Quelques Land-Rover fuyaient déjà les marécages mais une bonne partie s’emmêlaient dans des manœuvres rageuses. Les véhicules se gênaient les uns les autres, ceux qui étaient embourbés bloquant l’accès aux autres et soudain les buffles furent là. Les Dynamiciens se mirent à tirer dans tous les sens. Ils en abattirent quelques-uns mais le gros noyau des fauves rouges commencèrent d’attaquer les tout-terrains. Les passagers n’eurent que le temps de sauter à terre et de s’enfuir avant qu’ils ne basculent. Fous de colère, les buffles s’acharnaient sur la tôle, dédaignant les petits hommes qui couraient.
Et plus loin, le camion venait de s’arrêter et Kovask passa une main sur ses yeux, les frotta, croyant être l’objet d’une hallucination.
— Qu’y a-t-il ? lui demandait Maxime qui essayait d’escalader à son tour.
— Nixon… Tout simplement Nixon qui arrive… Mais il n’est pas seul. Il y en a d’autres… D’autres Nixon… J’ai l’impression que ce camion fantastique les fabrique à la chaîne… Il y a même un Nixon en jupe…
Il éclata de rire en reconnaissant les vêtements de Cesca Pepini. A côté d’elle, c’était certainement Arturo Benesi. D’ailleurs son odorat ne le détrompait pas. Il y avait une odeur d’ail et de tomate dans la légère brise qui soufflait. Autosuggestion certainement.
— Ça va aller, dit-il en redescendant. Il y a une vingtaine de Nixon armés de barre de fer et de manches de pioches… Les Dynamiciens n’oseront pas leur tirer dessus… Peut-être que si H.H. ne roupillait pas il oserait commander un carnage, mais sans mauvais prophète, il n’y a plus que de pauvres types qui vont finir par sortir de ce mauvais cauchemar avec des mines contrites de bons apôtres… Les salauds !…
Le Nixon femelle approchait du bord de l’eau, s’arrêtait près de H.H. allongé sur le dos, le retournait du bout du pied, avec, malgré le masque de carnaval, une attitude de dégoût perceptible. Kovask agita la main.
— On va vous sortir de là, lança la Mamma. Tout va bien ?
— Pas tout à fait, répondit le Commander, on vous expliquera.
Il se demandait si le cadavre de Benito Rosario, le témoignage spontané de Carel, celui plus ou moins réticent de Clara Mussan seraient suffisants pour permettre à la commission Maroni de faire mettre le Dynamic Club en accusation. Il y avait aussi H.H. à leur disposition. Lorsqu’il sortirait de son sommeil, il faudrait lui poser des conditions draconiennes pour qu’il accepte de déposer sous serment.
— Si les alligators nous le permettent, nous pourrions traverser dans l’autre sens, proposa-t-il à ses deux compagnons d’infortune.