Выбрать главу

— Je sais. Mais je refuse de te mettre en danger !

— J’ai le droit de décider de ma vie, non ? Alors, je veux faire partie de la tienne. Chaque seconde. Même si tu braques une banque, je veux être près de toi.

— Tama… Tu te rends compte de ce que tu dis ?

Il caresse mon visage, m’attire contre lui.

— Tu es bien trop précieuse pour que je prenne le risque de te perdre.

— Et moi ? Moi, je dois accepter ce risque, c’est ça ?

— Tama… Ce n’est pas un monde pour toi !

— Et pourtant, ce monde, tu m’y as précipitée… J’ai été obligée de tuer Théo, obligée de tuer Diego. Je lui ai ouvert la gorge avec un tesson de bouteille, Iz !

Vaincu, il s’écarte légèrement de moi.

— Je sais et je m’en veux, murmure-t-il. Mais il est hors de question que tu deviennes comme moi…

— Une hors-la-loi ? Je le suis déjà.

— Arrête, Tama… Arrête, je t’en prie !

À la lumière du soleil couchant, je vois les ombres du tourment danser dans ses yeux. Je devine le poids gigantesque qui écrase son cœur. Alors, je rends les armes et le serre à nouveau contre moi.

J’ai toujours supporté de souffrir.

Jamais de le voir souffrir.

* * *

Quand Tama se réveilla, le jour s’était levé depuis longtemps. En tournant la tête, elle vit Izri assis par terre dans un angle de la chambre.

Il la dévorait avec des yeux débordants d’amour. Tama tendit une main vers lui, il la rejoignit pour la prendre dans ses bras.

— J’ai beaucoup réfléchi, murmura-t-il. Une bonne partie de la nuit…

— Réfléchi à quoi ?

— À tout ce que tu m’as dit ces derniers temps.

Tama sentit son cœur accélérer légèrement. Une pointe d’angoisse le traversa.

— Et alors ? l’encouragea-t-elle.

— Les flics sont après moi… Je crois qu’ils ne sont pas les seuls à vouloir ma peau… Et s’ils me trouvent, ils te trouvent.

Elle frissonna entre ses bras.

— Je me suis dit que je n’avais pas le droit de te faire courir tous ces risques… Pas le droit et pas envie. Parce que tu es la plus belle chose qui me soit jamais arrivée.

Tama resserra son étreinte. Elle savait qu’elle vivait un instant décisif. Un tournant dans sa vie.

— Alors, on devrait quitter la France, poursuivit Izri. Aller quelque part où on n’aurait plus à se cacher. Quelque part où on pourrait tout recommencer de zéro, toi et moi… Tu es d’accord ?

— Oui, mon amour, répondit-elle.

— Je vais demander à Tarmoni de nous fournir de faux passeports et on s’en ira dès qu’ils seront prêts. Il faut juste qu’on décide où on a envie de partir…

Longtemps, Tama laissa couler ses larmes de joie, blottie contre lui.

Partir, n’importe où.

S’éloigner du danger, de la mort.

Partir, n’importe où.

Du moment que c’était avec lui.

Ce jour-là fut différent de tous les autres, passés ou futurs.

Plus de peur, presque plus de douleur.

Regarder le ciel, lui trouver une nouvelle couleur. Y dessiner un avenir. Une histoire.

Leur histoire.

Ce jour-là, Tama et Izri ne quittèrent pas souvent la chambre…

Ce jour-là, ils avaient décidé qu’ils ne laisseraient plus rien les séparer.

128

— On voulait vous dire au revoir avant de partir, fit Tama en embrassant Gabriel.

Il invita les deux jeunes gens à entrer et leur servit un café.

— Vous allez où, finalement ? demanda-t-il.

— Tarmoni nous a trouvé un bateau pour traverser, révéla Izri. Une fois au Maroc, nous aviserons.

— C’est bien, dit Gabriel. Vous avez fait le bon choix…

Izri esquissa un sourire et Gabriel comprit qu’il conservait une douleur au fond de lui. Sans doute parce qu’il abandonnait ce qu’il avait conquis par la force, le laissant en pâture aux charognards.

En gardant sa reine, il perdait son royaume.

— Le départ, c’est pour quand ?

— Demain, dit Tama. On rend les clefs de la maison, on descend à Montpellier chercher les papiers et le reste et puis on file vers Marseille. Le bateau part en début de soirée…

— Tu me donneras des nouvelles ? sourit Gabriel.

— Dès qu’on sera installés quelque part, je vous appellerai, promit-elle. Et peut-être que vous pourrez venir nous voir ?

Il se contenta de sourire puis de hocher la tête, pour ne pas la décevoir. Elle avait l’air tellement heureuse…

Gabriel les raccompagna jusqu’à l’extérieur. Le printemps était là, Gaïa et Maya étaient sorties de l’écurie. Tama s’attarda près de la barrière qui délimitait leur enclos. Lorsque Gabriel la rejoignit, elle prit sa main dans la sienne.

— Encore merci, Gabriel. Si on ne se revoit pas, je voulais vous dire que je ne vous oublierai jamais.

Il resta silencieux, embarrassé. Chaque fois qu’il croisait cette fille, cette gamine qui aurait dix-sept ans dans quelques semaines, l’émotion était trop forte.

— Et… je voulais vous dire aussi que je ne m’appelle pas Tama.

Surpris, il la regarda à nouveau.

— Quand je suis arrivée en France, ils ont changé mon prénom, pour que j’oublie qui j’étais.

— Pourquoi tu continues à te faire appeler Tama, dans ce cas ?

— Izri préfère ce nom à celui que mes parents m’ont donné ! fit Tama. Et puis, je m’y suis habituée. Je l’aime bien, finalement.

— Mais comment tu t’appelles, en vrai ?

— Leyla… En arabe, ça veut dire compagne de la nuit, révéla Tama. Et en latin, ça vient de lea qui veut dire lionne…

* * *

Ils quittèrent le cabinet de Tarmoni et montèrent dans l’ascenseur. L’avocat leur adressa un dernier signe de la main avant que les portes se referment.

Dehors, le ciel était lumineux et Tama prit le temps de l’admirer.

— Des ciels comme ça, tu en auras tous les jours ! promit Izri en l’embrassant.

— Tu n’as aucun regret ? demanda-t-elle.

— Aucun.

Il alluma une cigarette et lui prit la main. Ils marchèrent jusqu’à la Mercedes et Tama s’arrêta soudain devant la vitrine d’une boutique de vêtements.

— Elle est jolie, cette robe !

— Va l’essayer, sourit Izri. Je finis ma clope et je te rejoins dans un instant.

Elle l’étreignit avec force, lui donna un long baiser avant de disparaître dans le magasin. Il s’adossa à la Mercedes et à son tour, contempla le ciel.

Aucun regret, non.

Parce que Tama valait tous les empires. Et tous les sacrifices.

Il entendit rugir un moteur, tourna la tête.

Deux hommes à moto.

Izri lâcha sa cigarette et saisit la crosse du Glock au moment où la première balle pulvérisait son poumon gauche. La seconde déchira sa gorge.

Avant de toucher le sol, Izri aperçut les yeux de son assassin.

Les yeux du Gitan.

Tama se précipita dans la rue, les tueurs s’éloignaient.

— Iz ! hurla-t-elle.

Elle tomba à genoux près de lui, le prit dans ses bras.

— Ta… ma…

— Iz ! Non !

Apprends-moi ce qu’est la mort.

Dis-moi qu’elle est douce, qu’elle est juste.