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Enfin, ceux qu’on a pu contacter parce qu’il y en a trois qui sont à l’étranger… Et deux qu’on n’a pas encore vus…

— Alors ?

— Alors, on a trouvé le rapport entre la troisième et la quatrième victime et l’ESCOM…

— Allez, accouche ! implora Esposito.

— Eh bien, Bénédicte Décugis était la copine de de Mérangis et Sandra de Villepainte, celle de Pariglia…

Le capitaine resta quelques instants silencieux. Il réfléchissait.

— On peut en conclure qu’aucune des personnes assassinées n’a été choisie au hasard, dit-il enfin.

— C’est évident, acquiesça Lepage. En fait, elles formaient un groupe. Un groupe soudé…

— La question est, reste-t-il d’autres membres de ce groupe toujours en vie ? Car si c’est le cas, ce sont les prochains sur la liste du tueur…

— En fait, les anciens de l’école n’ont pas été très bavards… À part l’info que je viens de te donner, je n’ai pas pu obtenir grand-chose… J’ai cru que j’allais enfin apprendre ce qui s’était passé en 1988, l’événement qui pourrait expliquer cette série de meurtres, mais les requins ne sont pas très causants…

— Il y en aura forcément un septième, reprit Esposito en allumant une cigarette.

— Et pourquoi, « forcément » ?

— Parce qu’il m’a dit à la prochaine. Tu ne t’en souviens pas ?

— Si, bien sûr… Mais ce type est fou, tu ne t’en souviens pas ? rétorqua le lieutenant en souriant.

— Fou ? Je crois surtout qu’il se venge de quelque chose…

— Quinze ans après ? C’est bien ce que je dis, il est fou !

— Je te l’accorde, c’est un malade. Mais ce n’est pas un tueur en série classique. Il a un mobile, des proies désignées. Il sait où il va.

— Même si ces gens lui ont fait un sale coup, n’empêche qu’il est barjo ! Irrécupérable !

— Vous vous trompez, murmura Jeanne.

Les deux policiers se retournèrent d’un seul coup. Ils n’avaient pas entendu ce qu’elle venait de dire, mais étaient surpris de sa présence en ces lieux.

— Bonjour, Jeanne. Qu’est-ce qu’on peut faire pour vous ? demanda le capitaine.

— Je… Il faut que je vous parle.

— Ça ne peut pas attendre ? Je suis désolé, mais on est en plein boulot et…

— Non, ça ne peut pas attendre. C’est très urgent.

Esposito soupira et s’avança vers la jeune femme.

— De quoi voulez-vous me parler ?

— D’Elicius.

— Quoi ?

— Elicius.

— C’est quoi, ça ?

— C’est son nom.

— Son nom ? Mais le nom de qui ?

Lepage ne put réprimer un sourire goguenard. Pourquoi cette nana n’arrivait-elle jamais à aligner deux mots ? Surtout devant un homme !

— Le nom du tueur. Elicius, c’est le tueur, répondit Jeanne d’une voix cassée.

Lepage rangea son sourire. Les deux officiers échangèrent un regard sidéré.

— Vous voulez parler du tueur qui…

— Du tueur. Celui que vous recherchez. Le meurtrier de Sabine Vernont et des autres.

— Qu’avez-vous à me dire ?

— Je sais qu’il va tuer, ce soir. La septième victime, c’est pour ce soir.

— Vous êtes allée chez une voyante ? ironisa le lieutenant.

Elle lui répondit par un regard fielleux, encore plus déstabilisée. Alors, elle s’adressa au capitaine. Son visage était plus rassurant.

— Non, il… II… Il me…

Esposito fronça les sourcils, essayant de deviner les mots qui ne voulaient pas sortir.

— Il quoi ?

— Il me l’a dit ! La prochaine victime s’appelle Emmanuel Aparadès !

Enfin… ! Elle avait l’impression que sa tête venait de se vidanger.

Lepage se leva subitement de sa chaise, comme s’il avait reçu une décharge électrique.

— Putain, je l’ai interrogé hier soir ! s’exclama-t-il.

Le capitaine regardait tour à tour son adjoint et la jeune femme, se demandant s’il était encore dans son lit, en train de rêver.

— Bon, OK, fit-il enfin, vous allez m’expliquer tout cela plus clairement. D’où tenez-vous ces informations ?

— Elicius m’a prévenue.

— Il vous a prévenue ? répéta Lepage d’un ton incrédule.

Jeanne était figée près de la porte du bureau, comme prête à s’enfuir. Elle avait envie de faire marche arrière, de tout effacer et de recommencer. Une véritable torture.

— Alors, Jeanne ! Expliquez-moi ! s’impatienta Esposito.

Mais elle avait soudain perdu la parole.

Elle recula de trois pas et fixa le bout de ses chaussures. Au bord du malaise. Du feu dans la tête et un froid glacial dans le reste du corps.

Les deux policiers la dévisageaient sans relâche, hésitant sur la manière de l’amener à la confidence.

— Vous voulez venir vous asseoir ? proposa le capitaine d’une voix radoucie.

Elle secoua la tête, mais il la prit par les épaules pour la conduire jusqu’à une chaise. A ce contact, le corps de la jeune femme se contracta ; elle se dégagea d’un geste nerveux et recula encore.

— Écoutez, Jeanne, si vous savez certaines choses, il faut nous les révéler… Maintenant.

Pourquoi les mots restaient-ils coincés ? Pourquoi fallait-il faire une chose aussi infâme ?

— Mais je viens de vous le dire ! s’écria-t-elle. Il va tuer Emmanuel Aparadès ! Il va le tuer ce soir !

— OK, murmura le capitaine. Comment savez-vous cela ?

— Je vous l’ai dit aussi ! Il m’a prévenue !

Brusquement, le lieutenant perdit son sang-froid. Il se planta face à elle.

— Oh ! Vous n’avez pas intérêt à nous raconter des bobards ! On n’est pas là pour s’amuser, nous ! Alors, si c’est une plaisanterie, je vous préviens, ça va vous coûter cher, ma petite !

Un guet-apens. Prisonnière, harcelée par ces regards ennemis. Salie. Alors, elle s’enfuit en courant vers la porte, mais Lepage la rattrapa dans le couloir, la saisit brutalement par le bras. Elle se débattit furieusement. Esposito se jeta à son tour dans la bagarre et sépara les deux combattants.

— Ça suffit ! ordonna-t-il. Lâche-la, maintenant !

— Tu vois pas que cette petite conne se fout de notre gueule ?

— Je t’ai dit de la lâcher !

Le lieutenant s’exécuta et Jeanne se retrouva pétrifiée contre un mur. Animal apeuré.

Le capitaine s’approcha doucement, pour ne pas l’affoler davantage.

— Calmez-vous, Jeanne. Ce n’est pas une plaisanterie ? Vous n’êtes pas en train de nous raconter des salades ?

— Mais non ! répondit-elle avec des sanglots dans la voix.

— Venez dans mon bureau. Nous serons plus tranquilles pour discuter. D’accord ?

Avec délicatesse, il lui prit le bras et elle se laissa faire. Lepage haussa les épaules et suivit son chef. Mais Esposito lui fit comprendre qu’il n’était pas convié et lui ferma la porte au nez.

Il invita Jeanne à s’asseoir en face de lui.

Elle ne prit que la moitié de la chaise, recroquevillée et silencieuse.

— Je vous écoute.

— Je… Je vous l’ai dit, il va tuer cet homme !

— J’ai bien entendu, Jeanne. Mais j’ai besoin de savoir comment vous détenez cette information. Il vous a contactée ?

— II… II… Il m’écrit tous les jours.

Les yeux d’Esposito s’arrondirent démesurément.

— Il vous écrit tous les jours ?

— Oui.

— Mais vous le connaissez ? Vous savez qui c’est ?