Выбрать главу

— Bien davantage, répondit Geary. J’ai parlé avec le capitaine Cresida de ce qui arrivait aux bâtiments pris dans l’espace du saut au moment de l’explosion d’un portail. Ils pourraient soit se désintégrer, soit se retrouver égarés au beau milieu du vide intersidéral, à une décennie de l’étoile la plus proche. Si les Syndics, au même moment, s’efforçaient d’envoyer promptement des renforts vers Sancerre, tous ceux qui s’y sont retrouvés piégés pendant la décharge d’énergie du portail ont dû être détruits, ou leur menace éliminée pour des années.

— Et, en même temps, une bonne part des capacités militaires des Mondes syndiqués ? Ce qui exclurait toute frappe de représailles.

— Ouais. » Geary s’efforçait, sans y parvenir, de se représenter l’amplitude des destructions occasionnées par l’effondrement d’un portail. « Comment font-ils pour garder ça sous le boisseau, Victoria ? Comment les Syndics peuvent-ils interdire à cette information de se répandre ?

— Leur société contrôle étroitement l’information dans tous les cas, fit-elle remarquer. En outre, la guerre leur permet de justifier l’omerta qu’ils imposent à leurs citoyens. Ajoute à cela l’énorme quantité d’informations disponibles. Il n’est pas difficile d’enfouir des faits de première importance sous une montagne de détails triviaux. Nous avons nous-mêmes recueilli un matériau considérable dans les installations désaffectées de Sancerre. Je n’en ai exploré qu’une petite partie. Je vais continuer de chercher, mais, sincèrement, je ne m’attends pas à trouver des confirmations. Les archives dont nous nous sommes emparés sont toutes ou presque classées au degré le plus bas de la confidentialité. Tout ce qui pourrait concerner des intelligences non humaines, et surtout une menace de cet ordre, devrait être classé secret-défense.

— Autrement dit, en bombardant les QG des Syndics à Sancerre, nous avons probablement vaporisé toutes les copies de ces archives. Pour un peu, j’envisagerais de nous mener nous-mêmes jusqu’à cette ligne de démarcation, histoire d’en avoir le cœur net, et même de la franchir pour voir ce qu’on trouve au-delà. » Geary s’aperçut soudain qu’il avait inconsciemment tracé, de tête, des trajectoires possibles vers les confins des Mondes syndiqués.

« Ce serait du suicide, déclara froidement Rione. Même si la flotte te suivait.

— Ouais, je sais. Elle ne me suivrait pas. Je l’espère, en tout cas. » Il renversa sur son siège, les yeux clos. « Que pouvons-nous en dire à d’autres ?

— Rien, John Geary. Parce que, en réalité, ce ne sont que des hypothèses.

— Tu y crois, toi ?

— Je le crains.

— Moi aussi. » Il rouvrit les yeux et contempla les systèmes stellaires inconnus des confins de l’espace du syndic. « Comme si nos sujets d’inquiétude n’étaient pas déjà assez nombreux. On me dit que les archives réquisitionnées indiquent qu’aucun progrès ne s’est fait récemment dans le sens de la paix. Tu as trouvé des renseignements à cet effet ?

— Non. Trop ancien. »

Geary hocha la tête, non sans de nouveau se demander ce qui s’était passé à la frontière de l’Alliance et des Mondes syndiqués. Il se rendit compte, en examinant l’hologramme depuis les profondeurs de l’espace syndic, que, de leur point de vue, les Mondes syndiqués devaient avoir l’impression d’être pris en étau entre deux autres grandes puissances. Était-ce cette perspective qui poussait leurs gouvernants à se sentir menacés des deux côtés ? « Les Syndics ont déclaré aux leurs qu’ils avaient détruit notre flotte dans leur système mère. Ils ont probablement servi le même mensonge à l’Alliance, qui n’a aucun moyen de se persuader du contraire. Crois-tu qu’elle va solliciter la paix ?

— Non. » Rione laissa transparaître un instant son chagrin. « Nombreux sont ceux qui, dans l’Alliance, combattent la froidure de cette guerre interminable en attisant leur haine des Syndics. Ils ne se fieraient à aucune condition d’une paix qui leur serait offerte.

— Nous avons pu constater qu’ils avaient des raisons de se méfier. Les Syndics ont trahi tous les accords que nous avons passés avec eux jusque-là et tenté de nous piéger partout où ils le pouvaient.

— Ce qui s’est retourné contre eux à longue échéance, en dépit de l’avantage provisoire qu’ils en avaient retiré, puisqu’ils ne peuvent plus décrocher le moindre accord qui leur soit favorable dans la mesure où l’on ne se fie plus à leur parole. »

Geary opina sans quitter l’hologramme des yeux. « Espérons qu’ils n’auront pas pu exploiter la situation présente à leur profit, puisqu’ils ont accroché à nos basques un grand nombre de leurs bâtiments.

— Tu as détruit bien plus que quelques vaisseaux syndics, lâcha Rione.

— La flotte, pas moi, rectifia-t-il. Mais… pourtant… je me demande quel genre de combats on livre en ce moment près de la frontière avec l’Alliance. Ces spatiaux syndics que nous avons capturés et qui se sont battus à Scylla n’ont rien pu nous en dire. » Les éléments de la flotte de l’Alliance qu’on avait laissés sur place se battaient-ils désespérément contre un ennemi bien plus puissant, tandis que l’Alliance elle-même s’efforçait frénétiquement de construire des vaisseaux pour les remplacer et d’entraîner des équipages ? Combien perdrait-on de ces unités qui gardaient la frontière pendant que la flotte de Geary se frayait un chemin jusqu’au bercail ? « J’ai une petite-nièce à bord de l’Intrépide. »

De surprise, Rione arqua les sourcils. « Comment le sais-tu ?

— Michael Geary me l’a appris avant la destruction du Riposte. » Juste avant que son arrière-petit-neveu ne se sacrifie avec son vaisseau pour permettre au reste de la flotte d’échapper au piège tendu par les Syndics dans leur système mère. « Il m’a remis un message pour elle. » « Dites-lui que je ne vous hais plus. » Je pouvais difficilement lui reprocher de détester Black Jack Geary, ce héros incomparable dont l’ombre l’avait hanté toute sa vie durant. Grâce en soit rendue aux vivantes étoiles, j’ai eu brièvement le temps de lui apprendre que je n’étais pas réellement le Black Jack Geary qu’il avait appris à exécrer en grandissant. Ma petite-nièce me haïrait-elle aussi ? Que pourra-t-elle bien m’apprendre de la famille que j’ai laissée derrière moi ?

« Je te souhaite de la retrouver, déclara tranquillement Rione.

— Tu ne m’as jamais dit si tu avais encore de la famille chez toi.

— Un frère et une sœur. Ils ont des enfants. Mes parents sont toujours vivants. Tout ce que la malchance t’a enlevé. J’espère que tu comprends pourquoi je ne t’en parle pas beaucoup. La seule idée de t’obliger à te remémorer tout ce que tu as perdu me perturbe. »

Il hocha la tête. « Je t’en suis reconnaissant. Mais n’hésite pas à le faire si tu en ressens le désir. Dénier à toi ou à d’autres ce qui leur reste ne me rendra pas ce que j’ai perdu.

— Tu n’es pas doué pour le déni ? » demanda-t-elle avec un petit sourire.

Geary eut un reniflement sarcastique. « Pas moins qu’un autre, j’imagine.

— Pas d’accord. » Elle désigna l’hologramme. « Tu as découvert ce qui nous a échappé à tous. Ou ce que nous avons refusé de voir pour des raisons inconscientes. »

Cette fois, il secoua la tête. « Nous n’avons rien découvert. Comme tu l’as fait remarquer, rien ne le prouve. À ton avis, les gens au pouvoir dans l’Alliance voudront-ils y croire ?

— Il nous faudra peut-être, pour l’expliquer, leur apprendre que les portails de l’hypernet sont des armes potentielles, et ça m’inquiète davantage. »