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Alors, bon. Santantonio se met à gamberger.

S’identifie au leader défunt.

Je suis Siméon Grozob. J’ai quelque chose à dissimuler ici. Quelque chose possédant une importance formidable. Où vais-je le planquer ? Lacune grave : j’ignore le volume de « la chose ». Passons ! Mettons qu’elle soit de dimensions réduites. Par hypothèse, je décide que cela ressemble à une boîte à chaussures. Pourquoi une botte à chaussures ? Parce que que ! et fous-moi la paix, merde ! J’ai le fion dans l’eau glacée, pas le moment de me tartiner les roustons avec tes sempiternelles oiseries.

Donc, je pense à un carton à godasses. Où le cacherais-je ? Je ne l’enterrerais pas, puisque je sais que la région subit parfois les crues de la je-me-rappelle-plus-le-blaze…

Les meubles ? Quelques placards muraux, aux portes branleuses. Un vieux bahut qui navigue dans la cuisine. Les lits sommaires ?

Et pourtant, l’autre nuit, avant que la rivière ne soit gonflée par les pluies diluviennes, il est venu ici, Grozob. Vérifier que l’œil de verre n’était pas le bon.

Une cache ?

J’inspecte le plafond disjoint. Il m’a l’air de bon aloi. Il est si bas qu’il m’est aisé d’en contrôler les lames une à une.

Un placard truqué, à double fond ? Je les contrôle tous. En vain. Nib de trouvailles.

Les murs sont nus, sans possibilité de cachettes. Je ramène ma viande dans la salle principale. Et soudain, je sais. Je pressens. Je comprends. La cheminée ! N’est-ce point le cœur d’une chaumière ? Quelque chose comme son âme ?

Celle-ci est vaste, avec une hotte qui digue-digue. Je vais me placer dans l’âtre. Evidemment, je ne vois rien, sinon un petit rectangle de ciel enlumé, à l’extrémité du conduit. Je me mets à palper minutieusement la paroi crépite de suie ; commençant par le bord, je tâte aussi haut que ma main puisse se tendre. Et je recommence, sans épargner le moindre centimètre.

Je m’active de la sorte pendant un bon moment, qui, pour moi, nu et transi, est un sale moment.

Mais la récompense est au bout ! Lorsque j’ai terminé d’investiger la hotte (-toi de là que je m’y mette) je passe au mur contre quoi la cheminée est adossée. C’est dans l’angle gauche que le truc se produit : une pierre en saillie qui branle comme une dent creuse ou une main de collégien. Il ne m’est pas difficile de m’en saisir et de l’arracher à son alvéole. Je dégage ainsi une ouverture ayant à peu de chose près les dimensions d’une boîte à chaussures.

SI ÇA CE N’EST PAS DU CHAPITRE QUATORZE, ALORS PASSE TOUT DE SUITE AU CHAPITRE QUINZE !

J’ai bien choisi en demandant au Gravos de m’attendre au bouquet d’arbres. La maison constitue un îlot qui détourne le courant et il m’est plus aisé de dominer le flot à partir d’elle. Béru a préparé du matériel de récupération, à savoir deux mètres de palissade qu’il me jette judicieusement et à laquelle je peux m’agripper. Il hale alors mon radeau improvisé à l’aide d’un fil de fer de clôture.

Suffoquant, je me laisse tomber dans les roseaux, en père pélican lassé d’un long voyage. Mais au lieu de m’auto-étriper, je me laisse bichonner par mes deux camarades d’équipée. Qu’ensuite je renfile ma tenue militaire avec un soulagement que seule l’obscurité du sous-bois dissimule.

— T’as trouvé c’qu’t’espérais, Mec ? questionne l’Ignominieux.

Je lui montre la botte de fer que j’ai solidement fixée à mon jerrican.

— Je pense que ça doit être ça !

— Tu permets qu’j’vais regarder ?

— Plus tard. A présent, il s’agit de calter avant le jour. Nous avons toute la Bulgarie à traverser, mon Drôlet.

— Pour aller où ce que ?

— En Grèce ! C’est le seul pays limitrophe, avec la Turquie, qui nous soit propice. Et il va falloir trouver une brèche dans la frontière, on n’y est pas encore !

Il est effaré, le Mastodonte, et même vaguement indigné.

— T’vas m’faire croire qu’la Grèce touche la Bulgarie, sans blague ! C’est ben pour dire d’se fout’ de moi !

— Tu lui voyais quoi, comme pays limitrophes, à la Grèce ? je demande par pure curiosité.

Le Gros hausse les épaules :

— Ben : l’Espagne et l’Algérie, c’te connerie ! Vraiment, y a des moments où ça t’amuse d’prendr’ les gens pour des cons ! Tu d’vrais habiter Malines, gros malin ! Bon, en route ! Viens, ma poupoule, ajoute-t-il en saisissant Ivana par la taille, écoute-le pas car si tu comprendrais ce qu’y dit, tu d’viendrais chèvre, ce qui s’rait dommage av’c un cul pareil !

* * *

Il est trois plombes du matin lorsque, épuisés, nous décidons de marquer une pause au bord du chemin. Je me repère à l’Etoile Polaire pour choisir la bonne direction, ainsi procédaient, tout à fait jadis : navigateurs téméraires, pèlerins infatigables, gens d’armes conquérants et autres connards du même tonneau.

Donc, dis-je, nous accordons un peu de repos sur un talus en pente douce. Je n’ai toujours pas examiné le contenu de la botte (en anglais, the box) laquelle est fermée à clé et que moi, au cours de ces échauffourées algaradeuses, j’ai paumé mon petit Sésame, mais rassure-toi : il m’en reste une demi-chiée à la maison, dans le tiroir de mon slip de cérémonie. Nous forcerons la cassette plus tard, rien ne presse. C’est notre viande qu’il s’agit maintenant de mettre en lieu sûr.

Et puis, tu vois, comme on est là, vautrés sur l’herbe mouillée, à reprendre haleine et à masser nos paturons aussi riches en ampoules que le grand lustre de l’Opéra, un camion s’amène, du fond de l’horizon.

Un véhicule avec remorque, énorme, massif, boulimique, et Diesel.

On n’a pas besoin de se consulter, Gradube et mézigue. La rude ! Tu nous verrais, nous deux, lui, moi, nous, en travers de la route à gesticuler comme deux pantins articulés (la comparaison n’est pas de moi, je l’ai lue dans un beau livre de M. Robbe-Grillet, je crois qu’il me semble).

Le camionniste aperçoit quoi ? Un militaire et une grosse mémère, plus une jolie jeune femme pleine de frais nichons et de fesses. Etant inspiré de confiance, il freine.

Et alors, moi, je ligote sur la porte de la cabine, le merveilleux texte suivant : Alberto Alberti Pescheria Via Roma GENOVA.

Un Rital !

Et quel ! Tu croirais Victorio Grassmann, en plus jeune. Il écoute une cassette qui transforme la nuit bulgare en nuit napolitaine.

On parlemente, on s’explique un brin. Il vient de livrer à la Bulgarie des sardines italiennes en provenance du Portugal. Et il rentre au pays via la Grèce : Salonique, puis le barlu à Corfou. Une croisière d’amoureux, lui et son camion. Oui, il veut bien nous prendre jusqu’à la frontière grecque, mais à Mariostinovo, il sera obligé de nous larguer, vu que les gapians bulgares explorent son carrosse à la sortie et de telle qu’il ne pourrait pas sortir une cerise en contrebande.

On le gratule, le remercie d’importance, on lui promet qu’il pourra baiser Ivana en cours de route, vu qu’elle monte si volontiers au radada, désormais, qu’on est obligés de se mettre la bite sous le bras, pas qu’elle se sauve avec.

Jusqu’à Kazanlâk, le voyage se déroule sans incendie ni incident. Je reste allongé en compagnie d’Ivana, sur la couchette placée derrière les sièges et fermée par les rideaux. Délicate alcôve mobile, ma chère marquise, dans la touffeur capiteuse de laquelle je dois vous avouer commettre l’acte de chair (à saucisse) deux fois consécutives, avec la chère petite Bulgare de mon cœur.