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Тютчевой Эрн. Ф., 11 июля 1863*

11. Эрн. Ф. ТЮТЧЕВОЙ 11 июля 1863 г. Москва

Moscou. Jeudi. 11 juillet

Je reçois à l’instant ta lettre en date du 6 — et quand j’en suis venu à cet endroit de ta lettre où tu me dis: «Je fais d’énormes promenades à moi toute seule et cela me rappelle les temps de ma jeunesse où je vivais ainsi seule», — je ne puis te dire quel flot de mélancolie poignante m’a submergé le cœur. Dans ce moment j’aurais de bon cœur sacrifié une année de vie pour me trouver transporté auprès de toi. Ah, il y a des fatalités bien odieuses… Mais de grâce, ne sois pas en peine de ma santé. Je me remets et serai bientôt réintégré dans mon état normal, bien peu normal, il est vrai. Il me tarde de savoir Marie revenue auprès de toi*. Je sens si bien comme sa présence te manque et je lui gönne la tienne, pour un moment de laquelle je donnerais je ne sais quoi…

Nous touchons à la crise. Hier on a reçu les réponses de Gortchakoff qui ont été accueillies ici avec une satisfaction unanime*. Elles sont dignes et fermes et ne laissent aux puissances d’autre alternative qu’une honteuse retraite ou la guerre. — Aussi plus que jamais je crois à la guerre et je la crois imminente. Pour Napoléon surtout c’est devenu une question de vie ou de mort, au moins politique.

J’ai écrit ce matin à Gortch<akoff> pour le complimenter — et cette fois j’ai eu la satisfaction de ne lui dire que des choses vraies (ce qui est bien agréable). Ses notes, encore une fois, sont très bien et tu les liras avec plaisir. — Mais je vous plains dans le moment actuel d’être pour vos informations à la merci de la poste. Ici, grâce à mes relations intimes et continuelles avec Катков, je suis presqu’aussi à la source des nouvelles que si j’étais à Péters<bourg>. — C’est une nature très sympathique que Катков. Je dîne demain chez lui et nous boirons à la santé de Gortch<akoff>. — Je l’en ai prévenu.

Je vois ici beaucoup l’ami Павлов, Аксаков, Погодин et tutti quanti. Je me félicite de m’être trouvé à Moscou dans ce moment-ci. Je compte rester encore ici presqu’à la fin du mois, puis je retourne à Péters<bourg> et puis, s’il n’y a pas guerre — et si il y a un bout de soleil en août — il pourrait bien se faire qu’en dépit de tes exhortations vous me voyez encore arriver à Ovstoug… Ah que n’y suis-je déjà!

Tu as mal jugé Полонский. Il est ici et part demain p<our> aller v<ou>s rejoindre. Il compte passer une dizaine de jours chez vous.

Quelle plume, quelle écriture, quel supplice!* Il faut avoir le diable au corps p<our> s’y exposer. Comment déchiffreras-tu cette abomination? — Dieu te garde.

Перевод

Москва. Четверг. 11 июля

Я только что получил твое письмо от 6-го — и когда дошел до того места, где ты мне говоришь: «Я совершаю долгие прогулки в полном одиночестве, и это напоминает мне времена моей молодости, когда я жила одна», — не могу тебе сказать, какой прилив жгучей грусти захлестнул мое сердце. В эту минуту я охотно пожертвовал бы годом жизни, чтобы очутиться подле тебя. Ах, как порой издевается над нами судьба… Но, пожалуйста, не беспокойся за мое здоровье. Я поправляюсь и скоро буду в своей обычной форме, правда, весьма неважной. Жду не дождусь известия, что Мари к тебе вернулась*. Мне ли не понимать, как тебе недостает ее, и я ей gönne[4] тебя, за мимолетную встречу с которой я отдал бы все, что угодно…

Мы приближаемся к кризису. Вчера получены были ответы Горчакова, встреченные здесь с единодушным одобрением*. Они написаны с достоинством и твердостью и не оставляют державам иного выбора, кроме постыдного отступления или войны. — Поэтому я более, чем когда-либо, верю в войну и считаю ее неизбежной. Особенно для Наполеона это стало вопросом жизни или смерти, по крайней мере, политической.

Сегодня утром я отправил Горчакову письмо с поздравлениями — и на сей раз имел удовольствие сказать ему только правду (весьма приятную). Повторяю, его ноты очень хороши, и ты порадуешься, читая их. — Какая жалость, однако, что в данную минуту вы в получении известий целиком зависите от почты. Здесь, благодаря моим близким и постоянным сношениям с Катковым, я почти так же у источника новостей, как и в Петербурге. Катков очень симпатичная личность. Завтра я у него обедаю и мы будем пить за здоровье Горчакова. — Я его об этом уведомил.

Здесь я часто вижу знакомца Павлова, Аксакова, Погодина и tutti quanti.[5] Очень рад, что попал в Москву в этот момент. Рассчитываю пробыть здесь почти до конца месяца, потом вернусь в Петербург, а потом, если не откроются военные действия — и если в августе не скроется солнышко, — может статься, несмотря на твои увещания, вы еще увидите меня в Овстуге… Ах, если бы я уж был там!

Ты ошиблась в своем суждении о Полонском. Он здесь и едет к вам завтра. Он рассчитывает провести у вас дней десять.

Что за перо, что за почерк, что за пытка!* Надо же быть таким одержимым, чтобы себя этому подвергать. Как разберешь ты эту гнусность? — Да хранит тебя Бог.

Тютчевой Эрн. Ф., 21 июля 1863*

12. Эрн. Ф. ТЮТЧЕВОЙ 21 июля 1863 г. Москва

Moscou. Dimanche. 21 juillet

Je vois bien que je n’aurai pas le dernier mot de ton silence et que j’aurai beau ajourner mes écritures, cela ne hâtera pas l’arrivée des tiennes. Mais cette fois-ci, ce n’est pas un silence simple, mais double et triple! Car l’excellent*, lui aussi, n’a pas donné signe de vie depuis son départ de Moscou. De manière que je suis dans la plus entière ignorance de tout ce que je tiens le plus à savoir, comme, p<ar> ex<emple>, quand, où et comment il a rejoint Marie, comment, cette jonction faite, ils sont revenus à Ovstoug — etc. etc. Enfin, si toutes ces choses s’étaient passées en Australie, elles ne m’auraient pas été plus profondément inconnues…

Il est assurément très malheureux et quelque peu niais que l’on tienne tant à savoir des choses que d’autre part on se soucie si peu de v<ou>s apprendre… Mais, susceptibilité à part, j’ai beau faire, je ne puis m’empêcher dans mes moments de spleen de me laisser à des mouvements d’inquiétude, et la profonde sécurité qui m’entoure ici ne fait que m’irriter, sans me rassurer le moins du monde.

Et cependant ce matin encore, à l’heure de la messe, je me suis laissé transporter en imagination dans l’église d’Ovstoug, où je vous ai vu tous successivement arriver, les uns après les autres, jouissant d’avance de la surprise que vous éprouvriez de m’y voir. Puis, la messe finie, nous sommes rentrés tous ensemble par cette allée, si bien connue de mon enfance, et puis on m’a servi mon déjeuner sur le balcon, du côté du jardin inférieur… Marie faisait le thé, toi, tu causais, comme d’habitude, avec la Nounu*, et moi — avec Polonsky. Les garçons étaient je ne sais où… Et voilà de ces hallucinations qui me hantent, sans que j’y pense, à travers toutes les préoccupations politiques qui vont se compliquant et s’aggravant de jour en jour.

Je t’ai dit, ce me semble, que j’avais écrit à Gortchakoff pour lui rendre compte de l’accueil que Moscou avait fait à ses dépêches. Il m’a fait répondre, par Jomini*, une lettre que je t’enverrai dès qu’elle me reviendra, car elle court la ville. Comme fait, elle ne t’apprendra rien de nouveau, mais considérée comme profession de foi elle ne laisserait rien à désirer, si ce n’est la certitude qu’on y restera fidèle. Mais c’est là malheureusement ce sur quoi on peut le moins compter. Un incident, qui date d’hier, ne justifie que trop ces doutes et ces craintes.

Voici ce que c’est. On avait voulu organiser ici, sous forme d’un dîner public, une grande manifestation d’adhésion nationale à la ligne politique exprimée dans les dépêches, et cela dans le sens le plus loyal de dévouement pour l’Empereur et son gouvernement. Il va sans dire que le G<énér>al Тучков n’a pas cru pouvoir prendre sur lui d’autoriser ce dîner qui devait être de deux mille personnes*. Il en a donc référé à Pétersb<ourg> et là, comme de raison, il a été décidé qu’il valait mieux s’en abstenir. C’est toujours l’ancienne chanson. Ici, comme tu le penses bien, cette marque de défiance stupide et si fort à contresens a produit le plus détestable effet. Aussi, sous le coup de cette impression toute vive, j’ai écrit quelques mots à Tsarskoïé*, que j’aimerais savoir interceptés par ceux à qui ils sont réellement destinés. Hélas, c’est de l’enfantillage de ma part, je le sais bien, mais il y a des occasions où plutôt que de se taire on haranguerait les murs… Voici, à la date d’aujourd’hui, comment se présente la situation du dehors. Notre réponse leur est tombée comme une tuile sur la tête, tant les puissances dans leur insolente outrecuidance s’attendaient peu à rencontrer une résistance sérieuse de notre part*. On raconte que Napoléon, après avoir pris connaissance de la note qui lui est adressée, s’est écrié: «C’est plus qu’infâme, c’est ridicule». Ce mot-là est un arrêt du Destin. Désormais la question pour lui n’est plus politique. C’est une question toute personnelle entre, d’une part, la Russie et son avenir, et d’autre part, cette misérable carcasse de N<apoléon> qui peut d’une heure à l’autre rendre le reste du souffle qui l’anime. — L’Angleterre, qui comprend cela à merveille, paraît toujours très hésitante. Et si elle se décide à l’abstention pour tout de bon, ce misérable aventurier finira, comme il a commencé, par un fiasco des plus ridicules, auquel cette fois il ne survivra pas. Mais… hélas, qui sait l’avenir! — En voilà assez. Peut-être voudrais-tu savoir, comment je me porte. L’autre jour j’ai eu une assez légère et courte récidive de mon mal de pied. Mais cela n’a pas duré. Au total je sens que le traitement, que je suis, me fait du bien. Les poudres homéopathiques que je prends en ce moment-ci agissent sur ce siège du mal plus fortement que tout ce que j’ai pris jusqu’à présent. Aussi le médecin me promet-il une guérison complète. Ainsi soit-il! — Mais tout cela ne fait pas que je ne sois pas dans la plus entière ignorance de ce qui vous concerne et que tout ce griffonnage, dont je viens de couvrir 4 pages, ne me fasse l’effet d’un cri dans le désert.

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4

охотно отдаю (нем.).

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5

всех остальных (ит.).