Выбрать главу

Les femmes se sont fringuées en noir, dans la mesure du possible. Les hommes portent au revers des badges que ça représente la bouille à ce pauvre Siméon ; les marmots ont des drapeaux à bandes horizontales, blanche, verte, rouge avec une espèce de petite connerie ronde dans le blanc, en haut et à gauche (naturellement). Leurs mamans les apprennent à les agiter. On trouve plein d’anciens combattants des deux guerres de la dernière (la Bulgarie ayant combattu avec l’Allemagne au début des hostilités, puis contre elle quand elle a pigé que c’était râpé pour Adolf) arborant des décorations socialistes. Tout bien, très beau, réussi.

Nous autres, on a pu dénicher un coin de grande tente avec de la paille pour dormir.

Je commence à me sentir nerveux. Demain, va falloir coûte que coûte approcher la délégation française. Mais comment, avec tout ce trèpe ? Comment, avec ces chicanes disposées le long du parcours funèbre ? Comment, avec l’énorme dispositif policier qui sera mis en place ?

Cruelles questions que seul un San-Antonio surdoué peut espérer résoudre, n’est-il pas vrai ? Je m’efforce d’expliquer à Ivana que nous devrons quitter le camp de très bonne heure, avant le lever du jour et, en tout état de cause, avant tout le monde ici.

On s’endort, dans les bras et le sexe l’un de l’autre.

ET UN CHAPITRE DE MIEUX QUI VA FAIRE DOUZE ! DOUZE, ET LE RESTE ! SURTOUT LE RESTE.

Bonne nouvelle, comme on dit sur les grands boulevards. To day, il ne pleut plus. A croire que le ciel socialiste fait une fleur à celles de Siméon Grozob. Un vent aigre a séché les drapeaux, lesquels claquent allégrement.

Tant bien que mal, notre trio s’est porté au premier rang, dans un virage qui provoquera fatalement le ralentissement du cortège. Nous sommes à l’intersection des avenues Gropopoff et Célâlute, pile contre un grand arc végétal portant en son cintre la fameuse devise : « Crzzzvad splffthrrroc danlcu », qui devint celle de la Bulgarie sous la féodalité ottomane, et qui fut reprise par Pétahouchnoc Ier le Libérateur avant de devenir celle de la Bulgarie moderne, une et industriellement agricole. L’arc que je te cause, mon bon ami à la con, est constitué par une armature métallique recouverte de branchages et de fleurs. Il est large d’un bon mètre et maintenu par des câbles. Ces détails dont tu n’as, dans un premier temps, strictement rien à branler, pas même ton humble pénis, pour que tu puisses comprendre ce qui va s’opérer dans un second temps.

Nous sommes donc acagnardés contre ledit arc, éprouvant inconsciemment de l’épaule sa solidité, quand il m’arrive une idée que je pourrais te céder moyennant une somme modique, à débattre à l’amiable.

Je me dis, sans même ouvrir les guillemets, la chose suivante : Le temps s’étant remis au beau, les voitures du cortège seront découvertes (on se découvre toujours aux enterrements). Si je parviens à me couler à l’intérieur de cet arc, à l’escalader depuis le dedans toujours, (avec toi, faut pas craindre d’insister sur l’essentiel), il me sera dès lors aisé de laisser tomber ma carte de police accompagnée d’un mot dans l’automobile réservée à la délégation française. J’enroberai le tout de feuilles pour que ce semi-projectile n’attire pas l’attention, on pourra croire qu’il s’agit d’un bout de laurier qui s’est détaché.

J’informe le Gravos de mon intention.

Il hoche son paquet de tronche, renifle pour marquer l’à quel point il étudie ce plan, secoue la base de l’arc manière d’en vérifier la résistance et déclare :

— Valab’, mon pote ; à condition qu’un’ fois dans le mitan, tu passes pas une jambe ou un bras à travers. Profite d’c’ qui fait t’encore noye pour t’glisser d’dans. J’t’ ferai écran av’c mon jupon.

— Attends que j’écrive préalablement mon billet doux. J’ai déjà préparé ce qu’il me faut.

Aussi écris-je le poulet suivant : « Le titulaire de la présente carte réclame l’assistance des autorités françaises pour pouvoir quitter sans encombre la Bulgarie où il est recherché par la police. Il est détenteur d’informations de la plus haute importance. Le joindre, après les cérémonies, au pied du présent arc de consternation. »

Je relis ma prose. Sobre et bien tournée, ou je me goure ?

Grâce au bout de ficelle que j’ai su me prémunir, j’attache ma carte et ma lettre ensemble.

— Allez, ma bonne dame, déguisez-vous en Montgolfière, je fais mine de lacer mes lattes et je passe sous votre jupaille.

L’aube commence à poindre.

— Surtout ne décarre pas d’ici avant mon retour, hé ? dis-je au Gros.

— Tu me prends pour qui est-ce ? ronchonne l’Enflure.

Le plus dif, c’est d’écarter les chicanes qui m’isolent du pied de l’arc. La poigne bérurière m’y aide. Alors bon, je me coule sur la chaussée et, prestement repte à l’intérieur de la carcasse métallique. Une fois dedans, je m’y tiens debout, guettant à travers le branchage si ma manœuvre a été interceptée, auquel cas je chiquerais à l’homme pris d’un besoin pressant. Mais one n’a remarqué mon manège à moi c’est toi.

Alors j’escalade les croisillons de fer, un panard de gauche, un autre de droite, et pareil pour les paluches ; m’élevant progressivement en essayant de ne pas trop faire vibrer l’édifice provisoire, qu’heureusement le vent mauvais justifie le balancement du cintre feuillu.

Mon numéro de voltige, dont je suis l’unique spectateur, devient franchement périlleux lorsque je me trouve dans la courbure surplombante de l’arc de consternation, mais deux longerons d’écartement me permettent d’adopter une position d’attente peu confortable, certes, mais tenable, et c’est tout ce que je demande.

A présent, il va falloir patienter plusieurs heures. Quelle foutue profession que la nôtre, franchement !

J’écarte un peu les branchages pour avoir vue sur l’avenue par où va déboucher le cortège. Les gens s’agglutinent de plus en plus fortement. Les soldats se mettent en place le long des chicanes, composant une haie continue. Ils se disposent tête-bêche afin de pouvoir contrôler les spectateurs et le parcours funérailleux.

Depuis mon poste d’observation, je peux également surveiller le Gros. Il est en train de peloter Ivana, le sagouin. Une main à sa hanche, l’autre à son balcon, à lui gloussailler des trucs dégueulasses dont elle ne comprend que le sens profond. Je crois que je l’ai révélée, cette nière. Lui ai dissipé les complexes et autres toiles d’araignée. Maintenant, elle monte au paf sans barguigner ; on va en faire une toute superbe écuyère de braguettes avant de débulgarer, si toutefois nous y parvenons.

Je la vois qui palpe en loucedé l’armature inférieure à Béru, à travers le jupon. Elle est intéressée par le volume inaccoutumé. Tudieu, que dirait-elle devant (ou sur) le sexe de notre copain, le professeur Félix, la plus belle bite du monde depuis l’apparition de l’homosapiens. A propos, il a trouvé une nouvelle méthode pour recruter du cheptel propre à satisfaire sa gloutonnerie sexuelle, notre pote. Il s’est fait photographier en pied (si j’ose dire) en train de triquer super. Il glisse ces photos dans des enveloppes qu’il distribue aux dames seules de sa convenance à la terrasse des grands cafés. Le temps qu’elles décachètent, il est déjà parti. A la photo se trouve agrafé le mot que voilà : « Madame, nous avons le plaisir de vous informer que vous venez de gagner un colt gratuit à perpétrer avec le mâle ci-joint dont l’importance du membre ne vous échappera pas. Vous pouvez téléphoner aux heures des repas au numéro ci-dessous afin de convenir de la remise de votre lot. Avec nos félicitations. »