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Julia couru à la fenêtre et se pencha au rebord.

– J'ai sonné au moins dix fois ! dit Adam en reculant d'un pas sur le trottoir.

– L'interphone est en panne, je suis désolée, répondit Julia.

– Tu ne m’as pas entendu ?

– Si, enfin non, juste là. Je regardais la télévision.

–Tu m'ouvres ?

– Oui, bien sûr, répondit Julia hésitante, en restant à la fenêtre, tandis que la porte de l'appartement se refermait sur les pas de son père.

– Eh bien, on dirait que ma visite surprise te fait un plaisir fou !

– Évidemment ! Pourquoi dis-tu ça ?

– Parce que je suis toujours sur le trottoir. J'ai cru comprendre en écoutant ton message que tu n'étais pas au 61

mieux de sa forme, enfin il m'a semblé... Alors je suis passé en rentrant de la campagne, mais si tu préfères que je reparte...

– Mais non, je t'ouvre !

Elle se dirigea vers l'interphone et appuya sur le bouton qui commandait la gâche. La clenche grésilla au rez-de-chaussée et elle entendit les pas d'Adam dans l'escalier.

Elle eut à peine le temps de se précipiter vers le coin cuisine, de saisir une télécommande, de la rejeter aussitôt avec effroi - celle-ci n'aurait aucun effet sur la télévision -

, d'ouvrir le tiroir de la table, de trouver la bonne et de prier pour que ces piles fonctionnent encore. L'appareil s'alluma au moment où Adam poussait la porte d'entrée.

– Tu ne verrouilles plus la porte de ton appartement ? questionna-t-il en entrant.

– Si, mais j'ai tourné le loquet pour toi à l'instant, improvisa Julia, rageant en son for intérieur contre son père.

Adam ôta sa veste et l'abandonna sur une chaise. Il contempla la neige qui scintillait sur l'écran.

– Tu regardais vraiment la télé ? Je croyais que tu avais horreur de ça.

– Une fois n'est pas coutume, répondit Julia en tentant de reprendre ses esprits.

–Je dois dire que le programme que tu suis n'est pas des plus passionnants.

– Ne te moque pas de moi, j'ai essayé de l'éteindre, je m'en sers si peu souvent, j'ai dû faire une fausse manœuvre.

Adam regarda autour de lui et découvrit l'étrange objet au milieu du living.

– Quoi ? demanda Julia avec une mauvaise foi fla-grante.

– Au cas où ça t’aurait échappé, il y a une caisse deux mètres de haut dans ton salon.

Julia s'aventura dans une explication hasardeuse.

S'agit-il d'un emballage spécial, conçu pour retourner un ordinateur en panne. Les livreurs l’avaient déposé par erreur chez elle en lieu et place de son bureau.

– Il doit être sacrément fragile que vous l’emballiez dans une boîte d'une pareille hauteur.

– C'est une machine d'une telle complexité, ajouta Julia, une sorte de grande chose encombrante et oui, en effet, c'est très fragile !

– Et ils se sont trompés d'adresse ? poursuivit Adam intrigués.

– Oui, enfin c'est moi qui me suis trompée en remplissant la commande. Avec la fatigue accumulée ces dernières semaines, j'en viens à faire tout et n'importe quoi.

– Fait attention, on pourrait t’accuser de détourner des actifs de la société.

– Non, personne ne va m’accusées de quoi que ce soit, répondit Julia, trahissant au ton de sa voix une certaine impatience.

– Tu veux me parler de quelque chose ?

– Pourquoi ?

– Parce qu'il faut que je sonne dix fois et hurle dans la rue pour que tu viennes jusqu'à ta fenêtre, parce que je te retrouve hagarde, la télévision allumée, alors que le câble d'antenne n'est même pas raccordé, regard par toi-même ! Parce que tu es étrange, voilà tout.

– Et qu'est-ce que tu veux que je te cache, Adam ?

répliqua Julia, ne cherchant plus du tout à masquer son irritation.

– Je ne sais pas, je n'ai pas dit que me cachait quelque chose, ou alors c'est à toi de me le dire.

Julia ouvrit brusquement la porte de sa chambre, puis celle de la penderie derrière elle ; elle se dirigea ensuite vers la cuisine et commença d'en ouvrir chaque 63

placard, celui au-dessus de l'évier d'abord, puis celui d'à côté, le suivant et jusqu'au dernier.

– Qu'est-ce que tu fais bon sang ? questionna Adam.

– Je cherche où j'ai pu cacher mon amant, c'est bien ce que tu me demandes, non ?

– Julia !

– Quoi Julia ?

La dispute naissante fut interrompue par la sonnerie du téléphone. Tous deux regardèrent l'appareil intrigués.

Julia décrocha. Elle écouta longuement son interlocuteur, le remercia de son appel et le félicita avant de raccrocher.

– Qui était-ce ?

– Le bureau. Ils ont enfin résolu ce problème qui bloquait la réalisation du dessin animé, la production peut continuer, nous serons dans les temps.

– Tu vois, dit Adam la voix radoucie, nous serions partis demain matins comme prévu, tu aurais même eu l'esprit tranquille pendant notre voyage de noces.

– Je sais, Adam, je suis vraiment désolée, si tu savais à quel point ! Il faut d'ailleurs que je te rende les billets, ils sont au bureau.

– Tu peux les jeter, où les garder en souvenir, ils n'étaient ni échangeables ni remboursables.

Julia fit une mimique d'on elle était coutumière.

Chaque fois qu'elle s'abstenait de faire un commentaire sur un sujet qui la froissait, elle haussait les sourcils.

– Ne me regarde pas comme ça, se justifia aussitôt Adam. Tu avoueras qu'il est assez rare que l'on annule son voyage de noces trois jours avant le départ ! Et nous aurions quand même pu partir...

– Parce que tes billets ne sont pas remboursables ?

– Ce n'est pas ce que je voulais dire, enchaîna Adam en la prenant dans ses bras. Bon, ton message ne mentait pas sûr ton humeur, je n'aurais pas dû venir. Tu as besoin d'être seule, je t'ai déjà dit que je comprenais, je vais m'en tenir là. Je rentre, demain est un autre jour.

Alors qu'il s'apprêtait à franchir le seuil de la porte, un léger craquement se fit entendre à travers le plafond.

Adam la tête et regarda Julia.

– Je t'en prie, Adam ! C'est un rat qui doit couvrir là-haut.

– Je ne sais pas comment tu fais pour vivre dans ce capharnaüm.

– Je m’y bien, un jour j'aurai les moyens d'habiter un grand appartement, tu verras.

– Nous devions nous marier ce week-end, tu pourrais peut-être dire nous !

– Pardon, ce n'est pas ce que je voulais dire.

– Combien de temps comptes-tu encore faire la na-vette entre chez toi et mon deux pièces trop petit à ton goût ?

– Nous n’allons pas recommencer cette sempiter-nelle discussion, ce n'est pas le soir. Je te le promets, dès que nous pourrons nous permettre de faire les travaux et de réunir les deux étages, nous aurons assez de place pour deux.

– C'est parce que je t'aime que j'ai accepté de ne pas t'arracher à ce lieu auquel tu sembles plus attachée qu'à moi, mais si tu le voulais vraiment, nous pourrions y vivre dès maintenant.

– Qu'est-ce que tu sous-entends ? questionna Julia.

Si tu fais allusion à la fortune de mon père, je n'en ai jamais voulu de son vivant, ce n'est pas maintenant qu'il est mort que je vais changer d'avis. Il faut que j'aille dormir, à défaut de partir en voyage, j'ai une journée chargée de demain.

– Tu as raison, va dormir, je vais mettre ta dernière remarque sur le compte de la fatigue.

Adam haussa les épaules et s'en alla, sans même se retourner en bas de l'escalier pour voir le signe de main que lui faisait Julia. La porte de la maison se referma.

*

– Merci pour le rat ! J'ai entendu ! S'exclama Anthony Walsh en entrant à nouveau dans l'appartement.

– Tu préférerais peut-être que je lui dise qu'un androïde du dernier cri, à l'image de mon père, faisait les cent pas au-dessus de nos têtes...