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Question incontournable, qui me perplexite, bien que je l’eusse provoquée. Réflexion rapidement faite, ma conduite consiste à lâcher du lest, mais pas trop :

— Ramirez est mort !

Là, il n’est pas seul à tiquer, ses assistants exclamationnent à qui mieux mieux en roulant des lotos propices à une énucléation collective[12].

— De quoi est-il mort ?

— Les gens qui ont organisé l’attentat contre le président l’ont assassiné.

— Il était au courant de ce qu’il se préparait ?

— Il venait de découvrir le complot, mais n’a pas eu le temps d’intervenir.

— Comment le savez-vous ?

— Je l’ai appris des Britanniques !

Et allez donc ! Pourquoi ne les mouillerais-je pas un chouïe, ces Rosbifs pleins de morgue ? Après tout, ils m’ont attiré dans ce guêpier.

— Ce sont eux qui ont commandité la chose ?

— Je l’ignore.

Il a un élan de rage que mon jardinier portugais qualifierait d’incoercible. Il se précipite sur moi et noue ses grosses mains à mon cou tout en me flanquant des coups de genou dans les pendeloques à noyaux. C’est si rapide, si violent, il y met une force si grande qu’en moins de jouge me voici défailleur. En complète asphyxie.

Je tente de le refouler, mais ce fumelard est fort comme dix toros de combat.

— Arrêtez ! fait la femme en tirant sur la manche du flic pourri.

Durant quelques instants, Medialunas ne relâche pas sa pression. Tout se brouille dans mon bulbe. Mes idées gélatinent, j’ai la flamme d’une lampe à souder en guise de glotte. Et puis je dérouille un dernier coup de rotule là où les dames aiment tant à me caresser et je m’écroule : le sagouin vient poser son pied sur ma poitrine, pour la photo du vainqueur, probably ? Il se croit Raimu dans Tartarin de Tarascon, ce gros dégueu !

À présent, sûr de soi, il enjoint à ses hommes de m’étouffer.

Faut reconnaître qu’il a du personnel complaisant, car le dénommé Alonzo Troquez se présente fougueusement en qualité de volontaire d’élite. Il prend un oreiller sur le lit que j’occupais et le plaque sur ma figure pourtant tellement digne d’intérêt. D’une soubresauterie désespérée, je le désarçonne. Rendu furieux because Medialunas le traite de crétino, ce louche subalterne veut me mettre sa grolle dans le faciès. J’ai le bonheur de pouvoir saisir son paturon au vol, le lui tords si sèchement que ça se déboîte dans ses osselets et qu’il pousse des cris de cantonnier dont la moitié inférieure du corps est engagée sous le cylindre d’un rouleau compresseur.

Mon obstruction caractérisée rend Medialunas complètement enragé. Ses deux autres niaques bondissent pour rescoussir. Le premier prend un shoot carabiné dans les joyaux de la couronne. Il démange son dernier repas en appelant à grands cris d’Indien son cousin Hugues. Douché, le deuxième devient circonspect. J’en profite pour me remettre droit d’un magnifique rétablissement. J’empoigne alors une chaise et l’assène sur le physique ingrat de mon tourmenteur.

À cet instant, une douleur me fulgure à la cuisse gauche : le péone vient d’y enfoncer son ya ! Le courage du valeureux Sanantonio ridiculiserait Bayard, mon compatriote, lequel avait pourtant un courage-étalon que tu peux aller admirer au Pavillon de Breteuil. J’arrache la lame de ma chair et la plonge toute chaude et sanguinolente dans le burlingue de ce salaud, lequel se met à faire des bulles irisées dans le soleil qui envahit la pièce.

— Tu es donc le diable ! tonne le chef inspecteur en dégainant un crématorium de poche de son holster.

Il le brandit, ivre de fureur.

Une terrifique détonation retentit.

Et cela fait comme dans les films ricains, si palpitants. C’est l’inspecteur-chef qui fait une cabriole arrière et s’abat telle la reine de (Saba). Poum ! Muerte ! Un pruneau dans le cassis, presque entre les châsses. Décidément, on joue « Sale temps pour les flics », dans ce pays !

À travers un nuage qui pue la poudre, j’aperçois une silhouette qui ne m’est point inconnue, en survient une seconde également identifiable, puis une autre encore carrément familière, celle-là.

— C’est pas qu’ j’ voudrasse me vanter, fait-elle, mais j’croive qu’on arrive n’à point !

— Béru ! proféré-je avec onction, émotion, reconnaissance et tout ce qu’il te plaira d’ajouter de positif.

— N’était moins une, hé ?

J’ai le cœur chaviré de gratitude et je sens croître mon anglophilie en découvrant sir Raidcomebar et George son auxiliaire (qui est pour moi, l’auxiliaire « être », car sans son intervenance, hein ?).

Mon élan du cœur m’inciterait à presser ces deux mannequins contre moi pour les remercier, mais leurs bouilles en coin de King’s Road me stratifient les élans de l’âme. Un Anglais, il a beau te sauver la vie, t’as pas le courage de lui donner des bisous mouillés pour autant. Y a empêchement.

Ainsi moi, si j’étais un homo-qui-lave-plus-blanc, jamais je pourrais enfiler un Rosbif, fût-il aussi séduisant que le prince Charly avec ses éventails d’éléphant, son nez en épine dorsale de bique calabraise et son pauvre regard en gouttes de foutre, qui exprime si magistralement l’ennui, la détresse du constipé chronique et l’inappétance pour les fonctions qui seront peut-être les siennes un jour. Ce pauvre biquet a toujours l’air de mettre à jour sa collection de timbres dans les courants d’air de son château écossais. Je me rappelle une interview de lui, réalisée dans son potager. La seule fois où je l’ai entendu causer distinctement, c’était lorsqu’il donnait la recette pour « ramer » les petits pois. À lire sa passion sur sa frime de tapir grippé, on en venait à lui souhaiter de faire carrière chez les prestigieuses conserves Hero.

Tu vas me reprocher de trop parler de ce granc[13] inutile dans un livre presque uniquement voué à l’action ? Sache, ami, que j’ai besoin de laisser « respirer » ce bouquin pour la salubrité de mon texte, voilà pourquoi je crée la détente avec des digressions sur les vents de Bérurier ou des évocations de M. Galles préparant son règne devant des papillonacées sur tuteurs.

Cet élan de vigoureuse reconnaissance passé, je lance le cri d’un chef sioux qui n’a pas reçu son cachet de la Metrogoldwin Durand.

— Quoive ? bavochent ces deux quintaux d’amitié qui ont nom Bérurier.

— La fille ! crié-je à porte-voix. Elle a filé !

Mon presque homologue britannouille de mes chères niques émet un juron guère usité en Grande-Bretagne depuis le camp du Drap d’Or qui tant fit chier cette grosse gonfle d’Henri VIII.

— George ! lance-t-il, il faut la récupérer coûte que coûte !

Le grand à tronche de paf mollet se précipite, suivi de Béru.

— Vous êtes blessé, my dear ! qu’il me dit, sir Machin.

Crois-moi ou va te faire décaper l’oigne au rince-bouteille électronique, mais j’avais oublié le coup de lingue du méchant. Fectivement, mon « bioutifoul » grimpant crème comporte une longue entaille par laquelle mon raisin gicle. Franchement, c’est dommage de voir se perdre un sang de cette qualité.

— Baissez votre pantalon, San-Antonio, je vais vous panser.

— Avec quoi, my dear ?

— Je trouverai ! promet-il en quittant la pièce.

En son absence, je considère notre tableau de chasse. L’homme à la rotule fanée vient de dégainer un riboustin plus mahousse que ceux dont se servent les tapissiers pour agrafer du tissu contre les murs. Rendu furax par cette persistance nocive, et malgré ma blessure, je lui shoote la mâchoire avec tant d’énergie que son tiroir du bas vole en éclats, ce qui le fait ressembler à une commode de brocanteur.

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12

Afflelou vous l’offre.

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13

Granc : diminutif affectueux que San-Antonio donne à des gens célèbres qui lui tiennent particulièrement à cœur et qui est un raccourci de « grand con ».