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Il revint à la situation, infiniment moins complexe, qui se jouait entre la flottille syndic et ses cinq formations. Son écran lui signala que tous les vaisseaux de l’Alliance étaient parés au combat. Pendant un bon moment encore, des milliers de matelots, d’officiers et lui-même n’auraient strictement rien d’autre à faire que de regarder les minutes défiler jusqu’au moment où les Syndics croiseraient les mines semées sur leur passage.

Les vaisseaux ennemis pivotèrent vers le haut, pratiquement au point exact prévu, et se retournèrent pour présenter leurs propulseurs de poupe vers l’avant, freiner et réduire leur vélocité jusqu’à la vitesse d’engagement. Quelques minutes plus tard, Geary vit la formation Gamma augmenter la sienne de façon infime, de manière à ramener la flottille syndic sur une trajectoire d’interception la conduisant droit sur les mines. Les Syndics allaient certainement flairer le pot aux roses. Mais, sans doute parce qu’ils étaient verrouillés sur leurs cibles, ils firent exactement ce que l’Alliance attendait d’eux.

Quinze interminables minutes s’écoulèrent encore. « Les voilà », marmonna Desjani.

Les manœuvres élaborées présidant aux préparatifs du guet-apens avaient éparpillé vaisseaux et formations à travers toute la zone de l’espace où freinait à présent la flottille syndic. Plutôt qu’un champ de mines, le fruit de cette dispersion était davantage un maillage de multiples lignes et chapelets de mines, essaimés le long de sa trajectoire à quelques secondes-lumière d’intervalle. Ses vaisseaux se précipitaient maintenant, la poupe la première, dans cette zone piégée. Chaque impact frapperait leurs principaux propulseurs arrière, précisément ce que voulait l’Alliance.

La formation syndic continua de décélérer à travers les deux premières lignes sans en toucher une seule. C’était sans doute frustrant, mais les probabilités ne jouaient pas en faveur d’un nombre important de collisions. La troisième ligne gisait juste en travers de leur chemin.

Un aviso fut cueilli directement à la poupe. La mine désintégra ses boucliers arrière et fit exploser ses propulseurs, lui interdisant dorénavant toute manœuvre. Un croiseur de combat fut touché à deux reprises mais ne perdit qu’un seul propulseur. Les Syndics continuèrent de filer quelques instants sans encombre, avant de traverser les quatrième et cinquième lignes. Là, ils essuyèrent plusieurs explosions, qui envoyèrent dinguer, titubant, un croiseur lourd hors de la formation et eurent raison de deux unités de propulsion d’un second croiseur de combat.

Entre-temps, les Syndics s’étaient avisés qu’ils fonçaient dans un piège. La contre-mesure la plus efficace eut sans doute été de pivoter de nouveau pour présenter leur proue aux mines de manière à soustraire leur poupe aux explosions. Mais cette manœuvre leur interdirait de continuer à décélérer avec leurs principales unités de propulsion et, par voie de conséquence, de ralentir suffisamment pour intercepter la formation Gamma. Geary avait pressenti que leur commandant en chef préférerait risquer quelques collisions occasionnelles plutôt que renoncer à frapper les vaisseaux de Gamma. Si les Syndics avaient heurté toutes les mines ensemble et essuyé tous leurs dommages sous la forme d’une unique déflagration, leur chef aurait probablement rappelé ses chiens, mais les heurts continuaient de se produire sporadiquement, un ou deux à la fois, et de creuser ses rangs d’une manière qui, tant qu’il concentrerait son attention sur Gamma, risquait de lui échapper.

À mesure qu’ils traversaient l’une après l’autre d’autres rangées de mines, les vaisseaux syndics essuyaient de nouvelles explosions, qui chacune leur infligeait un peu plus de dégâts et affaiblissait jusqu’aux boucliers des cuirassés. Leur commandant en chef devait commencer à se faire du mouron. Les bâtiments blessés perdaient déjà leur place dans la flottille et, à mesure qu’elle accélérerait pour s’enfuir après avoir frappé Gamma, ils devraient sans doute être abandonnés sur place.

« Le capitaine Tulev a tiré cinq spectres, signala Desjani. Tout ce qu’il avait à sa disposition, dirait-on. Ils intercepteront la formation syndic au moment précis où elle dépassera le dernier chapelet de mines.

— Bien joué », fit Geary.

Un dernier éclair de trois autres coups portés marqua le dépassement du dernier chapelet de mines, puis les vaisseaux du Syndic fondirent sur Gamma sans qu’aucun autre obstacle ne s’interposât entre eux. Quelques instants plus tard, les spectres de Gamma piquaient vers leurs cibles. Certains les ratèrent en raison de la vitesse relative élevée, mais d’autres frappèrent des bâtiments dont les boucliers, dans certains cas, s’étaient déjà effondrés sous les impacts des mines et ne s’étaient pas encore ressaisis. Les propulseurs d’un autre croiseur de combat furent touchés, un aviso explosa en éclats, et deux des croiseurs lourds restants furent férocement flagellés. Mieux, deux des croiseurs de combat perdirent des unités de propulsion.

« Modifiez si besoin la trajectoire pour intercepter les Syndics », ordonna Geary à Desjani avant de transmettre la même instruction au capitaine Duellos de la formation Bravo. Les autres vaisseaux de Delta épouseraient la manœuvre de l’Indomptable, tandis que Desjani procédait déjà à d’infimes réglages de sa trajectoire et de sa célérité pour optimiser l’interception.

« Nous allons devoir nous aussi commencer bientôt à freiner », le prévint-elle.

Geary consulta l’hologramme et opina. « À toutes les unités de la formation Delta, pivotez immédiatement à cent quatre-vingts degrés. » Les vaisseaux de l’Alliance présenteraient ainsi leurs propulseurs principaux vers l’avant. « Commencez à décélérer jusqu’à 0,1 c à T trente et un. »

Tulev avait disposé ses croiseurs de combat face aux Syndics et tout autour du Gobelin, pour lui fournir un bouclier matériel aussi solide que possible. Bien qu’elle s’éparpillât de plus en plus à mesure que ses vaisseaux endommagés quittaient leur position, la formation syndic filait toujours vers l’interception et disposait encore d’une puissance de feu deux fois supérieure à la sienne.

Geary cligna des yeux, en essayant de comprendre ce qu’il venait de voir.

Desjani souriait d’une oreille à l’autre. « Brillant ! » Tulev avait fait pivoter et accélérer au maximum ses vaisseaux alors qu’il était trop tard pour que les Syndics pussent réagir mais que lui-même avait encore tout le temps de repousser leur attaque. La manœuvre avait exigé un minutage parfait, et il l’avait idéalement exécutée. Il avait aussi tiré un barrage de mitrailles sur les bâtiments de tête du Syndic, qui arrosaient encore la position qu’auraient occupée ses vaisseaux s’ils n’avaient pas modifié leur vélocité et rectifiaient à présent le tir pour viser, un peu tardivement, leur position réelle. Les deux premiers cuirassés donnèrent l’impression de passer à l’incandescence quand une salve concentrée de la mitraille de l’Alliance frappa leurs boucliers. « Il les a eus ! » exulta Desjani dès que les rapports d’avaries des senseurs de l’Indomptable lui apprirent que les deux bâtiments avaient été gravement touchés.

Mais il n’en restait pas moins aux Syndics de gros vaisseaux de guerre qui dépassaient en trombe la formation de Tulev. Les boucliers des croiseurs de combat de l’Alliance qui entouraient le Gobelin flamboyaient et crépitaient sous le feu des cuirassés ennemis. « Le Léviathan a été atteint plusieurs fois, annonça une vigie. Le Dragon a perdu deux unités de propulsion et ses commandes de manœuvre principales. L’Inébranlable signale que ses batteries de lances de l’enfer un et trois alpha sont H.S., et qu’il a subi de nombreux dommages. Le Vaillant a été très sérieusement touché par le milieu, mais il continue de tirer. »