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Je récupère les différents éléments de la machine infernale et vais tambouriner à la porte bérurière.

Le Mammouth met un bon moment à se débrumer. Pendant qu’il s’arrache aux rets de la dorme, je file un nouveau taquet sur le cervelet du dynamiteur. Belle Pomme survient enfin, déguisé en baril de pétrole, son interminable bec verseur heurtant ses genoux.

— Caisse y t’arrive ? s’enquiert l’Homme-au-gros-moignon.

— Fringue-toi d’urgence et viens m’aider ! réponds-je en lui désignant le pégreleux inerte.

Il passe sa hure dans le couloir, voit, renifle, pète, se fourbit les burnes, rote, renifle, repète, soupire et déclare sobrement :

— Je licebroque et j’arrive, mec !

CAPITULO DIECISIETE

De la bricole.

Chiante.

Y a fallu coltiner mon dynamiteur au sous-sol, en prenant l’ascenseur servicial. Une fois dans le garage, chouraver une tire : l’embarras du choix. On s’est offert une Range verte immatriculée en Argentine. Simple emprunt. Ne nous la fallait pas très longtemps. Seulement s’évacuer en un lieu peinard.

On a trouvé notre affaire dans l’arrière-pays, en prenant la route de Minas. Un chemin de terre s’est présenté, qui nous a menés dans une contrée verdoyante mais déserte. Des pâtures moutonnaient à perte d’ovule. On a avisé une sorte de hangar à bestiaux démantelé, sur la droite. Ça nous convenait idéal. Le toit affaissé laissait passer une lune de carnaval, bien suffisante pour éclairer la remise.

Une fois dedans, on a fait asseoir notre prisonnier sur le siège rouillé d’un reliquat de moissonneuse. Il avait les mains dans le dos. J’ai ôté un bracelet de son cabriolet à deux places, le lui ai fixé à nouveau après l’avoir passé autour de la tige de sa chaise flexible.

Il n’en menait pas large. C’était un type assez jeune : la trentaine, peau mate, poils durs, regard sombre et sournois. Des cicatrices barraient ses joues. Ce gazier avait joué du lingue plus souvent qu’à son tour. Il s’efforçait au calme, mais on le sentait préoccupé. Les taquets dont je l’avais criblé, dirait le Donjon, bleuissaient déjà.

M’étant muni de son petit matériel de dynamiteur, j’ai placé la charge de plastic sous ses miches après avoir réglé le détonateur.

Nous ne mouftions pas. Certes, Béru craquait des louises, mais il s’agit là d’une conversation unilatérale des plus sommaires.

Lorsque mon petit théâtre de verdure a été au point, j’ai expliqué à ce visiteur nocturne que l’unique manière dont il disposait pour préserver ses génitoires, était de répondre docilement à mes questions. Que s’il s’y refusait ou bien s’il nous mentait, son trou du cru allait devenir aussi vaste que l’entrée du tunnel sous la Manche. Que s’il ne jouait pas le jeu au cordeau, ce serait une aubaine pour les croque-morts du patelin. Tout ça…

Il m’écoutait en s’efforçant à l’impassibilité, mais son bénouze sentait la merde et ses dents, à son insu, produisaient un bruit de scie à métaux en action.

— D’accord ? lui ai-je demandé.

Il a acquiescé.

J’ai répété malgré tout :

— D’accord ???

— Faut que j’interviende ? s’est enquis mon valet de gnons.

Mais le mec a dit : « Si » et, du geste, j’ai endigué le Typhon. Docile, il a desserré ses poings.

— Qui es-tu ?

— Alonzo Troquez.

— Métier ?

Ma question lui a paru saugrenue car il est resté un moment silencieux avant de hausser les épaules :

— Pas de métier.

— Quelqu’un t’a chargé de mettre ce plastic dans ma chambre ?

— Si, señor.

— Oui ?

— Le lieutenant Ramirez.

— Quand ?

— Hier soir.

— C’est lui qui t’a fourni le matériel ?

— Non.

— Tu « travailles » pour lui ?

— Quelquefois.

— Qu’est-ce y dit ? s’inquiète le Furibard.

Je lui rapporte la brève confession du malfrat.

Mon pote déclare :

— N’au plus j’en apprends su’ c’ flic pourri, n’au plus j’ trouve qu’ sa bergeronnette a eu raison d’y défoncer l’ capot.

Un court instant j’évoque la lascive Maria del Carmen. J’espère qu’elle a pu se carapater, la chérie. Marrant qu’on soit tombés sur deux superchampionnes de la baisance, le Gros et moi. De vraies épées dans leur genre, l’Anglaise et l’Uruguayenne. Fumelles for ever !

Je fais signe à mon éminent collaborateur de me suivre au-dehors : l’espagnol et le français sont des langues latines faciles à saisir quand on prête attention, je préfère qu’Alonzo n’entende pas ce que j’ai à dire.

— Ce connard me pose problème, déclaré-je, une fois sortis de la grange.

— Vouaille, maille dire ? demande mon Sancho Pança dans ce qu’il pense être la langue de Shakespeare.

— Si je le libère, il va courir à la recherche de son « commanditaire », le sale Ramirez, décédé en secret.

— Y l’ trouverera pas ! prophétise mon compère avec un bon rire d’honnête citoyen.

— Si, comme je l’espère, les autorités concluent que ce vilain mec de lieutenant est impliqué dans l’attentat contre le président, ils cuisineront notre glandeur ; celui-ci s’affalera et on aura une fois encore les draupers sur les endosses. Franchement, son retour à la vie civile, je le sens pas.

— Tu veux que j’y craque les cervicales ? propose obligeamment Alexandre-Benoît pour qui nécessité fait loi.

— Dis, Gros, nous ne sommes pas une entreprise de dératisation !

— T’es marrant, Sana. Tu veux ni faire ni laisser faire !

Il dévide sa trompe pour une nouvelle miction nocturne, assortie des bruits que tu sais.

Puis :

— C’t’ masure est à l’écart de tout : y a qu’à l’abandonner ici, bien ligoté et muselé. Y peuv’ tiendre des jours sans briffer ni écluser. Quand on aura les pieds au sec, tu turluteras aux pandores, leur espliquer qu’il est laguche !

— Dans le fond…

— C’est la deuxième soluce, affirme Alexandre-Benoît, y en a plus d’aut’. Maint’nant tu choises !

— C’est vendu !

* * *

Une plombe plus tard, nous sommes de retour à l’hôtel. La Range a retrouvé le parkinge et nous nos litières.

Vaincue par les débordements amoureux de son partenaire, Pamela gît en louve de fusil dans la couche du Gros, pleine d’odeurs légères.

Il m’est duraille de retrouver le sommeil après un tel intermède nocturne. Alors, que veux-tu, je cogite. C’est notre malédiction, à nous autres, intellectuels de haut niveau. Toujours ces idées grouillantes qui s’acharnent sur notre cerveau et le mettent en pièces. Ah ! être vraiment stupide pendant une heure pour laisser refroidir sa boîte à pensées !

Une petite voix me susurre des trucs. Elle dit : « Qu’attends-tu pour te tailler de ce bled, bougre de grand glandeur ? Tu sens pas qu’il va vous choir la grosse couillance sur les endosses d’une minute à l’autre ? T’as un cadavre de perdreau supérieur quelques mètres sous toi ; tu viens de neutraliser un voyou que le premier paysan venu va délivrer et l’Infect vous fera porter un bada plus large qu’un chapeau de gaucho ! Vous avez été inquiétés pour l’assassinat de Kurt Vogel et ce n’est qu’en faisant pression sur Ramirez que vous vous en êtes tirés, seulement Ramirez est clamsé ! Mais, putain de bois, cassez-vous, mes gueux, pendant que vous en avez la possibilité ! Quand le vent tournera, on vous accusera de tout, y compris d’avoir attenté à la vie du président ! Ton attitude est suicidaire, grand. D’autant que demeurer ici ne rime plus à rien puisque l’homme que les Rosbifs vous ont demandé de retrouver est viande froide ! »