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« Kelbic !

— Quoi ? Ah, c’est toi, Haurk. Que veux-tu ?

— Sur quoi travailles-tu actuellement ?

— Sur quoi veux-tu que je travaille ! L’hyperspationef, bien sûr ! Nous faisons quelques progrès …

— Laisse tomber l’hyperspationef. Il y a plus urgent. J’ai besoin de toi et de ta ménagerie de génies au biberon ! »

Derrière Kelbic, je pus voir le jeune Hoktou jeter vers l’écran un regard furieux.

« Tu vas te mettre immédiatement en rapport avec Théli et Rhoob, ces deux tripoteurs de consciences, et tu vas fabriquer une arme psychotechnique. Ne me regarde pas comme cela ! Je vais t’envoyer l’enregistrement des conversations que nous avons eues avec un prisonnier, et tu comprendras ! C’est urgent ! Utilise l’analyse haurkienne, l’analyse kelbicienne, ou même ce que le jeune Hoktou « concocte » actuellement, et qui nous fera bientôt passer tous pour des idiots, mais trouve ! C’est une question de vie ou de mort pour huit cent millions d’humains sur Telbir, sans compter toutes les vies que nous risquons de perdre autrement !

— Bigre !

— Je suis très sérieux, Kelbic. Priorité n° 1 au projet … comment pourrions-nous l’appeler ? Ah, j’y suis : projet épouillage. Il s’agit d’épouiller Telbir. Je compte sur toi. »

La lampe rouge d’alerte clignote sur mon bureau. Je coupai la communication avec Kelbic et reçus celle de Kirios :

« La bataille est engagée, Haurk. Nous sommes attaqués par environ 1 200 appareils, Vénus par 600. Nous avons pour répondre 2 400 cosmos, plus les projectiles téléguidés. J’avais peur de bien pire !

— Faites le plus possible de prisonniers.

— Des prisonniers ! Dans une bataille spatiale ! Enfin, on essayera ! »

La bataille fit rage pendant 17 jours. Kirios épargna nos forces au maximum. Négligeant les bombardements ennemis, qui ne firent que des dégâts relativement minimes, car nous étions encore loin du soleil, et nos cités étaient couvertes d’une épaisse couche d’air solide et de neige glacée, nos cosmos, groupés en masses compactes, empêchèrent tout débarquement ennemi. Une bombe à hydrogène, déviée par de puissants champs paragravitiques, tomba à cent vingt kilomètres d’Huri-Holdé, et pendant quelques minutes, rendit à la Terre, à cet endroit, une atmosphère fortement radioactive. Loin dans l’espace, de brillantes et éphémères étoiles s’allumaient, marquant chaque fois la fin d’un astronef, plus souvent ennemi qu’ami. De toutes les rampes de lancement préparées par Kirios depuis qu’il avait joint son destin au nôtre partaient, à jet presque continu, des missiles. Au dix-septième jour, l’ennemi, réduit à un cinquième de sa force primitive, se retira. Nous avions perdu un dixième de nos propres appareils. Vingt prisonniers seulement purent être faits, parmi lesquels un R’hneh’er.

Pendant ce temps, je n’étais pas resté inactif. Tout en assumant la direction générale de la guerre, j’avais trouvé le temps de passer quelques heures au laboratoire en compagnie de Kelbic et de son équipe. Il avait réuni là tout ce que la planète comptait de brillants mathématiciens, physiciens, biologistes, psychologues. Le problème fut attaqué de front, avec un acharnement sauvage. Riks avait été compris dans l’équipe, comme seule source de renseignements de première main sur l’ennemi. Il se rendit vite utile aussi par ses talents pratiques d’ingénieur. Il n’avait pas son pareil pour bricoler un appareil expérimental à toute vitesse. Il travaillait avec une ardeur féroce, essayant, de toute sa volonté, de se venger des siècles d’esclavage subis par son peuple.

Mais je ne pouvais suivre les travaux de près, faute de temps. D’ailleurs, depuis que j’avais pris en main les destinées de la Solodine et de la Terre, je n’avais plus eu le loisir de faire de vraie recherches, et j’étais nettement dépassé, non seulement par Kelbic, mais encore par Hoktou, et même un ou deux autres. Aussi est-ce avec surprise que, le vingt-cinquième jour, j’entendis Kelbic m’annoncer calmement, au visiophone.

« Ça y est, Haurk. Le problème est, je crois, résolu, du moins au stade du laboratoire. C’était d’ailleurs simple, et il suffisait d’y penser. C’est idiot, ce cloisonnement des sciences ! Théli avait depuis longtemps en main les données du problème, et nous les outils mathématiques, développés d’ailleurs dans un tout autre but. Il suffit d’appliquer au flux psychique les équations de Haurk — mais oui, les tiennes ! — en les modifiant, bien entendu, ensuite d’appliquer mon analyse aux résultats, et on obtient une équation hurtenienne, qui admet deux solutions, une positive, et une négative. La solution négative nous donne la clef. Je t’expliquerai.

— Et qui a trouvé ça ? Toi ?

— Non. Pas même Hoktou, il est assez furieux ! C’est Tilken. Nous étions passés à côté. Tu sais que Tilken est friand de romans fantastiques. Dans une des histoires qu’il lisait, le héros fabrique une machine extraordinaire en utilisant la solution négative donnée à un problème par un calculateur mésonique. Il faudra décorer l’auteur, qui habite Iliir. En bref, Tilken, ayant lu le livre, a eu l’idée.

— Peu importe qui a trouvé. Je viens immédiatement. »

L’appareil se dressait sur la grande table centrale, bizarre enchevêtrement de fils et de tubes, surmonté d’un projecteur, et entouré de toute une foule de jeunes tekns excités au plus haut point.

— Ne regarde pas ce monstre de trop près, dit Kelbic. C’est bricolé, il y a au moins la moitié de pièces qui sont inutiles, mais ça marche.

— Et quel résultat ?

— Un renforcement immédiat de la mémoire, analogue à celui que produit le psychoscope, mais sans la nécessité d’un casque. Veux-tu essayer ? Te souviens-tu exactement des premières paroles que tu m’as adressées ? Le peux-tu ?

— Non certes. Je ne me souviens même plus du moment exact où nous nous sommes rencontrés.

— Place-toi là. Je vais mettre en marche le projecteur. Ça y est. Ah ! Merde ! »

Avec un claquement sec, un disjoncteur venait de s’ouvrir.

« Bien entendu ! Ça marche parfaitement, et quand on veut démontrer ! Mais qu’est-ce que tu as ? »

Dans un éclair, je venais de voir défiler ma vie entière, y compris certains épisodes que j’aurais mieux aimé oublier à jamais. Je le dis à Kelbic. Il parut ahuri, puis se mit à danser.

« De mieux en mieux ! Jamais je n’y aurais songé ! Cela démolit les dernières difficultés ! Je pensais que nous aurions dû baigner Telbir dans notre rayonnement mnémonique, et parachuter quelques prisonniers convertis pour demander aux autres de se souvenir, mais maintenant, nul besoin ! Tu as reçu une très brève émission, à haute intensité, et oscillante. On peut encore perfectionner cela, et je crois que les R’hneh’ers vont passer un sale quart d’heure, si même cela dure un quart d’heure ! Bien entendu, cette illumination de la mémoire ne persiste pas, mais si beaucoup de souvenirs redisparaissent, les plus importants restent.

— Le tout est de savoir si ce rayonnement sera suffisant pour contrebalancer la puissance de suggestion des R’hneh’ers.

— Nous avons quelques prisonniers, je crois. Qu’on les amène ! Et qu’on amène aussi l’autre ! »

Je donnai les ordres nécessaires, et une vingtaine d’hommes arrivèrent, sous bonne garde. Enfermé dans une cage de métal, poussée sur des roulettes, venait ensuite le R’hneh’er.

« Procédons avec ordre, dit Kelbic. D’abord un isolé. L’oscillateur est prêt ? Allons-y ! »

Devant le projecteur fut poussé un jeune homme blond, la haine aux yeux. Kelbic ferma le contact. L’effet fut foudroyant. L’homme porta ses mains à ses tempes, vacilla, promena autour de lui un regard fou. Riks se précipita vers lui.