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Je lui montre la voiture.

Lui crie en : allemand, anglais, italien, espagnol, patois dauphinois, espéranto, finnois « la clé ! » LA CLEEEEEE ! Mais elle se tapote les meules, m’expliquer qu’elle est restée dans son falzar, cette conne connasse !

Malédiction ! Je continue de tracer derrière Béru, et la grosse barrique me court après.

Et l’auto achève de survenir. Stoppe à l’hauteur d’Ivana qui filait à sa rencontre.

— Pssst ! fait Mister Gradube.

Il vient d’ouvrir une petite porte d’un coup d’épaule. S’introduit dans un vaste bâtiment tout en longueur.

J’en fais de même.

Puis la grosse !

Du Dubout grande époque !

* * *

Une âcre odeur de lait suri me prend à la gorge et au nez.

Par les parties vitrées courant le long du toit, j’avise de gigantesques chaudrons de cuivre dans lesquels tu pourrais faire tenir un pavillon de banlieue avec ses quinze occupants et leur R 5.

Combien de chaudrons ? Quatre ? Cinq ? Davantage.

De petites échelles sont appuyées contre chacun d’eux. On est sous le signe de l’échelle, cette nuit, décidément.

— Allez, viens, gars ! hurle Bérurier, en gravissant les degrés accédant au second chaudron. Merde, que voyé-je ! La Grosse qui nous file le dur ; elle va nous faire repérer, c’te grosse vache ! Fous-y des coups de pieds dans le ventre, qu’elle se taille !

Malgré la judiciosité du conseil, je ne le mets point à profit, par galanterie d’abord, et surtout parce que je n’en ai pas le temps.

Hop ! Dans le chaudron !

Glaoup glaoup ! Il est à demi empli de yogourt (goût bulgare). J’en ai jusqu’au menton. C’est froid, velouté, insinueux, insidieux, chatouilleur, sédatif.

Ça vous investit de tout bord. Ça faufile. Ça pénètre suavement.

Un gros chplaouf. La rombière qui vient nous rejoindre ! Qu’est-ce qui lui prend, à la taxiwoman, de partager notre sort alors que rien ne l’y contraint ? Pourquoi vient-elle prendre son bain de yaourt, la femme sans cou ? Par passion spontanée pour le Gravos ? Elle me fait songer à ce bélier qui s’était attaché à ses pas, obstinément, dans « Tango Chinetoque » et qui ne le quittait plus, où qu’il allât lahilahitou. T’as des êtres primitifs qui ont besoin de s’offrir totalement à d’autres qui les dominent, et qui sont fanatisés par eux, devenant leur ombre docile.

Bon, ainsi nous sommes tous les trois dans l’un des gigantesques chaudrons où se fabrique le délicieux yogourt bulgare qui fait les centenaires prétend-on (à la prétentaine).

Maintenant, ne reste plus qu’à attendre. A prier notre ange gardien de ne pas s’absenter jusqu’à nouvel ordre.

— S’ils vont viendre, faut qu’on va plonger dans le yaourt, chuchote Béru. Dis-y à ma gosse. Un grand coup d’respirance dès qu’on les entend grimper à l’échelle et on se laisse couler dans la vas’line. Esplique-lu, Mec, dans la langu’qu’tu pourras.

Je m’emploie à la chose, usant pour cela des différents patois européens que je parle ou écorche. La mère Dondaine paraît avoir compris, car elle murmure des « ja ja mein Herr » qui me laissent espérer.

Et bon, tout s’opère comme défini par le Mammouth. On entend cavalcader, dehors. Des cris, des appels, comme naguère à l’usine. Cliquetis. Ordres gutturaux (puisque policiers ou militaires).

Des mecs finissent par se pointer dans le local que soudainement, les calbombes s’éclairent en grand, nous prenant au tu sais quoi ? Dépourvu.

On cille. On se défrite. Nos bouilles à peine émergées de cette onctuosité blanche, un spectacle unique au world ! Tu peux pas croire, Béru et sa conquête, leurs hures crémeuses posées à la surface du yogourt onctueux ! Un rêve ! Pas un cauchemar, quelque chose d’assez plaisant au contraire un peu onirique sur les bords, mais joyce avant tout.

Ce qu’on redoutait s’opère. L’échelle métallique vibre. Un gonzier grimpe. Et des potes à lui escaladent les autres échelles en même temps. Bottes sur barreau de fer dans cette nef, ça fait un boucan du tonnerre de Zeus. Le vacarme soudard. Achtung ! Gestape ! Nous autres, gentils tritons, une grande goulée d’air, et flouiiiit, à moi le Cousteau des Epinettes ! La plonge. J’espère qu’on ne va pas trop faire de bulles.

Faut croire que non, puisque le mec qui gravit redescend immédiatement. Il a passé son œil. N’a rien vu. Bye bye ! Je réhasarde mon faciès de don Juan à la surface. Nobody ! Je respire doucement.

Les allées-venues continuent. Et puis s’en vont plus loin. La lumière s’éteint. La rumeur s’éloigne.

— Ils ont mis les adjas ? demande Bérurier à voix basse.

— Il semblerait, mais ne nous pressons pas de sortir.

Le Gravos maugrée.

— J’sais pas comment t’est-ce j’m’y ai pris, magine-toi qu’j’ai paumé mon râtlier. Va falloir qu’je le trouve, bordel ! J’peux pas m’en t’nir, cette saleté-là ; reusement qu’j’ai un copain qui m’en fabrique en série : un ancien horloger très bricoleur…

— Dans l’immédiat, tu devrais pouvoir t’en passer, objecté-je.

Néanmoins, je l’entends qui clapote. Mais ses tentatives restent infructueuses. Résigné, il revient à sa séductrice.

— T’as bu la tasse, hein, ma p’tite reine ? Quoi qu’le yogourt, c’est ton élément naturel, toi, pour ainsi dire, non ? Tu claques des chailles ? T’as d’la chance. C’t’un lusc qu’j’peux plus me permett’avec mes ratiches qu’ont choisi la liberté. Mais t’as ton gros cul tout glacé, ma pauvrette. Qu’on dirait une esquimaude qu’attendrait l’dégel su’sa banquise. Viens qu’j’te réchauffe, ma jolie ! Dis voir, c’est pou’l’coup qu’t’as plus d’souci à t’faire question d’l’entrée d’mon gladiateur dans ton mignon circus. Le yogourt, c’est mieux qu’d’la vas’line, hein, chérie ? Surtout qu’ là, on pleure pas la came. Tu veux qu’j’t’embroque dans l’velours, ma gazelle ? On va profiter d’c’t’embellie pisqu’on a du temps d’vant soye. Tiens, je te vas tringler à la Ferdinand l’taureau. Si tu voudras just’me brandir un peu tes miches, belle colombe ! Là, un peu plus qu’j’te fasse l’coup du facteur et d’la lavandière. La feurste fois que je vas limer sur un nuage ! On se croirait au Paradis ! Putain d’elle, c’t’emplâtrage d’ beurre. Qu’est-ce tu dis ? Tu pâmes ? Y a de quoi, hein, la mère ? T’as déjà connu ça, malgré qu’tu soye native d’ici qu’on a inventé le yaourt ? Non, hein ? Là, c’est du yogourt goût français. Débats-toi pas, tu vas me faire déjanter. Faut qu’tu vas m’laisser manœuvrer à mon idée, ma gosse. Sur un tandem, y en a un qui drive et l’autre qui pédale. Penche-toi plus, nom d’foutre ! Merde, attends qu’ j’t’appuille la nuque, ça t’obligera d’cambrer. Là, bravo ! Super ! La classe ! Oh, misère, ce qu’on peut s’faire reluire ! Y a que ça d’vrai. Quand j’s’rai à Pantruche, faudra qu’je vais essayer av’c ma Berthe. Tu parles d’une inition à lu faire ! Remarque, chez nous, au prix du pot d’yaourt, même qu’on s’contenterait d’remplir la baignoire, ça r’présente une sacrée mise de fond. T’vas me dire qu’ensute on peut l’bouffer, mais moi, le yaourt, c’est pas ma longueur d’ondes, et d’alieurs, ça s’conserve pas une fois ouvert. Faudrait l’revendre aux voisins, par grandes jattes. On leur f’rait des prix. J’réfléchirai au problo. Mais c’que c’est voluptueux, charogne ! Hé pourquoi qu’tu bouges plus ton moule à gaufre, ma fleurette ? T’as pris ton fade à la sournoise, sans crier Edgar ? Attends, j’y vais aussi d’ma croisière. Oh ! Oh ! là là… C’est bioutifoule ! J’m’envole ! Attends-moi, j’te rattrape, espèce d’sale vache vérolée ! Youyouille ! Arrrrrrrrr ! Bon. Fin d’section. Ça valait d’connaître, non ?