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— J’ai une longue histoire à te raconter, Izri, reprit-il en posant son whisky sur l’accoudoir. Et je veux que tu m’écoutes attentivement.

Izri hocha la tête en signe d’assentiment et goûta au Yamazaki dix-huit ans d’âge. Après tout, s’il devait mourir aujourd’hui, autant que ce ne soit pas avec le gosier sec.

— Il est bon ton whisky, approuva-t-il.

— Ravi qu’il te plaise. Et si tu aimes vraiment Tama, je pense que tu vas avoir besoin d’un remontant…

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— Voilà, tu connais désormais toute l’histoire, conclut Gabriel en terminant son whisky.

Izri venait d’encaisser une série de coups, tous plus violents les uns que les autres. Il vacillait, n’était pas loin de s’écrouler. Aussi pâle qu’un cadavre, il fixait la cheminée.

— C’est pas possible, murmura-t-il.

Gabriel resta silencieux, laissant le jeune braqueur reprendre ses esprits.

— Où est Tama ? demanda-t-il au bout d’une minute.

— Je suis allé la chercher cette nuit, chez ce Nicolas Legrand. Tu sais qui c’est ?

Izri hocha la tête.

— Je l’ai trouvée ligotée sur le sol de son garage. Elle avait perdu connaissance. Elle est très abîmée… Pas sûr qu’elle survive.

Gabriel vit briller les yeux d’Izri. Peut-être allait-il pleurer. Sans quitter son fauteuil, il ouvrit le tiroir d’un meuble et récupéra les portefeuilles des tueurs qui lui avaient rendu visite quelques nuits auparavant. Il les jeta sur la table basse.

— Ces trois-là sont morts, précisa-t-il.

Izri détailla les papiers d’identité, son visage se crispa.

— Bande de fumiers…

— Des hommes à toi, je suppose ?… On n’est jamais trahi que par les siens, soupira Gabriel.

Les paroles de Santiago résonnèrent douloureusement dans le crâne d’Izri.

Tu devrais chercher du côté de ta propre famille…

— J’ai fait un feu de joie avec leur caisse et leurs cadavres.

Impressionné, Izri le considérait avec un nouveau regard.

Avec respect.

— Elle est ici, n’est-ce pas ? demanda-t-il.

— Oui, elle est ici. Dans la chambre du fond.

Izri se leva d’un bond mais s’arrêta net, les yeux rivés sur le Glock.

— Laisse-moi la voir, pria-t-il.

— Je t’accompagne. Tu passes devant et à la moindre embrouille… Compris ?

Izri traversa le couloir, Gabriel juste derrière lui. Puis il entra dans la chambre et s’approcha du lit. Quand il vit Tama, il se pétrifia.

— Je t’avais prévenu, rappela Gabriel.

Izri se pencha sur Tama, toujours inconsciente. Il caressa son visage, presque méconnaissable, déposa un baiser sur son front. Puis il approcha sa bouche de son oreille et murmura :

— Je suis là, mon amour… Je suis là…

Appuyé au chambranle de la porte, Gabriel assistait à ces tragiques retrouvailles. Izri s’agenouilla près du lit, prit la main de Tama dans la sienne et l’embrassa longuement.

— Pardon, Tama. Pardon…

* * *

Ils étaient encore dans la chambre, auprès de Tama. Désormais, Gabriel en était sûr, Izri aimait passionnément cette jeune femme. Assis sur le lit depuis une demi-heure, il souffrait en silence, les larmes au bord des yeux.

Il n’avait pas lâché sa main.

Parfois, il murmurait son prénom, espérant la faire revenir d’entre les morts.

D’un regard, il signifia à Gabriel qu’il souhaitait lui parler. Ils quittèrent la pièce et Gabriel rangea l’arme à la ceinture de son jean. Il savait qu’il n’avait plus grand-chose à craindre.

Dans le salon, Izri alluma une cigarette et demanda la permission de se resservir un verre de whisky.

— Je connais un toubib qui ne pose jamais de questions, dit-il. Je vais l’appeler et…

Gabriel refusa d’un signe de tête.

— Personne ne doit venir ici, précisa-t-il. J’ai fait une exception pour toi, mais je n’en ferai pas d’autre.

Izri n’avait pas besoin d’explications pour comprendre que cet homme vivait dans l’ombre et tenait à y rester. Il ignorait s’il était braqueur ou assassin, s’il était recherché par toutes les polices du pays, mais il savait qu’il n’avait pas intérêt à se faire remarquer.

— J’avais pigé, fit Izri. J’emmène Tama chez moi, comme ça je ne te fais courir aucun risque.

Gabriel jeta un œil par la fenêtre. Dehors, l’orage se déchaînait, pilonnant les Cévennes de grêlons gros comme des billes.

— Tu ne devrais pas prendre la route ce soir. Trop dangereux. Et je crois qu’il vaudrait mieux ne pas la transporter cette nuit…

— Mais je ne vais pas la laisser mourir sans rien faire ! s’écria Izri avec des sanglots dans la voix.

— J’ai déjà fait ce qui était possible. J’ai soigné ses blessures, je l’ai fait boire, je lui ai donné des médocs. Ton toubib ne fera rien de plus… D’où vient-il ?

— De Montpellier…

— Vu la météo, il refusera de monter, prédit Gabriel. Il faudrait appeler le Samu, mais ni toi ni moi ne pouvons nous le permettre, sauf à avoir envie de passer le reste de notre vie en cabane. Tu es prêt à ce sacrifice ?

Izri baissa les yeux et s’effondra sur le canapé.

— J’y suis prêt, murmura-t-il. Pour elle, je suis prêt à tout, même à crever…

Gabriel s’installa en face de lui et le dévisagea avec une tendresse toute paternelle. Décidément, depuis que Tayri avait débarqué dans sa vie, les émotions fortes se succédaient.

— La nuit dernière, j’ai songé à la déposer aux urgences et à me tirer aussitôt, confessa Gabriel. Et tu sais pourquoi je ne l’ai pas fait ?

— Non… Pourquoi ?

— Parce que Tayri m’avait expliqué que Tama ne vivait que pour toi. Qu’elle n’avait survécu que pour te revoir. Uniquement pour ça.

Izri faisait son maximum pour retenir ses larmes.

— Alors, en l’emmenant à l’hôpital, je vous condamnais tous les deux. Elle, parce qu’elle risquait l’expulsion dès son réveil, voire l’inculpation pour le meurtre de ce Diego. Et toi, parce que tu ne l’aurais sans doute plus revue. En la conduisant à l’hosto, je risquais de vous séparer à jamais.

— Mais si elle meurt, on sera séparés à jamais !

— Elle a subi le pire pendant des semaines et d’après ce que j’ai compris, pendant des années, reprit Gabriel. Pourtant, elle est toujours en vie. Tu devrais retourner près d’elle, Izri… Si elle sent que tu es là, elle survivra.

Izri considéra Gabriel avec une intense gratitude.

— Merci, dit-il simplement. Merci de l’avoir sauvée… Et je suis désolé pour Tayri. J’ai cru comprendre que tu l’aimais beaucoup.

Gabriel refusa de répondre, mais son silence valait toutes les paroles du monde.

— Putain, Greg… Comment il a pu me faire ça ! Comment il a pu leur faire ça ? J’aurais voulu le massacrer de mes propres mains ! ajouta Izri.

— Je te l’ai gardé au chaud, révéla subitement Gabriel. Enfin, au chaud, c’est pas vraiment le mot, mais j’ai pensé que tu aurais envie de régler tes comptes avec lui…

— Il est toujours vivant ? murmura Izri avec stupéfaction.

— À peu près.

— Où est ce fils de pute ?

— Occupe-toi de Tama. Greg peut attendre demain, non ?

Le jeune braqueur tenta de se calmer. Mais ses mains continuaient à trembler.

— Tu as sans doute raison…

— En tout cas, je te garantis qu’après ce qu’il a fait endurer à Tayri, j’ai pris bien soin de lui.