On est là, à remâcher des rancœurs. Ni Martin Braham ni sa partenaire n’ont encore été retrouvés.
— Quelle aventure ! Quelle aventure, Seigneur ! soupire m’man en caressant ma tête sur le matelas où j’étale ma viande.
— Une chose me turlupine, soupiré-je. Je ne comprends pas, mais alors pas du tout pourquoi le Vieux nous avait donné l’ordre de neutraliser Martin Braham. En quoi l’affaire Nino-Clamar le concernait-il ? Qu’est-ce qu’il en avait à fiche que le roi des tueurs soit à Tenerife ? Vous pouvez me le dire, vous autres ?
— Moi, ouais ! fait Marie-Marie.
Je me dresse sur un coude.
— Qu’est-ce que tu la ramènes, moustique ! morigène tonton Béru. Tu t’crois toujours plus marle que le monde.
Miss Tresses bondit sur ses pattes de sauterelle.
— File-moi une pièce de mornifle, Santonio, et je te donne la clé de lénine.
C’est m’man qui lui file son nickel. La gosseline part comme une flèche, contourne la piscine grouillante, passe sous le bananier dont les deux régimes commencent déjà à jaunir et plonge dans l’ombre capiteuse de l’hôtel.
— Où qu’elle a z’été encore, cette mistoufle ? murmure le Gravos en dégustant son verre de vin blanc espago.
La môme réapparaît déjà en brandissant un journal.
Elle saute parmi les vachasses teutonnes rouges et variqueuses et cabriole jusqu’à notre groupe. Elle me flanque France-Soir sur la figure en riant. Je l’écarte pour prendre connaissance de la manchette étalée sur quatre colonnes, qui hurle à la une :
Je ne vais pas plus loin.
La rifouille me biche.
Ah, Dieu oui, je pige le tourment du Vieux quand il a appris que « l’Homme », le tueur, débarquait aux Canaries.
Je pige aussi pourquoi la police de l’île ne me donnait pas la courante. Elle était mobilisée pour une tâche autrement urgente.
Je rigole de plus en plus fort ! Je pense à Martin Braham, le tueur number one ! Son premier coup à compte d’auteur a foiré à cause de deux présidents cachotiers…
Les yeux pointus et sarcastiques de Marie-Marie me dissipent l’hilarité. Rien de plus intimidant qu’un regard d’enfant. De plus impitoyable…
— Ben quoi, finis-je par murmurer, qu’est-ce qu’il y a, môme ?
Elle soupire, pensive, au bout d’un examen méticuleux de ma personne :
— Je cherchais le pourquoi que je veux t’épouser, Santonio. C’est pas que tu sois intelligent, mais t’es beau, tu sais !