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— Vous voyagez beaucoup ? lui demanda Pochet.

— Moyennement.

— Je suis déjà venu aux U.S.A. Pour préparer ce congrès précisément… Avec M. Montel, justement.

— Ah oui ?

Il préférait paraître stupide, ayant brusquement conscience qu’il se trouvait embarqué dans une fausse direction. En vain recherchait-il à quel moment il avait manqué de lucidité, quel jour il n’avait pas compris que le congrès du Club avait en fait une autre raison qu’une simple rencontre internationale et amicale. Il devait être distrait ce jour-là… Peut-être ce fameux jour où son patron lui avait parlé des problèmes qui se poseraient à la Française des Recherches Ferroviaires si la gauche arrivait au pouvoir et appliquait le programme commun.

« — La K.U.P. sera nationalisée, du moins la société française… Les filiales je l’ignore… Mais tout ce qui touche aux transports est visé et malheureusement nous travaillons surtout pour la S.N.C.F. Je crois qu’il nous faudra étudier sérieusement le problème. »

Oui peut-être que ce jour-là il avait fait, comme d’habitude, semblant de comprendre alors qu’il pensait à autre chose. Comme tout à l’heure lorsque Pochet lui avait laissé entendre que le véritable intérêt de ce congrès ne commencerait que dans trois jours.

— M. Montel a des idées assez intéressantes mais, bien sûr, ce sont les Américains qui ont l’expérience… Ils ne se sont pas tellement mal débrouillés en Amérique du Sud.

— Oui, bien sûr.

Il ne pensait pas que Patricia aurait seulement souri avec commisération. Certainement pas. Elle l’aurait fixé de ses yeux mauves avec gravité, semblant lui demander : « Et maintenant que vas-tu faire ? Quelle sera ton attitude lorsque le troisième jour s’ouvrira vraiment cette terrible séance où l’on discutera de questions brûlantes ? »

— Pas mal la petite Mussan, hein ? Moi qui suis venu sans ma femme je pensais bien avoir mes chances mais vous voilà aussi sur les rangs, pas vrai ? Votre épouse n’a pu vous accompagner ?

— Non, elle n’a pu venir.

Il regarda Pochet et surprit un éclair d’ironie dans son regard bleu. L’homme n’avait presque pas de paupières et celles-ci n’avaient pratiquement pas de cils.

— Fatiguée, peut-être ?

Avec horreur et indignation, il comprit que l’autre testait sa franchise. Il haussa les épaules :

— Non. Visa refusé.

— Ça arrive à des gens très bien, dit Pochet.

Maxime fut certain que l’homme savait tout sur lui comme sur les autres membres de la délégation. Il regarda en direction de Clara Mussan. Elle était belle, blonde, élancée, élégante. Parfois il aurait aimé que Patricia soit habillée de cette façon-là mais savait qu’il n’avait rien à espérer.

La jeune femme discutait avec H.H. mais regardait dans leur direction. Elle sourit et comme le syndicaliste regardait ailleurs il pensa que ce sourire lui était destiné. Cette femme savait-elle que le congrès du Dynamic Club dissimulait en fait autre chose ? Elle avait un visage ouvert sans nulle trace d’hypocrisie. D’ailleurs la conversation de H.H., qui mâchouillait toujours grossièrement son chewing-gum et son havane, ne paraissait pas l’emballer.

— Je vais me dégourdir les jambes, dit-il à Pochet.

Il se dirigea lentement vers le bar, tendit son verre pour avoir un autre Cinzano.

— Vous avez du feu ?

Jamais il n’aurait cru qu’une femme de cette classe userait d’une telle entrée en matière éculée. Il sortit son briquet jetable. Patricia se moquait tellement de lui quand il prenait son Dupont en or qu’il n’osait plus s’en servir.

Clara Mussan se mit à rire. Elle avait aussi de très beaux yeux bruns.

— Je crois que vous êtes le seul avec un briquet de ce genre, dit-elle. Moi je me sers d’allumettes mais j’ai dû les oublier.

Elle fumait des Gauloises filtres ! Du coup il la trouva terriblement sympathique.

— Je me demande ce que je fais là, dit-elle soudain comme si elle se jetait à l’eau. Huit jours à New York passe encore, mais ce congrès… Vous aimez ça, vous ?

— Je ne sais pas encore, dit-il ; je n’y ai jamais assisté.

— Ce ne sera pas très folichon…

D’un regard circulaire elle parut englober toute l’assistance dans son appréciation.

— Heureusement que nous aurons les après-midi de libres… Vous connaissez New York ?

— Assez bien…

— Je veux dire pas les trucs habituels… Je veux parler des petits coins charmants, amusants, pittoresques.

Il connaissait.

CHAPITRE II

Il bascula du lit sur la moquette, se redressa lentement une fois qu’il eut repéré la baie vitrée. Une main sur son front douloureux, il tituba vers la vague luminosité, s’empêtra dans le système qui commandait l’ouverture des rideaux, grimaça. Impossible d’ouvrir, bien sûr. Le sacré saint air conditionné. Pas moyen de respirer une bouffée d’air même pourri par l’oxyde de carbone. Dans ce pays le gaspillage fou continuait. Chaque fois il en restait stupéfait, avait beau se dire qu’un jour peut-être les séparatistes canadiens couperaient le courant qui alimentait l’immense métropole, en gardait l’impression d’un gâchis démentiel.

Au lieu de pénétrer dans la salle de bains, il entra dans le « closet » sorte de dress-room, s’emmêla dans ses vêtements accrochés, ressortit avec un pantalon autour du cou, aperçut les fesses de Clara Mussan étendue nue sur le ventre, pensa qu’elle avait une jolie cambrure, essaya de se souvenir comment un copain médecin appelait ça, ne put rien extraire d’un cerveau enfumé par la tequila. Ils avaient terminé dans un Rancho Mexicain de la 44e Rue Ouest. Les haricots noirs furieusement épicés leur avaient donné une soif féroce et une furieuse envie de faire l’amour. Ils avaient eu le tort de trop étancher la première et n’avaient satisfait la seconde que médiocrement, dans un demi-sommeil et sans la moindre fantaisie.

Dans la salle de bains il obtint un soda glacé, le but d’un trait, se regarda dans la glace, eut un rire idiot en apercevant son pantalon en guise d’écharpe. Il le jeta à terre, se rendit compte que ce mal sourd au bas-ventre était simplement dû à une érection proprement insensée. Le chile. Patricia n’en serait pas revenue mais c’était Clara Mussan qui était dans sa chambre. C’était la troisième nuit qu’il passait au Sheraton. La première chacun s’était couché tôt. La seconde, sortie en bande avec Pierre Montel, Perney de Viel directeur général de sa boîte, Marcel Pochet et quelques autres. Des bonnes femmes emmerdantes. Clara et lui avaient mis au point leur fugue du troisième soir. Et voilà.

Il retourna dans la chambre. La jeune femme écartait légèrement ses longues jambes, laissant soupçonner une ombre moite. Il ne se souvenait même pas si elle était une blonde authentique. Quelle cuite ! Il s’approcha du lit bas fait pour une personne et devant mesurer un mètre dix de large. Non, jamais il n’avait vu une croupe aussi ronde, aussi provocante.

— Accentuation de l’ensellure lombaire, dit-il à voix haute.

En réponse, Clara Mussan roucoula quelque-chose d’incompréhensible. Sans plus hésiter, il progressa à genoux entre ses jambes. Sans paraître s’éveiller, elle les replia légèrement pour qu’il puisse la pénétrer.

— Oh, fit-elle avec un étonnement paresseux, c’est une aubergine ou quoi ?

Il en fut très flatté dans son amour-propre. Lorsqu’il se retira, il restait en pleine forme et accoudée sur le côté droit elle put le constater et commença de l’entretenir d’une main habile. Il vit seulement qu’elle était vraiment une blonde authentique.