre Montel et sa femme, Perney de Viel collègue de Maxime et un autre Français. Ils avaient en main des bas de femme remplis d’une matière qui en faisait des sortes de matraques obscènes en forme d’énormes phallus.

Rosario se leva, mais Pochet le frappa à la tête et il s’effondra. Maxime Carel se mit à leur lancer des chaises mais bientôt il n’eut plus de projectiles faciles à saisir. Les sièges s’emmêlaient les uns les autres et alors qu’il se baissait il reçut un coup très mou sur le crâne. Il ne perdit pas conscience mais fut incapable de rester debout. Tout le corps lui faisait mal. Le coup porté avec un bas rempli de sable se répercutait dans tous les muscles. Il se souvenait que c’était le procédé adopté par certains policiers pour ne pas laisser de trace. Il se retrouva hébété, assis sur son derrière, assista à une scène incroyable. Ils s’acharnaient tous sur Rosario et Josette Montel ne cessait de lever et d’abaisser son bas-matraque.