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— Et apporte-moi un thé ! braille la maîtresse de maison.

Tama ferme les yeux un instant.

— Sale conne ! murmure-t-elle. Sale conne…

Elle met la tasse dans le micro-ondes, prépare une soucoupe et un sachet de thé à la menthe. Dès que l’eau est chaude, Tama y plonge le sachet. Puis elle prend un verre, se rend dans la buanderie et s’assoit sur les toilettes.

— Alors, ça vient ? s’impatiente Sefana.

— Oui, madame. Ça vient.

Tama se soulage dans le verre puis assaisonne le thé, remuant bien avant d’ajouter une sucrette. Elle apporte le breuvage dans la chambre, le pose sur la table de chevet.

— Il t’en faut du temps pour préparer un thé, espèce de gourde !

— Pardon, madame.

* * *

La moquette brûle ses genoux. Tama brosse chaque centimètre carré du sol en s’épongeant le front à intervalles réguliers. Elle se redresse légèrement et regarde par la fenêtre. Dehors, les branches d’un arbre dansent au rythme d’une légère brise. Tama s’imagine, allongée dans l’herbe, se laissant bercer par le vent. L’instant d’après, elle rêve qu’Izri est là, près d’elle. Cette pensée la fait rougir.

Un violent coup de pied au milieu du dos l’éjecte de ces délicieuses pensées pour la projeter brutalement au sol. Son visage s’écrase sur la moquette humide.

— T’es pas là pour rêvasser ! aboie Sefana.

Tama reprend son travail sous la surveillance rapprochée de sa tortionnaire.

— C’est ça que tu appelles frotter ? demande-t-elle froidement.

Tama redouble d’efforts.

— Vraiment, je me demande ce que j’ai fait pour mériter une feignasse comme toi ! soupire la mégère.

— Désolée, madame. Est-ce que votre thé était bon, au moins ?

— Même pas ! Il avait un drôle de goût !

Tu m’étonnes…

— La prochaine fois, je ferai mieux, assure Tama avec un petit sourire.

* * *

Les bras chargés de serviettes propres, Tama entre dans la salle de bains des filles. Elle se déleste d’une partie du linge, puis passe dans la pièce d’à côté. Là, elle tombe sur Charandon complètement nu qui, visiblement, s’apprête à prendre une douche.

— Pardon, monsieur ! bafouille-t-elle en reculant.

Alors qu’elle s’enfuit, Charandon la coince contre la cloison.

— Pourquoi tu deviens rouge comme ça ? s’amuse-t-il.

— Désolée, la porte était ouverte et…

Il vient se coller à elle, Tama cesse de respirer. Puis, d’un seul coup, elle le repousse avant de s’enfuir jusque dans le couloir. Elle l’entend rire aux éclats alors qu’elle se réfugie dans sa buanderie. Elle tremble, une fois encore. Elle arrache tous ses vêtements et, à l’aide d’une serviette, frotte sa peau jusqu’à ce qu’elle devienne écarlate.

Sale. Elle se sent si sale.

23

Gabriel attendit que la ruelle soit déserte pour pousser doucement la porte vitrée que Mme Lenoir n’avait pas pensé à verrouiller.

Certaines erreurs peuvent être fatales.

Elle quitta la réserve, tomba nez à nez avec lui.

— Ça ouvre dans une demi-heure, monsieur, lança-t-elle d’un air agacé.

— Je sais, répondit Gabriel.

Lorsqu’il sortit le couteau de sa poche, Valérie Lenoir laissa échapper la boîte à chaussures qu’elle tenait entre ses mains.

— On va derrière, ordonna-t-il.

— Mais…

— Dans la réserve, vite.

Elle recula en direction de la pièce attenante, ne lâchant pas l’homme des yeux.

— Qu’est-ce que vous voulez ?

Gabriel poussa la porte pour s’isoler de la rue.

— Il n’y a pas grand-chose dans la caisse, balbutia-t-elle d’une voix tremblante. Mais prenez tout !

— Ce que je suis venu prendre, c’est ta vie. Parce que tu ne mérites pas de la vivre.

Il se jeta sur elle, la plaqua contre la cloison, serrant une main gantée autour de son cou. La pointe de la lame se planta dans sa gorge, ce qui l’immobilisa instantanément. Il la fixa droit dans les yeux quelques secondes. Il sentait ses pulsations cardiaques affolées sous ses doigts, s’en délecta encore un instant.

Mme Lenoir tenta un cri qui se transforma en un grincement pitoyable.

Gabriel lui murmura quelques mots à l’oreille. Le visage de Valérie changea, comme si elle avait un fantôme face à elle. Elle tenta de parler mais il resserra sa poigne, empêchant les mots de sortir de sa bouche.

Lentement et sans détourner son regard, il fit descendre la lame entre les seins de sa cible tétanisée. Puis il l’enfonça pile au niveau du foie. Valérie s’affaissa sur elle-même avant de tomber à genoux. Alors, il se pencha, attrapa ses cheveux pour lui tirer la tête vers l’arrière.

D’un geste précis, il lui trancha la gorge.

Lorsqu’il la lâcha, elle s’effondra, face contre terre. Elle n’était pas encore morte, mais ce n’était plus qu’une question de secondes. De minutes, si elle manquait de chance.

Il quitta la réserve, ouvrit la caisse et empocha l’argent qu’elle contenait. Il s’arrêta devant une paire de chaussures. Lana les aurait adorées, il en était sûr. Tout à fait son style. Il choisit une boîte en pointure 38 et ressortit par la porte de côté, prenant bien soin de refermer derrière lui.

Il lui fallut cinq minutes pour rejoindre la station de métro la plus proche. Dans une demi-heure, il serait dans sa voiture.

Il avait hâte de rentrer chez lui.

Hâte de retrouver l’inconnue.

* * *

La lumière était différente. Il y avait donc longtemps qu’elle n’avait pas rouvert les yeux.

Elle tira sur son poignet menotté, comme par réflexe.

Puis son autre main monta jusqu’à sa figure. Sa peau était chaude et elle grimaça de douleur en parcourant son visage. Sensible, comme écorché. Elle compta plusieurs plaies, tenta de se remémorer pourquoi elle était si abîmée.

Mais elle ne se rappelait même pas qui elle était. Alors comment aurait-elle pu se souvenir de ce qu’elle avait subi ?

Elle referma les paupières, tomba à pic dans un lac gelé. La glace se brisa sous son poids et elle s’enfonça lentement dans le froid et le néant.

* * *

Il croisait peu de voitures, peu de vie.

La route semblait avoir été tracée pour lui.

Devant ses yeux, ceux de Valérie Lenoir. Ce regard, il ne l’oublierait pas.

Comme celui de toutes ses victimes.

Il le rangerait dans un tiroir de son cerveau et il réapparaîtrait une nuit, au détour d’un cauchemar. Pourtant, Gabriel n’éprouvait ni remords ni regrets.

Juste le sentiment du devoir accompli.

Il s’arrêta sur une petite aire, au bord de la nationale. Il s’enfonça dans le bois et s’approcha d’un ancien puits entouré d’un grillage épais. Il lança le poignard par-dessus et l’arme coula à pic dans les profondeurs de la terre.

Une cible, une arme. C’était la règle.

24

Vadim a bien grandi. Ses cicatrices ne sont pas trop moches et il parle de mieux en mieux. En septembre, il est entré à la maternelle. Il n’y apprend pas grand-chose, mais il chante, s’amuse et fait des dessins. D’ailleurs, il en a rapporté un avant-hier. Des personnages, plein de personnages à côté d’une maison. Deux grandes personnes, deux petites filles et deux garçons. Et puis, dans la maison, une autre fille. Je crois que c’était moi. J’étais la seule qui ne souriait pas, mais la plus réussie de tous.