Выбрать главу

« Soit, dis-je. Je transmets l’ordre au gouvernement trill.

— Et dans ton secteur ? demanda Rhénia.

— Mauvais. Nous faisons tout ce que nous pouvons, mais nous ne serons probablement pas encore assez éloignés. Il faut s’attendre à perdre les superstructures de nombre de villes, celles qui, situées à des basses latitudes, ne sont pas couvertes d’une masse suffisante de neige. Cela veut dire Huri-Holdé, hélas !

— Bah, la ville est vide !

— Il faudra la rebâtir, plus tard ! »

Fatigué, je m’étendis dans une chambre de désintoxication et en sortis une demi-heure plus tard, reposé. C’était — ce sera ! — une chose merveilleuse que ces chambres, et je regrette de n’avoir ni le temps ni surtout les connaissances en physiologie nécessaires pour en construire une ici.

Je reçus ensuite Hélin, le maître des Hommes.

L’évacuation des villes menacées se poursuivait normalement, mais, pendant celle de Kelnis, la police avait découvert tout un arsenal clandestin, probablement destiniste, comportant, outre les grossiers pistolets chimiques, quelques fulgurateurs, bricolés, mais efficaces.

« Je suis inquiet, Haurk. Des rumeurs circulent dans le peuple, que les destinistes avaient raison après tout, que la Terre sera volatilisée. Comment le secret a-t-il pu se répandre ? En dehors de Kelbic et de votre femme, insoupçonnables, de vous-même, et de nous, membres du Conseil, nul ne devrait savoir !

— L’accélération brusque des géocosmos n’a pu passer inaperçue. Hélin. Leurs équipes sont au courant. De plus, nous avons communiqué la nouvelle aux expéditions martiennes. Enfin, êtes-vous sûr de votre police ?

— Absolument ! J’ai fait psychotester tous ses membres ces jours derniers. Pas un n’a échoué au test de loyauté. »

Ce test était considéré comme infaillible, et l’expérience de presque un millénaire paraissait confirmer cette infaillibilité. Test cruel, d’ailleurs, dans lequel le sujet, hypnotisé, ou plutôt halluciné, devait exécuter son propre père, ou sa mère, ou son fils, convaincu de trahison ; Cette exécution n’était évidemment qu’un simulacre, perpétré sur un mannequin. Mais pour le sujet, elle était terriblement réelle. Les enregistreurs psychiques permettaient de juger avec exactitude de la réaction de l’individu. Mais pour des destinistes, fanatiques résolus à tout sacrifier, ce test était-il encore valable ?

« Ce qui m’inquiète surtout, reprit-il, c’est la construction de fulgurateurs, même imparfaits. C’est difficile sans la complicité de quelque tekn.

Je vois mal un tekn embrasser la philosophie destimste, et normalement toute ambition personnelle, toute volonté de dictature usant du destinisme comme moyen aurait dû être décelée avant le serment, comme dans le cas de Oujah. Mais nul tekn n’a jamais subi le test le loyauté, considéré dans son cas comme superfétatoire, peut-être à tort.

— Vous savez bien, Hélin, que notre entraînement mironicien nous met à l’abri de l’hypnose ! Faites pour le mieux. Pour ma part, je crois que le destinisme a eu les reins cassés dans la révolte.

— Je voudrais en être aussi sûr que vous, Haurk. Je crois en effet qu’ils ont perdu toute chance de prendre le pouvoir, mais non d’être nuisibles. S’ils peuvent vous éliminer, par exemple, ils ne s’en priveront pas. Dix hommes sûrs vous gardent, vous et votre femme, et d’autres veillent sur Kelbic ou sur les maîtres. Mais si vous vouliez admettre que le danger est sérieux, cela faciliterait leur tâche !

— Entendu. Je suis toujours armé, d’ailleurs. »

À deux heures du matin, Rhénia m’annonça le séisme. Ressenti par tous les sismographes du globe, il fut d’une violence extraordinaire. Les îles Kiln disparurent en une demi-heure, remplacées par des volcans sous-marins. L’évacuation était terminée, et il y eut très peu de victimes. Retransmis d’un cosmo survolant les lieux, le spectacle était grandiose. Sous le ciel noir clouté d’étoiles, un panache de feu montait, illuminant une grande tache sombre, l’océan localement dégelé, bordé du blanc brillant de la banquise. À quatre heures du matin, une formidable explosion expulsa vers le zénith des milliers-de tonnes de roches pulvérisées qui retombèrent en pluie sûr la glace. À Kelnis et Aslor, des rues souterraines s’effondrèrent, et à Borik Réva, à l’emplacement de votre Los Angeles, des fissures lézardèrent le revêtement étanche de la ville basse.

Peu avant midi, je fis appeler Mars. L’expédition se rembarquait sans avoir élucidé les secrets de l’astronef martien. Une partie seulement des moteurs, très complexes, avait pu être étudiée. Je le regrettai, mais, satisfait que l’ordre de repli ait été exécuté, je coupai le contact et allai me reposer.

Le lendemain matin, je me réveillai assez tard. Rhénia était déjà partie à son poste. À peine au bureau, j’activai les écrans. Tout paraissait normal partout. Il n’y avait pas eu d’autres secousses sismiques, la tension de la croûte terrestre avait diminué sous le Pacifique ; Vénus, sans océans profonds, n’avait subi que de faibles secousses. Kelbic vint me rejoindre, et après quelques minutes de conversation, je le lançai sur le problème de la fabrication des fulgurateurs à grande puissance. Inutiles dans un monde sans guerre, ils n’avaient jamais été étudiés, mais les documents découverts sur Mars démontraient que la galaxie possédait d’autres races, qui ne seraient peut-être pas pacifiques.

Vers midi, un de mes écrans s’illumina, et la face effarée de Tirik, l’ingénieur en chef des communications, apparut :

« Haurk, il y a quelqu’un qui appelle de Mars !

— Impossible, l’expédition est repartie depuis hier midi !

— Je le sais bien, mais les ondes proviennent du relais principal, près du site d’Erikorob, qu’ils étaient en train de fouiller.

— Qui est-ce ?

— Je ne sais pas. Il refuse de donner son nom et ne transmet pas d’images. Il demande une conversation directe avec vous. »

Un soupçon se précisait dans ma pensée.

« Soit : Donnez-moi la communication. »

Sur l’écran, comme je m’y attendais, parut la face de Klobor. Il souriait.

« Inutile de vous mettre en colère, Haurk. Je suis au-delà de vos atteintes ! Vous ne pourrez pas m’envoyer sur Pluton !

— Klobor ! Vieux fou ! Comment avez-vous pu …, et comment le pilote n’a-t-il pas signalé votre absence ? Il n’est pas à l’abri, celui-là !

— Ce n’est pas sa faute. Je me suis glissé hors du cosmo juste avant leur départ, après avoir saboté leur transmetteur. Comme cela, ils ne peuvent solliciter l’autorisation de revenir me chercher !

— Oh ! Je la leur aurais refusée ! Enfin, pourquoi êtes-vous resté sur Mars ?

— Très simple. J’ai bricolé un système de relais qui permettra à vos physiciens de continuer à me guider pendant que j’achèverai le démontage des moteurs, sur l’astronef martien. Je travaillerai jusqu’au moment où le Soleil … Plus de huit jours, cela doit suffire, malgré mon inexpérience en mécanique. »

Je restai un moment muet, me demandant si je n’allais pas me lever et saluer ce tranquille héroïsme.

« Mais, Klobor, avez-vous pensé à … Quand la marée solaire atteindra Mars … Je sais, ce sera rapide, mais vous allez avoir quelques minutes terribles ! »

Il sourit, tira de sa poche une fiole rose.

« J’ai tout prévu. Ce flacon de birinn. »