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— On va bientôt leur donner de quoi se faire du mouron », déclara jovialement Desjani.

Geary se demanda fugacement comment se distrairait le capitaine Desjani si jamais la guerre touchait à sa fin et que bouffer du Syndic n’était plus regardé comme un passe-temps acceptable.

Les systèmes de manœuvre de l’Indomptable s’activèrent à T vingt, propulsant sa masse vers le bas jusqu’à la position où il attendrait le reste de la formation Delta. Tout autour de lui, les autres bâtiments quittaient celle qu’ils occupaient, telle une machine extraordinaire venant à l’instant de se décomposer en ses multiples pièces détachées. Ses composants filèrent à travers l’espace, tissant des motifs complexes à mesure qu’ils se dirigeaient vers leur nouvelle position et que la machine se réorganisait en six versions plus petites.

Se déplacer sur de pareilles distances et s’aligner de telle façon que la formation de queue se trouvât à plusieurs minutes-lumière de celle de tête exigea un bon moment. La recomposition n’était pas achevée que la vigie annonçait : « Les systèmes d’armement recommandent le lancement des projectiles cinétiques contre la force syndic Bravo dans une minute. »

Geary hocha la tête. « Faites. »

La nouvelle disposition de la flotte ordonnée par Geary avait sans doute contraint les systèmes d’armement de chacun des vaisseaux à réévaluer les cibles qui leur étaient attribuées, mais ces calculs n’avaient guère pris plus d’une seconde. Le tir de barrage automatique contre les défenseurs du portail de l’hypernet se déclencha très précisément au moment optimal.

Trois minutes-lumière seulement séparaient les vaisseaux de tête de l’Alliance des Syndics postés près du portail, soit trente minutes de trajet à leur vélocité de 0,1 c ; sans doute la plus longue demi-heure qu’il vivrait jamais, songea-t-il. Et l’on parle de distorsions relativistes ! Le temps lui-même semblait s’être arrêté.

« Les défenseurs du Syndic procèdent à des manœuvres évasives pour éviter les projectiles cinétiques en approche, annonça la vigie de l’armement. Les systèmes signalent que quatre de leurs cuirassés changent de position sur les trajectoires prévues.

— Ils réagissent exactement comme vous l’aviez pensé, capitaine Geary, marmonna Desjani.

— Voyons déjà s’ils contrôlent assez leurs vaisseaux pour esquiver, déclara-t-il prudemment, l’estomac noué.

— La formation Alpha entame une première passe d’arme sur les défenseurs du Syndic. Ils ripostent. »

Geary focalisa son hologramme sur le combat. Les destroyers et croiseurs légers de l’Alliance arrivaient sur deux flancs et pilonnaient de leurs tirs les unités défensives postées près du portail. Munies de puissants boucliers, ces dernières essuyèrent sans dommage le feu des vaisseaux légers, puis les croiseurs lourds survinrent, projetant de la mitraille en réseaux serrés avant de procéder à des tirs de barrage de leurs batteries de lances de l’enfer. Les billes frappaient les boucliers défensifs affaiblis et se vaporisaient sous le choc, puis les javelots chargés de particules les transperçaient. L’une après l’autre, les unités défensives vacillaient sous les coups, arrachées à leur position par les impacts et désormais privées de leur capacité d’intervention.

Pendant ce temps, les gros vaisseaux de guerre du centre de la formation Alpha passaient en trombe devant le cœur de la force syndic Bravo, dont les cuirassés et croiseurs de combat, déjà gravement endommagés, occupaient toujours leur poste devant le milieu du portail. Les cuirassés de l’Alliance – Téméraire, Résolu, Redoutable et Écume de guerre – martelèrent l’un après l’autre les Syndics impuissants en passant au plus près de l’ennemi. Les cuirassés avaient choisi de retenir le feu de leurs catapultes à mitraille et de leurs missiles spectres pour leur préférer leurs lourdes batteries de lances de l’enfer. Les faibles ripostes du Syndic ricochaient, pratiquement inoffensives, sur les puissants boucliers des vaisseaux de l’Alliance, tandis que les salves tirées par ces derniers déchiquetaient littéralement les bâtiments ennemis déjà déglingués. Un premier cuirassé explosa, suivi d’un second et de deux croiseurs de combat ; ne restait plus, au centre de la formation syndic, qu’un unique croiseur de combat blessé.

Geary observait la scène en se frottant le menton, attendant d’assister à l’inéluctable réaction des Syndics.

De nouveaux vivats l’arrachèrent à sa contemplation du cœur de la formation ennemie. Il déplaça le regard et constata qu’un des cuirassés du Syndic, encore en bon état l’instant d’avant, avait essuyé un projectile cinétique massif par le milieu et tanguait de guingois. Quelques instants plus tard, un croiseur de combat adverse était touché à son tour ; la frappe avait fait voler sa proue en éclats et l’avait envoyé dinguer cul par-dessus tête. La directive du Syndic n’avait laissé à son équipage aucune chance d’esquiver la bombe cinétique.

À la plus grande surprise de Geary, Desjani ne jubilait pas. Le visage empourpré, elle avait plutôt l’air en colère. « On aurait dû leur permettre de riposter », marmotta-t-elle. Prenant brusquement conscience du regard de Geary posé sur elle, elle haussa les épaules avec embarras. « Comme vous l’avez dit vous-même, capitaine, quand c’est un massacre, c’est inique. Même s’il s’agit de Syndics. »

Il opina. « Nous avons encore à nous inquiéter de trois cuirassés et de deux croiseurs de combat encore ingambes. »

La formation Bravo de l’Alliance plongeant sur eux, les escorteurs de la flottille du Syndic bondirent à leur rencontre. Geary retint son souffle : cinq croiseurs lourds, un léger et neuf avisos chargeaient droit sur une formation de l’Alliance composée de quatre croiseurs de combat et conduite par le capitaine Duellos du Courageux. Le Formidable, l’Intrépide et le Renommé l’accompagnaient, entourés de dix croiseurs lourds, de six croiseurs légers et d’une douzaine de destroyers. Pourtant, sachant que, si Duellos se fourvoyait, la puissance de feu des Syndics était largement suffisante pour lui coûter quelques vaisseaux, Geary n’observait pas ce spectacle sans inquiétude et éprouvait une envie impérieuse, dure à surmonter, de frapper du poing sa touche des communications pour le conseiller. Mais il se trouvait à près de deux minutes-lumière d’un combat en train de se dérouler, et ces deux minutes de retard dans l’affichage des événements pouvaient se révéler critiques. En outre, de tous ses subordonnés, c’était à Duellos, Desjani et Cresida qu’il se fiait le plus. Retiens tes mains. Laisse donc les gens compétents faire leur travail.

Duellos se montra à la hauteur de cette confiance. Alors que les Syndics fondaient sur sa formation, il la fit pivoter vers le haut pour concentrer la puissance de feu de tous ses vaisseaux sur la zone que l’ennemi allait traverser. Quelques minutes avant le contact, les destroyers et croiseurs légers de l’Alliance accélérèrent à leur tour et bondirent en avant, filant vers le haut pour ratisser latéralement les flancs de l’attaquant. Des avisos flambèrent et se brisèrent sous ce tir nourri, puis les croiseurs lourds foncèrent bille en tête dans un tir de barrage de missiles spectres, soigneusement minuté, suivi d’un feu de mitraille et de lances de l’enfer. Les trois croiseurs de tête se fragmentèrent, un quatrième vacilla et fut propulsé au loin, immédiatement poursuivi par quelques croiseurs de l’Alliance, tandis que le cinquième tentait de plonger dans la direction opposée, mais tombait sur quatre croiseurs de l’Alliance qui l’acculèrent et, simultanément, percèrent ses boucliers sur trois côtés. Tandis que l’épave du cinquième croiseur lourd du Syndic culbutait à travers l’espace, son croiseur léger rescapé tentait d’éperonner le Courageux, mais se désintégrait avant sous le feu de quatre croiseurs de combat.