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— Ce n’est pas que je ne vous croie pas. C’est amusant, c’est tout. Bien entendu, c’est ce que nous voulons leur laisser croire. Ce qu’on demande simplement, c’est qu’on nous laisse tranquilles pour l’instant, et où serions-nous plus tranquilles et en sécurité que dans l’hyperespace ? Si nous n’y sommes pas vraiment, c’est tout comme, pour peu que les gens le croient.

— Oui, dit Trevize sèchement, et de la même manière quelque chose pousse les gens à croire que la Terre n’existe pas, ou qu’elle est très loin, ou pourvue d’une croûte radioactive.

— A l’exception des Comporelliens, remarqua Pelorat, qui la croient située relativement près d’eux.

— Mais néanmoins pourvue d’une croûte radioactive. D’une manière ou d’une autre, tous les peuples dotés d’une légende sur la Terre considèrent celle-ci comme inaccessible.

— C’est plus ou moins exact, admit Pelorat.

— Bien des gens sur Seychelle croyaient Gaïa proche ; certains avaient même identifié correctement son étoile ; et néanmoins, tous la considéraient comme inaccessible. Il se pourrait que certains Comporelliens soutiennent que la Terre est une planète radioactive et morte, mais soient capables d’identifier son étoile. Dans ce cas, nous l’approcherons, qu’ils la considèrent ou non comme inaccessible. C’est exactement ce que nous avons fait avec Gaïa.

— Gaïa était disposée à vous recevoir, Trevize, remarqua Joie. Vous étiez impuissants entre nos mains, même si nous n’avons jamais songé à vous faire du mal. Imaginez en revanche que la Terre elle aussi ait ce pouvoir, mais ne soit pas bienveillante. Qu’arrivera-t-il ?

— Je dois de toute façon tenter de l’atteindre, et en accepter les conséquences. Toutefois, ceci est ma mission. Une fois que j’aurai localisé la Terre et pris son cap, il sera toujours temps pour vous d’abandonner. Je vous déposerai sur le plus proche monde de la Fondation ou vous ramènerai à Gaïa, si vous insistez, puis gagnerai la Terre seul.

— Mon brave compagnon, intervint Pelorat, manifestement au désarroi. Ne dites pas de telles choses. Loin de moi l’idée de vous abandonner.

— Ou moi d’abandonner Pel », dit Joie en tendant la main pour effleurer la joue de Pelorat.

« Dans ce cas, fort bien. Nous n’allons pas tarder à être prêts à effectuer le saut pour Comporellon ; ensuite, espérons-le, ce sera… cap sur la Terre. »

Deuxième partie :

Comporellon

Chapitre 3

A la station d’entrée

9.

En pénétrant dans la chambre, Joie lança : « Trevize vous a-t-il dit que nous allions effectuer le saut et pénétrer d’un instant à l’autre dans l’hyperespace ? »

Pelorat qui était penché sur son lecteur de disque leva les yeux et répondit : « A vrai dire, il a simplement passé la tête et m’a dit : “ dans la demi-heure ”.

— Je n’aime pas trop y penser, Pel. Je n’ai jamais aimé les sauts. Ça me fait une drôle d’impression d’être sens dessus dessous. »

Pelorat eut l’air un rien surpris : « Je ne vous avais pas imaginée en baroudeuse de l’espace, Joie chérie.

— Je ne le suis pas particulièrement et quand je dis cela, je ne parle pas uniquement de mon aspect composante de Gaïa. Gaïa n’a par elle-même jamais l’occasion d’effectuer des voyages spatiaux réguliers. Par ma/notre nature même, je/nous n’explorons, commerçons, trafiquons pas dans l’espace. Malgré tout demeure la nécessité d’avoir certaines stations d’entrée…

— Comme lorsque nous avons eu la bonne fortune de faire votre connaissance.

— Oui, Pel. » Elle lui sourit affectueusement. « Ou alors pour visiter Seychelle et d’autres régions stellaires, pour diverses raisons – en général clandestines. Mais clandestines ou pas, cela signifie toujours un saut et, bien entendu, chaque fois que l’un ou l’autre élément de Gaïa l’effectue, Gaïa tout entière le ressent.

— Voilà qui est bien fâcheux.

— Ça pourrait être pire. Le plus gros de la masse de Gaïa ne subit pas le saut, de sorte que l’effet est largement dilué. Malgré tout, j’ai l’impression de le ressentir plus que la majeure partie de Gaïa. Comme je n’ai cessé de le dire à Trevize, même si tout l’ensemble de Gaïa est Gaïa, ses composants individuels ne sont pas identiques. Nous avons nos différences et ma composition est, pour quelque raison, particulièrement sensible au saut.

— Attendez ! dit Pelorat, se souvenant soudain. Trevize m’a expliqué ça un jour. C’est avec les vaisseaux ordinaires que vous avez les pires sensations. A bord des vaisseaux ordinaires, on quitte le champ de gravité galactique à l’entrée dans l’hyperespace, et l’on y revient en regagnant l’espace normal. C’est ce changement qui produit la sensation. Mais le Far Star est un vaisseau gravitique. Il est indépendant du champ gravitationnel et ne le quitte ni ne le réintègre vraiment. Raison pour laquelle nous ne sentirons rien du tout. Je puis vous l’assurer, chérie, par expérience personnelle.

— Mais c’est merveilleux ! Je regrette de n’avoir pas discuté plus tôt du problème. Cela m’aurait épargné une considérable appréhension.

— Il y a encore un autre avantage », reprit Pelorat, qu’emplissait d’une soudaine allégresse ce rôle inhabituel de vulgarisateur en astronautique. « Le vaisseau ordinaire naviguant en espace normal doit s’éloigner à une assez grande distance des masses importantes telles que les étoiles, pour être en mesure de procéder au saut. Une des raisons est que plus on est proche d’une étoile, plus intense est le champ gravitationnel et plus prononcées les sensations liées au saut. Et puis, également, plus est intense le champ gravitationnel et plus se compliquent les équations qu’il faut résoudre pour mener à bien le saut et aboutir au point de l’espace ordinaire où vous avez choisi d’aboutir.

« Dans un vaisseau gravitique, par contre, il n’y a pour ainsi dire pas de sensation de saut. De plus, ce vaisseau dispose d’un ordinateur considérablement plus avancé que les machines ordinaires, capable de manipuler des équations complexes avec une aisance et une vitesse inusitées. Le résultat est qu’au lieu d’être obligé de s’éloigner d’une étoile pendant une quinzaine de jours afin d’atteindre une distance sûre pour effectuer la manœuvre, le Far Star se contente de deux ou trois jours de trajet. Et ce, en particulier, parce que nous ne sommes pas soumis à un champ gravitationnel et, par conséquent, aux effets de la force d’inertie – je reconnais ne pas bien saisir ce point mais enfin, c’est ce que Trevize m’a dit –, ce qui nous permet d’accélérer bien plus rapidement que n’en serait capable n’importe quel astronef ordinaire…

— Impeccable, dit Joie, et c’est à mettre au crédit de Trev qu’il soit capable de piloter ce vaisseau peu commun. »

Pelorat fronça légèrement les sourcils. « Je vous en prie, Joie. Dites “ Trevize ”.

— Absolument, absolument. En son absence, toutefois, je me relâche un peu.

— N’en faites rien. N’allez pas encourager cette habitude, ne serait-ce qu’un peu, chérie. Il est tellement susceptible à ce sujet.

— Pas à ce sujet. A mon sujet. Il ne m’aime pas.

— Ce n’est pas vrai, dit avec ardeur Pelorat. J’en ai parlé avec lui… Allons, allons, ne froncez pas les sourcils. J’ai fait montre d’une extraordinaire discrétion, ma chère enfant. Il m’a assuré qu’il ne vous détestait pas. Il a certes des soupçons à l’égard de Gaïa et regrette d’avoir été contraint d’en faire l’avenir de l’humanité. Nous devons tenir compte de cela. C’est un sentiment qu’il surmontera en prenant graduellement conscience des avantages de Gaïa.