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En manipulant les contrôles, Geary pouvait passer de la vision normale à la vision infrarouge, opérer des sondages radar, pénétrer sous le sol ou scanner le spectre électromagnétique. D’autres fonctions étaient disponibles, mais, de crainte d’ordonner par inadvertance aux drones des manœuvres indésirables, il s’abstint d’y recourir. De temps à autre, un drone signalait qu’il essuyait le feu de Syndics qui tentaient de l’abattre, mais ces appareils font dans le meilleur des cas une cible difficile, d’autant plus, en l’occurrence, qu’ils pouvaient plonger dans le nuage de poussière des couches supérieures de l’atmosphère pour se soustraire à ces tirs.

« Capitaine Geary, ici le capitaine Duellos. Les défenses de la surface, du moins ce qu’il en reste, tentent de nous visualiser. » Un document joint montrait des drones syndics surgissant fugacement au-dessus du nuage de poussière pour s’efforcer de jauger la situation et y replonger avant que les senseurs de l’Alliance n’aient eu le temps de les acquérir. « Leur mouvement est assez désordonné. S’ils tentent d’obtenir des informations sur une cible, nous ne saurions dire laquelle. J’ai ordonné à toute ma formation de procéder à des modifications aléatoires de trajectoire et de position. »

Duellos n’entendrait pas sa réponse avant plus de quatre minutes, mais Geary l’envoya quand même. « Merci. Espérons que… » Il s’interrompit, son écran venant d’émettre un signal d’alarme.

« On tire depuis la surface de la quatrième planète, signala une vigie de l’Indomptable. Des canons à particules. Toute une batterie, semble-t-il. »

Quatre minutes plus tôt. « Ont-ils fait mouche ? » Un silence qui parut s’éterniser précéda la réponse de la vigie. « Le Faucon et le Renommée ont été ratés de peu. Aucune frappe directe. »

De retour sur la passerelle et l’air nettement moins harassée, Desjani secoua dédaigneusement la tête. « Ils tirent pratiquement à l’aveuglette et nous savons désormais qu’il leur reste des défenses actives.

— Duellos a ordonné des manœuvres d’évitement juste avant que ces canons ne commencent à tirer, fit remarquer Geary. S’il ne l’avait pas fait, les Syndics auraient sans doute marqué des points. » À la différence des armes de bord, les canons à particules planétaires pouvaient être beaucoup plus gros et dotés de considérables réserves d’énergie. Un seul de leurs coups pouvait transpercer les boucliers et déchiqueter un vaisseau.

Pendant que Geary parlait, les senseurs de l’Indomptable signalèrent le tir d’une seconde salve. Il mourait d’envie d’ordonner une contre-attaque et dut se remémorer que tout cela datait de plusieurs minutes et que Duellos avait sans doute déjà réagi. « Ça devrait nous suffire à localiser la position de ces batteries à la surface de la planète », déclara Desjani.

Assurément : une demi-douzaine de projectiles cinétiques tirés par les croiseurs de combat de Duellos plongeaient déjà dans l’atmosphère, tandis que ses bâtiments continuaient de changer aléatoirement de position et de trajectoire et que les Syndics tiraient leur troisième salve qui, cette fois, manqua le Gantelet d’un cheveu « Encore heureux que ces canons se rechargent très lentement, fit observer Geary.

— Il ne leur reste probablement plus qu’une salve à tirer », convint Desjani. Elle avait raison ; mais tous les coups ratèrent leur cible.

Les fusiliers avaient envoyé un de leurs drones RECCE survoler la position de la batterie de canons et il transmettait une image du site vue d’assez loin, à l’horizon de sa vision périphérique. Les projectiles cinétiques tirés par les croiseurs de combat de Duellos piquèrent dessus à haute vélocité, laissant dans leur sillage d’éblouissantes traînées lumineuses, tandis que leurs impacts se traduisaient par d’énormes éclairs et des éruptions de débris. À mesure que la lumière diminuait, des nuages en forme de champignon montaient du site, offrant une titanesque pierre tombale à la batterie de canons.

Geary soupira. « Espérons qu’ils n’avaient rien d’autre.

— Peu probable, le contredit Desjani.

— Je sais. » Il appuya de nouveau sur la touche des communications. « Félicitations, capitaine Duellos. À vous et à vos vaisseaux. Beau travail. Gardez l’œil ouvert. » Il observa les images transmises par les drones RECCE en faisant la grimace. Je comprends qu’il puisse être tentant de pilonner une planète à mort dans le seul dessein de réduire à néant toutes les menaces encore existantes. Mais cela m’autorise-t-il à tuer des millions de civils dans l’espoir de frapper les défenses cachées ? Si elles sont assez bien enterrées et fortifiées, leur élimination ne serait même pas certaine, et c’est sûrement le cas. Il se tourna vers Desjani. « Croyez-vous qu’on recevra le même accueil sur la troisième planète ?

— Plausible. Il faut partir du principe que la menace est réelle. »

Geary s’adossa en secouant la tête. « Pourquoi sont-ils incapables de se montrer rationnels ? Leurs chances de nous nuire sont bien minces et, chaque fois qu’ils tirent sur nous, ils nous invitent à exercer des représailles. »

Elle lui jeta un regard inquisiteur. « Nous nous battons contre eux depuis un siècle, capitaine. Il me semble que certaines valeurs comme la “rationalité” sont depuis longtemps parties à vau-l’eau.

— J’entends bien. Croyez-vous que leur transmettre de nouveau l’ordre de ne pas attaquer nos vaisseaux nous avancerait ? »

Elle haussa les épaules. « Difficile à dire. Le jaillissement d’énergie provoqué par l’effondrement du portail a sûrement grillé tous les récepteurs sans protection de ce système, mais certains restent peut-être opérationnels.

— Hélas, ceux-là appartiennent sans doute au gouvernement et à l’armée.

— Sans doute, capitaine. Et ils n’entendront certainement pas raison. »

Geary hocha la tête puis scruta Desjani. « Capitaine, quand je vous ai rencontrée, vous n’auriez pas hésité à balayer toute vie humaine de la surface de ces planètes. Ça n’a plus l’air de vous exciter autant. »

Avant de répondre, elle fixa un moment le vide. « Je vous ai écouté, capitaine Geary, et j’ai longuement conversé avec mes ancêtres. Il n’y a pas d’honneur à tuer des gens sans défense. En outre, les dommages que nous avons déjà causés à ce système exigeront de la part des Syndics un énorme investissement pour leurs réparations, tandis que, si nous l’anéantissions, ils se contenteraient de le rayer de la liste. » Elle s’interrompit. « Et nul ne pourra nous accuser de nous être comportés ici comme eux. Nous ne sommes pas des Syndics. J’ai compris que je ne voulais pas mourir en les imitant.

— Merci, capitaine Desjani. » Entre honneur et pragmatisme, Desjani avait choisi et décidé que Geary avait raison. Qu’elle n’abondât pas dans son sens pour la seule raison qu’il était Black Jack Geary le réconfortait d’autant plus. Il s’était demandé ce qui se passerait s’il mourait brusquement le lendemain, si la flotte reviendrait aux anciennes tactiques et pratiques qu’il lui avait découvertes au début. Mais quelques-uns au moins des officiers, ceux qu’il connaissait le mieux, retournaient à des pratiques encore plus anciennes. Il n’avait pas la sottise de croire que tout ce qui se faisait autrefois était préférable à ce qui faisait aujourd’hui, mais se plier aux lois de la guerre, aux diktats du véritable honneur, tout comme se battre avec intelligence plutôt qu’en tablant sur la seule bravoure, avait du bon.

Au cours des heures qui suivirent, tandis que la formation de Geary piquait vers la troisième planète, le capitaine Duellos dut procéder à trois autres bombardements de la quatrième. Toutes les tentatives des Syndics pour nuire à ses vaisseaux avortèrent, ce qui n’était guère surprenant dans la mesure où les armes basées à la surface ne pouvaient observer directement leurs cibles et dépendaient de données fournies par des drones qui sortaient brièvement de l’atmosphère pour prendre des clichés des bâtiments de l’Alliance. D’un autre côté, deux des drones RECCE des fusiliers cessèrent brusquement d’émettre, ce qui signifiait qu’ils avaient été abattus. Le colonel Carabali serait sans doute contrariée, mais c’était, se persuada Geary, un bien petit prix à payer pour la sauvegarde de ses vaisseaux.