Выбрать главу

— On rêve ou si c’est du cinoche en plein air ? questionne le Mahousse qui m’a rejoint.

— Ce sont des renforts, expliqué-je en voyant sortir une centaine d’hommes, armés de mortiers et de mitraillettes, du ventre de l’appareil. Sans doute la direction du pénitencier a-t-elle pris peur devant l’ampleur de la mutinerie.

— Probable que nos copains se débrouillent bien, dit le Gros. Ils ont dû piquer des armes aux gardiens neutralisés…

La petite troupe armée se met à courir au pas cadencé en direction des bâtiments.

Bérurier me pousse du coude.

— Dis donc, soupire-t-il d’un ton extatique.

— Oui, Gros, fais-je, je suis tout à fait de ton avis.

— C’est marrant comment qu’on se comprend sans causer !

Le pilote est resté à bord de l’hélicoptère et un homme armé d’une mitraillette monte la faction devant la porte de celui-ci.

— Votre avis, docteur ?

Je me gratte le nez.

— Il faut neutraliser le factionnaire, décidé-je.

Le Gravos désigne la pétoire à ressort.

— Je lui cause du paradis avec mon téléphone à dragées ?

— C’est cela, pour donner l’alarme au pilote et au reste de la troupe !

— Alors ?

— Bouge pas, je vais sortir. Tu vois ce rocher à gauche ?

— Yes, monsieur ?

— Je vais aller me planquer derrière en rampant. Lorsque je me serai planqué, tu éclaireras les phares de la chenillette.

— Et alors ?

— Probable que ce halo lumineux attirera l’attention du veilleur. Ne fais pas un bruit, cache-toi derrière la brouette et attends.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Je repte jusqu’au rocher. Le temps de compter jusqu’à dix et Béru allume les calbombes. C’est féerique comme effet. La grotte de Lourdes, mes bien chers frères !

En pleine apparition ! Le garde mate aussi sec dans cette direction et se fige. On n’entend que la pétarade en provenance du pénitencier. L’homme hésite, fait un pas vers l’ouverture de la grotte, le doigt sur la détente de la seringue. Il s’arrête, écoute, se pose visiblement trente-six questions auxquelles il est incapable de répondre. Il aimerait savoir. Alors il lance un cri qui doit signifier quelque chose dans le genre de « halte-là ». Rien ! Il s’enhardit. Il marche jusqu’à l’entrée de la caverne. Le voici à la hauteur du rocher. Je le laisse prendre deux mètres d’avance et je bondis de ma cachette. Les Chinois ont l’oreille fine. À mon premier pas dans la rocaille il fait volte-face, mais un Sant-Antonio qui s’élance, c’est comme un barrage crevé : faut qu’il impétue jusqu’à son estuaire.

Un dix millionième de seconde avant qu’il presse la détente je lui mets ma boule dans sa boîte à dominos. Il en graviole quatre ou cinq et lâche son arme.

Je le finis d’un une-deux à la face qui lui fait éternuer ses souvenirs d’enfance en même temps que quatre molaires non cariées. Il est groggy jusqu’au coma. Quand il retrouvera ses esprits il mettra un bon moment avant de pouvoir réciter sa table de multiplication par neuf, je vous le prédis.

— Ohé, Béru ! hélé-je.

Le pachyderme sort de sa caverne préhistorique et file un coup d’œil blasé au gisant.

— Bien, approuve-t-il avec un soupçon de jalousie. Tu l’as rectifié au pain complet, ma parole !

Je ramasse la mitraillette du zig. Nach l’hélicoptère maintenant. À mesure que nous nous en approchons, nous sommes frappés par les dimensions de l’appareil.

— À Issy-les-Moulineaux ils n’ont pas le même, affirme Béru.

— Surtout, dis-je, pas d’emballement, si le pilote joue les héros ne lui tire pas dessus car on va avoir grand besoin de ses services.

Pour l’instant, l’homme est à son poste de pilotage, occupé semble-t-il à régler son bafouilleur à bain d’huile de lin.

J’escalade l’escalier pliant et me plante dans l’allée centrale du coucou, la mitraillette en batterie.

— Hé alors, bébé rose, dis-je, on joue au meccano ?

Pour user d’une expression fort éculée (vous en êtes un autre), il tressaille comme si une mouche l’avait piqué.

Ma bouille hâve et pas rasée, mes yeux brillant de volonté et d’intelligence[15] lui indiquent aussitôt qu’il n’a pas affaire à une mazette. J’ai ce petit mouvement de mitraillette, mis au point par Hollywood, qui rappelle les hommes à la prudence. Un léger petit soubresaut de l’arme et ils font dare-dare un retour sur eux-mêmes, réalisant en bloc : que la vie est courte, qu’elle est précaire et qu’ils n’en possèdent qu’une.

Mon pilote n’est pas du style « torpille humaine » car il lève ses bras sans insister.

— Regarde s’il est armé ! ordonné-je au Gros.

La Béruche fouille l’hélicoptères et prélève un gros revolver fortement culassé.

— Et voilà, Môssieur est à poil ! annonce l’Obèse.

— Tiens-le en respect !

Je suis le grand patron autour du bloc opératoire. Bérurier redevient le docile enfant de chœur, videur de burettes et balanceur d’encensoir. Il appuie le canon de sa soufflante dans le dossard du pilote. Ayant retrouvé l’usage de mes deux mains, je farfouille dans le poste de pilotage et je finis par dénicher ce que je cherche, à savoir une carte de la région. Je la parcours simultanément de l’index et des yeux, ce qui n’est incompatible ni avec ma religion, ni avec mes opinions politiques.

— Si elle est écrite en chinetoque, ricane le Dodu, t’as intérêt à téléphoner à S.V.P.

Elle est rédigée en caractères d’imprimerie normaux et je découvre, blottie dans une boucle de la rivière Pseudo Avékomo, la petite ville de Fou Zi Toû. Effectivement elle n’est pas très éloignée des rizières du Poû Lo Pô. Je place mon doigt sur la carte à l’endroit marqué Fou Zi Toû, puis, ayant montré ce point stratégique au pilote, je lui désigne son siège de pilote.

Il feint de ne pas comprendre, ce qui énerve Bérurier.

— Pas la peine de vouloir gagner du temps, La Joie, lui vocifère-t-il sous les narines. Démarre en vitesse, sinon je te fais prendre une altitude que t’as encore jamais atteinte !

Et comme le garçon ne bronche toujours pas, Béru, d’un geste impatienté, lui arrache une oreille et d’un autre, à peine plus mesuré, l’envoie dinguer dans son fauteuil.

Il applique alors le revolver sur la tempe du pilote et ouvre largement sa main gauche. Il compte à rebours, fermant un doigt à chaque chiffre énoncé.

— Cinq ! Quatre ! Trois !…

À deux il vrille rageusement le canon du pétard dans le crâne de l’obstiné.

— Deux… et un !

En guise de réponse, l’autre tire sur la manette des gaz.

— Va remonter le marchepied ! commandé-je en m’asseyant sur le siège voisin.

Béru gagne la porte.

— Attendez ! Partez pas tout de suite ! s’égosille-t-il.

— Que se passe-t-il ?

— V’là l’invité d’honneur de la semaine !

Une masse sombre saute dans l’appareil avec un bêlement exténué.

C’est notre ami Cyprien le bélier qui vient à nouveau de retrouver son cher Bérurier.

CHAPITRE QUATORZE

Quand on est San-Antonio, faut savoir tout faire. Sinon il vaut mieux se chercher une place d’encaustiqueur de passages cloutés et pas faire tarter le public avec des histoires à la mords-moi le neutron !

вернуться

15

Si j’en cause pas, qui donc s’en chargera ?

S.A.