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Pourtant, c’est ici qu’il est venu planquer sa viande. Pas si bien que cela, d’ailleurs, puisque sa retraite « mystérieuse » constituait un secret de Polichinelle. Les flics la connaissaient, partant, les Rosbifs, et d’autres gens encore, je devine.

Tout ça n’est pas blanc-bleu. Et même c’est couleur gadoue, pour te donner le fond de ma pensée.

Je réfléchis comme une miroiterie. Par instants, j’ai des picotis dans le bulbe. Y a des projets de « flashes » dans ma tronche, des clartés zébrantes hachent la nuit de mon sub. Il me semble que je suis au seuil d’une découverte. Je reconnais les symptômes ! Ça me glatouille sous les vestibules et j’ai besoin de licebroquer. Faut considérer la chose par le bon bout. La dépecer habilement.

La nuit du meurtre, pendant que j’examinais la chambre, le biniou a sonné. J’ai répondu et c’était une voix de femme qui demandait après Vogel. Donc, celui-ci fréquentait du monde, à Montevideo. Une rencontre de bar qui lui essorait l’intime les jours de « trop-de-sève » ? Pourtant je me dis qu’il s’agissait d’une personne plus cultivée que ne l’est généralement une habituée des boîtes nocturnes. Mais là, j’extrapole, me fais du ciné d’art et d’essai. Toujours sont-ce[6] que le semeur de bombes connaissait quelqu’un dans cette ville.

Mais attends ! Oh ! yes, putain d’Adèle : attends ! M’arrive une very good idée par chrono-gamberge. S’il recevait des coups de turlu, il en donnait sans doute.

Je quitte mon siège pour foncer sur le bureau dont je me mets à explorer les tiroirs.

N’avait pas encore d’habitudes très ancrées, le gars Kurt. Ça se constate aux factures relatives à la casa : électrac, mazout, bigophone. En homme peu accoutumé à l’ordre, il les foutait en vrac dans un dossier de carton fermant avec un élastique.

J’empare celles du téléphone. Nonobstant l’abonnement, les communications ne le ruinaient pas. Pourtant, sur les différents relevés des P. et T. se retrouvent des taxes pour Dayman, patelin dont je n’avais jamais plus entendu parler depuis la révocation de l’édit de Nantes, le 18 octobre 1685.

Alors, à cet instant, une sorte de somptueuse félicité descend en moi jusqu’à mes aumônières incluses. Mon âme est rafraîchie par le souffle de la victoire.

Je quitte cette maison en adressant, en morse, une prière de reconnaissance au Seigneur dont la mansuétude à mon endroit est tellement infinie que j’en biche le tournis.

CAPITULO DIECINUEVE

La presse consacre presque toutes ses pages à l’attentat manqué contre le président Gomenolez. Photos sensationnelles : l’auto à l’avant complètement disloqué par l’explosion, le cadavre déchiqueté du chauffeur, la bouille escagassée de l’homme d’État… Un bol terrible qu’il a eu, le Premier des Uruguayens. Figure-toive qu’il venait de faire tomber un dossier quand la bombe a éclaté. C’est au moment qu’il se baissait pour le ramasser que tout a pété. Le cadavre du driver et la banquette avant l’ont protégé. Merci à son ange gardien ; faut surtout pas qu’il en change !

Aujourd’hui, le Gomenolez passe pour un miraculé de frais. Ses adversaires doivent se griffer les roustons ! Quand tu rates ton coup, il se produit un élan de sympathie irrésistible. L’épargné semble protégé des dieux, tu understandes ? Invulnérable ! Donc homme tout-puissant, estampillé par la Providence !

— J’en ai quine ! déclare brutalement le Ronchon. Qu’est-c’est c’ t’ façon d’ s’ déplacer pédérastement, tout d’un coup ?

— Bon, bon, fais-je, puisque tu veux être voituré, nous allons l’être !

Délibérément, je me poste au milieu de la strasse, les bras en croix, histoire de stopper une auto qui, de loin, mais avec persévérance, nous suit. S’agit d’une Rover noire, matriculée C. C.

Elle pile pour ne pas risquer de tacher mon costume clair en roulant dessus.

J’adresse un beau sourire au grand escrogriffe qui la pilote et n’est autre que George, le mec qui, hier, escortait Pamela Right quand elle nous filochait.

Tu penses que je l’ai retapissé depuis un moment ! L’est aussi doué pour les filatures que moi pour pratiquer des opérations à cœur ouvert. Il pâlirait, si sa frite ne vermillonnait de façon indélébile, le sujet (à caution) de Sa Majesté variqueuse.

— Plutôt que de nous suivre, conduisez-nous donc, my dear ! l’interpellé-je.

Je fais signe au Gradu de me rejoindre et, sans la plus légère vergogne, nous prenons place dans le véhicule (en anglais : vehicle).

L’homme, pris en flagrant délire, ne moufte pas.

— Jetez-nous dans le centre, lui dis-je, ce sera parfait.

Tandis qu’il pilote, j’avise, dans le compartiment fourre-tout de ma portière, un guide du pays.

— Je peux ? demandé-je sans attendre la réponse.

Je me positionne en biais, de manière à ce qu’il ne puisse voir ce que je cherche, et fais frissonner les feuillets du bouquin jusqu’à la lettre D. Le bled qui m’intéresse se propose illico à ma curiosité : « Dayman ». La notice qui lui est consacrée m’apprend qu’il est situé très près de Salto, le centre urbain le plus peuplé du nord de l’Uruguay, et réputé pour ses sources thermales aux propriétés multiples et bienfaisantes à en pisser dans son froc.

Informé, je remets le guide dans le vide-fouilles.

— Voyez-vous, cher George, murmuré-je, la chiasse verte, avec les Britiches, c’est que vous êtes à ce point méfiants qu’on ne peut vous faire confiance. Jusqu’à présent, notre Sainte Alliance, proposée par vous-même, prend de la gîte. Non seulement chacun ignore les intentions de l’autre, mais s’efforce de travailler pour son propre compte. Il est difficile, dans ces conditions, de faire progresser le schmilblick. Dites au bon Raidcomebar qu’on devrait peut-être tenter de raccorder nos cornemuses. Quant à vous, je vous préviens : la prochaine fois que je vous chope à nous suivre, je ne vous prendrai plus comme chauffeur, mais comme punching-ball. O.K. ? Maintenant laissez-nous au feu rouge que je vois mûrir là-bas.

On le quitte.

Regarde disparaître sa tire dans le flot de la circulation.

— Suis-moi ! enjoins-je à mon éminent compagnon.

— C’est loin ?

Je lui montre un vaste bâtiment neuf et triste, au fond de l’avenue : la gare.

— On va prendre un dur, tu pourras roupiller.

— Si tu verrerais un’ pharmacie, chuchote-t-il, j’achètererais volontiers une pommade adoucissante, rapport à ma pauv’ bitoune qui m’ cuit d’avoir trop s’ringué la Pamela. L’a beau s’élargegir du goulot, la pauvrette, sa foufoune c’est pas encore les voies sur berges !

Le Cher Seigneur reste avec nous puisqu’Il nous propose tour à tour, et dans les meilleurs délais, une officine et un train pour Salto.

* * *

Nous prîmes des premières classe, aux frais exclusifs de la Couronne Britannouille qui n’en est pas à ça près. Nos seules voisines de voyage furent deux religieuses de l’ordre de la Sainte-Glandouille ralliant quelque couvent. L’une était âgée, l’autre jeune. Sitôt que le train s’ébranla, elles s’abîmèrent toutes deux dans le même livre de prières, histoire de baliser leur future vie éternelle. Cette édifiante lecture endormit promptement la vieille. La sainte femme se prit à ronfler en espagnol en produisant des sonorités n’évoquant rien de paradisiaque. La jeune novice en fut gênée et nous adressa un sourire qui quémandait notre indulgence. Nous lui répondîmes par un autre, signifiant que nous l’accordions de grand cœur.

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6

Béru dixit.