En un regard, elle eut le temps de lui confier tout leur amour, pour qu’il l’emporte avec lui dans le plus long des voyages.
Le cœur d’Izri lâcha, celui de Tama se brisa.
Définitivement.
Raconte-moi qu’elle est comme une mère qui te prend dans ses bras et te console de la vie.
Jure-moi qu’entre ses mains, il n’y a ni maître ni esclave.
Le garder contre moi, encore et encore. Le bercer de larmes, de baisers et de tendresse.
Des gens, des cris d’horreur autour de nous…
L’enlacer, pour toujours. Le couvrir d’amour, d’honneur et de respect.
Un bruit de sirènes au milieu de mes sanglots…
Le serrer dans mes bras, encore et encore. Le combler de fleurs, de douceur et de promesses.
Des voitures, des gyrophares, des hommes en uniforme…
Ils vont nous séparer.
Personne ne peut nous séparer.
Alors, je prends le pistolet d’Izri et me relève pour leur faire face.
— Lâche ton arme !
Je brandis le Glock en direction des flics.
— Lâche ce flingue immédiatement !
Je ne suis plus une esclave, je ne reçois aucun ordre.
Vous ne m’obligerez pas à vivre sans lui.
Je presse le canon contre mon cœur.
— J’arrive, mon amour…
Promets-moi qu’en son royaume, on oublie ses blessures et ses chaînes.
Mais jamais son amour.
Épilogue
La cible, poignets attachés dans le dos et bâillon sur la bouche, dévisageait Gabriel avec frayeur. Elle était assise par terre, dos au mur, jambes repliées. Il se pencha sur elle et approcha la bouche de son oreille.
— C’est à ton tour de connaître la peur, chuchota-t-il. La peur et la douleur…
Elle tenta de lui parler, mais le bâillon transformait ses suppliques en magma indistinct.
— Inutile de te fatiguer, sourit Gabriel en s’agenouillant devant elle. Je sais qui tu es, je connais tous tes crimes.
Elle nia encore, secouant la tête. Gabriel sortit une seringue de sa poche et enfonça profondément l’aiguille dans la jugulaire palpitante de sa victime, en la fixant droit dans les yeux.
— Ça va mettre un certain temps à te tuer, précisa-t-il d’une voix glacée. Le poison va paralyser tes muscles, tu auras beaucoup de mal à respirer. Jusqu’à ce que tu n’y arrives plus… Alors, tu t’étoufferas lentement.
Il se releva, jeta la seringue sur le lit et s’éloigna. Mais, avant de quitter la chambre, il se retourna vers elle.
— Au fait, j’oubliais : j’ai un message pour toi de la part de Tama, de Tayri et d’Izri. Bon séjour en enfer, Mejda.
Il traversa le couloir et s’arrêta à l’entrée de la cuisine. Il se dirigea vers la porte de la loggia, voulant connaître l’endroit où Tama et Tayri avaient vécu le pire. Il tourna le verrou et alluma la lumière. C’est alors qu’il vit une petite fille terrorisée, recroquevillée dans un angle de ce réduit nauséabond. Elle avait la peau mate, de grands yeux noirs remplis de douleur et de questions. Il s’approcha doucement.
— N’aie pas peur, petite, murmura-t-il. Je ne te veux aucun mal… Je vais te sortir de là, d’accord ?
Il la prit dans ses bras et quitta l’appartement. Il regagna sa voiture, tenant toujours l’enfant contre lui, et l’installa sur le siège passager. Comme elle avait froid, il la couvrit avec son blouson. Il se mit derrière le volant et tourna la tête vers la fillette.
— Comment tu t’appelles ?
— Lahna.
Il a fallu attendre la loi du 5 août 2013 pour que la réduction en esclavage, la servitude et le travail forcé fassent leur entrée dans notre code pénal.
Aujourd’hui, la servitude domestique existe en France. C’est malheureusement une réalité.
Cette forme d’esclavage moderne touche des enfants, des jeunes filles et des femmes, plus rarement des garçons ou des hommes.
Les victimes sont principalement originaires d’Afrique ou d’Asie. Leur asservissement dure parfois de nombreuses années.
Il est difficile d’estimer le nombre de personnes victimes de ces pratiques dans notre pays, étant donné que les faits se déroulent à huis clos, à l’abri des regards.
Ces drames humains n’existent pas seulement dans le monde diplomatique ou les beaux quartiers. Mais aussi dans les pavillons de banlieue et les cités défavorisées.
Remerciements
Je tiens à remercier chaleureusement l’OICEM (Organisation internationale contre l’esclavage moderne) et notamment sa présidente, Nagham Hriech Wahabi, pour l’aide précieuse qu’elle a bien voulu m’apporter lors de mon enquête sur l’esclavage moderne.
Et je rends hommage à tous les membres de cette association pour leurs actions en faveur de celles et ceux qui tentent de briser leurs chaînes, en France ou ailleurs…
OICEM, 72, rue de la République, 13002 Marseille +33 (0)4 91 54 90 68
www.oicem.org
Je voudrais également dire un grand merci à Céline Thoulouze, mon éditrice depuis plus de dix ans. Travailler avec elle est un véritable bonheur…