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— Salut, mon pote !

Robin essaya de parler malgré l’acier qui comprimait sa gorge.

— Iz, putain… qu’est-ce qui te prend ?

— J’ai une mauvaise nouvelle pour toi : Greg est mort. Je l’ai crevé. Et toi aussi, je vais te crever… Tu connais le sort réservé aux traîtres ?

— Iz, attends ! Fais pas le con…

Izri le saisit par la nuque, le força à s’agenouiller et lui plongea la tête dans la cuvette nauséabonde avant de tirer la chasse d’eau.

— De la part de Tama, connard !

Puis, tout en le maintenant dans cette position, Izri enfonça profondément la lame entre ses côtes. Une fois, deux fois, trois fois. Alors, il le releva en le tirant par les cheveux et le laissa tomber contre le mur carrelé. Robin n’était pas encore mort. Il manquait le coup de grâce. L’estocade.

Izri lui trancha la gorge et le regarda s’étouffer dans son propre sang. Il entendit un type entrer dans les toilettes et posa sa main gantée sur la bouche de Robin pour masquer ses gémissements. Il attendit que la mort fasse son œuvre puis grimpa sur la cuvette et escalada la cloison pour atterrir dans la cabine d’à côté.

Il en ressortit aussitôt, ôta ses gants puis se lava les mains. Il quitta la boîte et fuma tranquillement une cigarette sur le parking avant de monter dans sa voiture.

Il avait hâte de rejoindre Tama.

* * *

Un peu intimidée, un peu gauche, Tama hésita un instant. Finalement, elle se hissa sur la pointe des pieds et l’embrassa sur la joue.

— Ça me fait plaisir de vous revoir, dit-elle.

— Moi aussi, répondit Gabriel en serrant la main d’Izri.

Le froid flanchait, l’hiver commençait à montrer faiblesse. Ils s’installèrent sur la terrasse, Gabriel leur servit un café.

— Tu as l’air d’aller mieux.

— Oui, répondit Tama. Beaucoup mieux, même.

Son visage portait encore les traces de son calvaire, mais elle avait repris un peu de poids et Gabriel la trouva magnifique.

— Tu ne risques plus d’avoir la visite de Robin, annonça Izri. Il y a deux semaines, il a eu un malheureux accident.

— Un accident ? répéta Gabriel avec un petit sourire.

— Oui… il a glissé dans les chiottes et s’est empalé sur un objet tranchant.

— Ce sont des choses qui arrivent ! soupira Gabriel.

Il tourna la tête vers Tama qui contemplait l’horizon d’un air songeur.

— Comment tu t’en sors ? s’enquit-il.

— Ça peut aller, je vous assure… Je voulais apporter des fleurs, mais je me suis dit que vous ne voudriez pas les déposer là où elle est enterrée.

— Il vaudrait mieux éviter d’attirer l’attention, en effet… Même si peu de gens passent par là, mais on ne sait jamais.

— Alors, j’ai apporté autre chose, dit-elle en se levant.

Elle redescendit vers la voiture et Gabriel se tourna à nouveau vers Izri.

— Comment elle va, en vrai ?

— Elle hurle de peur toutes les nuits… Et parfois, je la vois complètement perdue, comme si… comme si elle était ailleurs. Dans un endroit où je n’ai pas le droit d’aller… Mais elle est forte alors je me dis qu’elle va y arriver.

— Avec toi, elle y arrivera, prédit Gabriel en lui offrant une cigarette. Izri… Il se pourrait que je te demande un petit service, prochainement…

— Tout ce que tu voudras, répondit le jeune braqueur.

Tama revint vers eux avec un pot entre les mains. Plusieurs petites pousses émergeaient de la terre brune.

— C’est quoi ? demanda Gabriel.

— Ce sont des pensées sauvages. Chaque année, elles fleuriront au début de l’été. Et avec le temps, elles formeront un tapis de fleurs… Un parterre de pensées.

Une émotion violente traversa le regard de Gabriel.

Il songea que si Tayri avait survécu, elle n’aurait plus jamais lâché la main de Tama.

Il songea que si les femmes n’étaient plus de ce monde, il plongerait aussitôt dans les ténèbres et le chaos.

— Merci, Tama… C’est une très belle attention.

— Si vous voulez bien m’accompagner jusqu’à l’endroit où est Tayri, je les planterai moi-même.

— On peut parcourir une partie en voiture, mais après, il faut marcher pendant plus d’un kilomètre. Tu pourras y arriver ?

— J’ai encore mal à la cheville, mais je vais me débrouiller ! assura la jeune femme.

— J’ai une meilleure idée, fit Gabriel.

Un quart d’heure plus tard, les deux juments étaient sellées. Gabriel confia Gaïa à Izri et Tama tandis qu’il montait sur le dos de Maya.

Tama passa ses bras autour de la taille d’Izri et se laissa bercer par le pas régulier de sa monture, admirant les paysages grandioses qui s’offraient à eux. Le pèlerinage lui sembla moins douloureux, ainsi. La mort, soudain plus facile à supporter. Comme si cet animal lui insufflait une force nouvelle, une sagesse, un apaisement.

Ils arrivèrent dans la petite clairière et Gabriel resta quelques secondes immobile face à la sépulture de Tayri. Puis il dégagea les branchages et les feuilles mortes qu’il avait disposés sur la terre retournée.

— Elle est là, dit-il simplement.

Tama serra la main d’Izri et ferma les yeux. Elle adressa un message silencieux à cette jeune femme qu’elle avait à peine connue. Cette jeune femme qui, pourtant, avait changé le cours de sa vie.

Tayri,

Si je n’avais pas croisé ton chemin, je n’aurais pas pu retrouver Iz.

Sans moi, tu serais restée une esclave.

Sans toi, je le serais encore.

Elle refusa l’aide de Gabriel et d’Izri et les deux hommes comprirent qu’ils devaient s’éloigner un peu pour les laisser entre elles. Tama s’agenouilla à même la terre et commença à semer ses pensées.

Ma chère Tayri,

Apprends-moi ce qu’est la mort.

Dis-moi qu’elle est douce, qu’elle est juste.

Raconte-moi qu’elle est comme une mère qui te prend dans ses bras et te console de la vie.

Jure-moi qu’entre ses mains, il n’y a ni maître ni esclave.

Promets-moi qu’en son royaume, on oublie ses blessures et ses chaînes.

Mais jamais son amour.

* * *

Assise dans le canapé, Tama lisait un livre que Gabriel avait bien voulu lui prêter. Son esprit fatigué avait encore du mal à fournir l’effort des mots, mais elle réalisait à quel point ses fidèles compagnons de route lui avaient manqué.

Izri se posta derrière elle pour lui masser délicatement les épaules. Elle ferma les yeux, sourire béat sur les lèvres. Il l’embrassa dans le cou, un frisson descendit le long de son dos.

— Comment tu vas ? murmura-t-il.

— Bien…

Ce soir, elle se sentait prête. Elle le lui fit comprendre en glissant une main sous sa chemise.

Retrouver leur intimité passée, réapprendre leurs jeux sensuels.

Effacer ce qui les avait séparés, blessés.