Выбрать главу

— Tous les flics ont l’habitude de fouiller dans les sacs à main des dames ?

— Ça dépend…

— Des flics ?

— Non, des dames, et aussi de leur sac à main.

Je glisse dans ma fouille le sachet qui hypnotise tellement ma compagne.

— C’est Gilbert Messonier qui vous a donné cette manie ? fais-je gentiment.

— Je ne comprends pas.

— C’est pourtant facile. Messonier se camait avant d’être en taule. Je suis certain que c’est avec lui que vous avez contracté cette habitude.

— Folie !

— Je ne vous le fais pas dire. Une belle gosse comme vous jouer « La neige sur les pas » deuxième époque ! Ah ! je vous jure…

Elle tend la main.

— Rendez-moi « ça ».

Je secoue la tête.

— Macache, mon chou ! Depuis notre folle étreinte, je veux votre salut, on va commencer une petite cure de désintoxication, vous verrez comme après cela la vie vous semblera plus facile à consommer, vous la dégusterez avec une petite cuillère !

Elle a un frisson, comme lorsqu’on vient d’attraper froid.

— Je vous en supplie, j’ai besoin de ces sachets.

— Je ne vous les rendrai que lorsque vous m’aurez raconté votre troisième version, chère Geneviève. Moi il me faut une version par heure, c’est ma dose.

— J’ignore ce que vous voulez dire.

— Je veux dire que vous m’avez offert déjà deux récits au sujet de vos relations avec Messonier. Il va falloir m’en inventer un troisième maintenant. Parce que je sens qu’il en existe au moins un troisième, ma belle amie.

— Ce n’est pas vrai, je vous ai dit la vérité !

— Oh ! que non…

— Je le jure !

— Écoutez, chérie, les hommes ne sont pas faits pour laver la vaisselle ni les femmes pour prêter serment.

Je vais tourner le bouton du poste de télé pour dire de créer une ambiance sonore. Et j’ai eu le nez plus creux que ma belle hôtesse vu que je tombe pile sur une émission de François Chalais. Il interviewe une starlette. La môme est vêtue d’un bikini. Elle se tient vautrée sur un divan, la tête pendante, ses cheveux balayant le tapis, les jambes par contre sur le dossier du siège. Chalais lui demande quelles sont ses ambitions. La môme susurre d’une voix peureuse qu’elle est très timide et qu’elle espère arriver malgré son extrême simplicité. Son rêve ? Se trouver dans une cabine-téléphonique en même temps que Warner Brosse (Adam) et l’aider à obtenir la communication. Elle se contenterait à la rigueur d’une croisière en mer avec Clouzot. Ce qu’elle aime jouer ? Tout : elle a un clavier universel, même qu’on l’a surnommée l’Underwood du cinéma. Tout de même ses préférences vont aux rôles de tragédiennes hystériques ou de comiques constipées.

— Marrant, non ? fais-je à Geneviève.

Ça, c’est la bonne tactique. Ce qu’en langage de pêcheur on appelle « noyer la morue » ! Je lui pose des questions brûlantes, puis je parle d’autre chose n’ayant aucun rapport. Le chaud et froid ! Le blanc et le noir ! Rivoire et Carret. Napoléon et Joséphine ! Richelieu et Drouot. La cigale et la fourmi ! Vous mordez le topo ?

— Rendez-moi mes sachets ! insiste-t-elle.

Croyez-moi ou allez vous faire peindre la colonne vertébrale en rouge (en violet pour les ceuss qu’auraient les palmes) mais elle chiale. Faut croire que ça la mène vilain, la farine ! Ça me chavire un brin de voir pleurer cette gentille meunière par ma faute après ce qu’elle a fait pour moi ! Le don de sa personne, c’est quelque chose, non ? Ils sont nombreux, notez bien, les mecs qui en ont classe de leur première personne et qui se la font mettre au pluriel en espérant que ça ira mieux !

Elle est acagnardée près de la cheminée, sa silhouette harmonieuse se découpe devant le rideau de feu.

— La vérité d’abord, Geneviève ! fais-je avec un ton tellement ferme qu’on pourrait y casser des œufs contre. Le marché est honnête : je vous propose la vérité contre un peu d’illusion. Si on analyse, c’est vous qui gagnez !

— Vous n’êtes qu’un saligaud de flic ! lance-t-elle, à bout de patience.

— On fait ce qu’on peut, dis-je. Mais je m’étonne de trouver de telles expressions dans votre bouche experte, Geneviève. Quand on sait se servir d’un couvert à poisson, on n’emploie pas le vocabulaire d’une marchande de morue !

— Je n’ai rien à vous dire, espèce de voyou !

— Pensez-vous ! Si vous me disiez ce que vous avez fait le samedi après-midi, pendant qu’on bousillait votre vieux et son daron ? Hmm ? Puisque vous n’étiez pas chez Messonier, où étiez-vous, hein ? Pas à la préfecture puisque, comme vous me l’avez fait si justement remarquer, ces honorables établissements sont fermés à ce moment-là ? Et autre chose, ma mignonne. Qui est allé chercher votre carte grise le matin ?

— Moi ! fait-elle.

— Mensonge ! Votre ex-bonne jure que vous ne l’avez quittée que l’après-midi !

Elle est baba, comme on dit chez mon ami Ali le pâtissier.

Je profite de l’avantage et je lui marche dessus comme sur une descente de lit hors d’usage.

— Alors, ma belle, la réponse ?

La réponse, elle me la cloque par retour. Je n’ai pas le temps de voir venir. Ou plutôt si, je vois venir, mais il ne m’est pas possible d’esquiver. Faut dire que c’est de la réaction pas courante. Elle a cravaté le lourd tisonnier de cuivre accroché au montant de la cheminée et me le file sur la coloquinte. Pouf ! Madame a sonné ? Je commence à compter trente-six chandelles, j’aperçois alors Jean Nohain, je prends peur et je recommence mes calculs, et puis tout chavire et je m’offre un pot de cirage noir.

Au revoir, vous tous !

CHAPITRE IX

Quand je débarque du sirop, le feu est en train de clamser dans la cheminée. En ahanant, je m’approche de l’âtre, because j’ai l’impression de revenir du pôle nord. J’ai froid aux osselets. Au bout d’un moment, la circulation se rétablit et j’ai l’heureuse idée de porter la main à ma rotonde ! Je la ramène poisseuse de raisin après avoir constaté de tactu que mon cigare est maintenant à impériale comme les autobus anglais.

Voilà qui est fâcheux pour mon esthétique. J’ai la force de ramper jusqu’à la cave à liqueurs, je chope au jugé un flacon et, ayant constaté que c’est de la fine de Charles Martell, je me dis que le Bon Dieu refait camarade avec moi. Un grand coup de remonte-pente et me revoilà potable. Je cherche alors la salle de bains afin de me colmater la coquille. Ma doué, ce qu’elle est bien constituée pour son âge, cette aubergine ! Rappelez-vous que la douce et frêle Mme Coras a dû faire du tennis pour administrer des revers pareils.

C’est mastar comme mon poing, fissuré du haut, sanguinolent et violacé. Je dégauchis un flacon d’alcool à quatre-vingt-dix dans la pharmacie de Madame, ainsi qu’une boîte de coton et je nettoie la plaie énergiquement. Il ne me reste plus qu’à m’y coller du sparadrap et à cavaler m’acheter un bitos manière de masquer les dégâts.