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Ils étaient encore à cinq kilomètres de Titanville lorsque Cornemuse regarda derrière elle avec une expression préoccupée. Elle observait le toit obscur.

« Gaïa respire, chanta-t-elle avec tristesse.

— Comment ? Êtes-vous certaine ? Je pensais que ça ferait du bruit et que nous aurions largement le temps de… cela signifie-t-il que les anges vont revenir ?

— C’est le vent d’ouest qui est bruyant, corrigea Cornemuse. Le souffle de Gaïa est silencieux, lorsqu’il provient de l’est. Je crois même les entendre déjà. » Elle trébucha et faillit démonter Cirocco.

« Eh bien, dépêchons-nous, bon sang ! Si vous êtes coincées ici, seules vous n’avez aucune chance.

— Il est trop tard », chanta Cornemuse et ses yeux étaient maintenant implorants, ses lèvres crispées révélaient sa denture éclatante.

« Allez ! » Cirocco avait depuis des années pris l’habitude de ce ton de commandement et elle parvint plus ou moins à le faire passer dans un chant de Titanide. Cornemuse partit au galop et Flûte-de-Pan lui emboîta le pas.

Bientôt Cirocco put entendre à son tour le cri des anges. Cornemuse hésita ; elle luttait contre son désir de faire demi-tour pour se battre.

Ils approchaient d’un arbre isolé et Cirocco prit une brusque décision.

« Halte. Dépêchons, nous n’avons guère de temps. »

Ils s’arrêtèrent sous l’abri des branches et Cirocco sauta sur le sol. Cornemuse essaya de se cabrer mais Cirocco la gifla ce qui parut la calmer temporairement.

« Gaby, coupe-moi ces fontes. Flûte-de-Pan ! Arrête ! Reviens immédiatement ».

Flûte-de-Pan parut hésiter mais revint tout de même. Gaby et Cirocco s’acharnaient avec frénésie, lacérant leurs vêtements pour en faire trois cordes épaisses.

« Mes amis, chanta Cirocco, une fois les longes confectionnées. Je n’ai pas le temps de vous expliquer. Je vous demande simplement de me faire confiance et de m’obéir. » Elle avait mis dans son chant toute sa détermination, le transcrivant dans le mode employé par les vieux sages pour parler aux jeunes insouciants. Cela marcha, mais tout juste. Les deux Titanides continuaient de regarder vers l’est.

Elle les fit coucher sur le flanc.

« Ça fait mal », geignit Cornemuse lorsque Cirocco lui attacha les jambes arrière.

« Je suis désolée mais c’est pour votre bien. » Elle ligota rapidement les jambes avant et les bras puis lança une gourde de vin à Gaby. « Fais-lui-en ingurgiter le plus possible. Je veux qu’il soit trop bourré pour bouger.

— Pigé.

— Mon petit, je veux que tu boives ceci, chanta-t-elle. Et toi aussi, là-bas. Buvez tout votre content. » Elle colla la gourde contre les lèvres de Cornemuse. Le hurlement des anges s’était amplifié. Les oreilles de la Titanide frémissaient.

« Du coton, du coton », murmura-t-elle. Elle déchira des morceaux de sa tunique déjà réduite en lambeaux et les pressa en boules serrées. « Cela a déjà marché pour Ulysse, ça marchera bien pour moi. Gaby, les oreilles. Bouche-lui les oreilles.

— J’ai mal ! hurla Cornemuse. Détachez-moi, monstre terrien. Je n’aime pas du tout ce jeu. » Elle se mit à geindre, ses notes indistinctes entrecoupées de mots de haine.

« Encore un peu de vin », ronronna Cirocco. La Titanide déglutit en suffoquant. Les cris des anges étaient à présent assourdissants. Cornemuse se mit à leur répondre par un hurlement. Cirocco saisit la Titanide par les oreilles et enfouit la grosse tête dans son giron. Elle colla les lèvres contre une oreille et lui chanta une berceuse Titanide.

« Rocky, à l’aide ! glapit Gaby. Je ne connais aucun de ces airs. Chante plus fort ! » Flûte-de-Pan se débattait en poussant des cris perçants tandis que Gaby essayait de le maintenir par les oreilles. Il la repoussa d’une détente de ses mains ligotées.

« Rattrape-le ! Ne le laisse pas s’échapper.

— C’est ce que j’essaie de faire. » Elle se rua vers lui en essayant de lui coller les bras au corps mais il était bien trop vigoureux pour elle. Elle trébucha à nouveau et se releva avec une coupure au-dessus de l’œil droit.

Flûte-de-Pan attaquait à pleines dents les liens de ses poignets. Le tissu se déchira et il se colla les mains aux oreilles.

« Et maintenant, Rocky ? hurla Gaby avec désespoir.

— Viens m’aider. Il te tuera si tu t’interposes. » Il était bien trop tard pour arrêter Flûte-de-Pan. Ses antérieurs étaient déjà libérés et il se contorsionnait comme un serpent pour déchirer ses ultimes liens.

Sans un regard pour les deux femmes ou pour sa compagne, il fonça vers Titanville. Il disparut bientôt derrière le sommet d’une colline.

Gaby semblait ne pas s’apercevoir qu’elle pleurait lorsqu’elle s’agenouilla près de Cirocco. Elle ignorait tout autant le filet de sang qui coulait sur sa joue.

« Que puis-je faire ?

— Je ne sais pas. Touche-la, caresse-la, fais tout ce que tu jugeras utile pour la distraire des anges. »

Cornemuse se débattait maintenant, les dents serrées, le visage exsangue. Cirocco tint bon, la serrant autant qu’elle put tandis que Gaby passait une corde autour de torse de la Titanide pour lui immobiliser les bras.

« Chut, chut, chuchota Cirocco. Il n’y a rien à craindre. Je vais te veiller jusqu’au retour de ton arrière-mère. Je te chanterai des berceuses. »

Cornemuse se calma peu à peu et Cirocco lut à nouveau dans ses yeux la même lueur d’intelligence qu’au premier jour de leur rencontre. C’était un spectacle infiniment plus réconfortant que celui de l’animal redoutable qu’elle était devenue un peu plus tôt.

Il s’écoula dix minutes encore avant que ne disparaisse le dernier ange. Cornemuse était trempée de sueur, comme un héroïnomane ou un alcoolique en manque.

Elle se mit à glousser tandis qu’elles guettaient le retour des anges. Cirocco s’allongea sur le côté, face à la Titanide, la tête près d’elle ; elle sursauta lorsque la créature se mit à bouger. Ce n’était pas, comme auparavant, pour éprouver ses liens. Non, le mouvement était ouvertement sexuel. Elle gratifia Cirocco d’un baiser humide. La bouche était si large et chaude que c’en était désarmant.

« J’aimerais être un garçon », roucoula-t-elle d’une voix avinée. Cirocco baissa les yeux.

« Seigneur », suffoqua Cirocco. L’énorme pénis de la Titanide était sorti de son fourreau et l’extrémité battait contre le sol.

« Pour vous, vous êtes peut-être une fille, chanta Cirocco, mais pour moi vous êtes un trop grand garçon. »

Cornemuse trouva ceci désopilant. Elle rugit de rire et tenta d’embrasser à nouveau Cirocco mais lorsque cette dernière recula, elle abandonna avec bonne humeur.

« Je vous ferais beaucoup de mal. » Elle hoquetait. « Hélas, ceci est destiné à un orifice arrière, dont vous êtes absolument dépourvue. Si j’étais un garçon, j’aurais un membre convenable pour vous. »

Cirocco sourit et la laissa divaguer mais ses yeux ne souriaient pas lorsqu’elle regarda Gaby par-dessus l’épaule de la Titanide.

« En dernière extrémité, dit-elle d’une voix calme, en anglais, si jamais elle faisait mine de se libérer, prends cette pierre et assomme-la. Si elle s’échappe, elle est morte.

— Pigé. Mais qu’est-ce qu’elle raconte ?

— Elle a envie de me faire l’amour.

— Avec ça ? Je ferais peut-être mieux de la sonner tout de suite.

— Ne sois pas idiote. Nous ne risquons absolument rien. Si elle se libère, elle ne nous remarquera même pas. Les entends-tu revenir ?