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Il se présenta à son interlocutrice en qualité d'assis-tant de Mlle Julia Walsh. Évidemment qu'il savait que cette dernière venait d'appeler, et qu’Adam n'était pas disponibles ; il était cependant d'une extrême importance de lui dire que Julia n'attendrait plus tôt que prévu, à dix-huit heure chez elles et non dans la rue, puisqu'il pleuvait.

C'était en effet dans quarante-cinq minutes et, tout bien considéré, il était préférable de le déranger en réunion.

Inutile qu’Adam la rappelle, son portable n'avait plus de batteries et elle était sortie faire une course. Anthony se fit promettre à deux reprises que le message serait délivré à son destinataire et raccrocha en souriant, l'air particulièrement satisfait.

Une fois le combiné sur son socle, il ressortit de la pièce, s'installa confortablement dans un fauteuil, et ne quitta plus du regard la télécommande posée sur le canapé.

*

Julia fit pivoter son fauteuil et alluma son ordinateur.

Une liste interminable de mails défila sur l'écran ; elle jeta un bref coup d'œil à sa table de travail, la bannette de courrier en débordait et le voyant de messagerie cligno-tait frénétiquement sur le cadran du téléphone.

Elle prit son portable dans la poche de l'imperméable et appela son meilleur ami au secours.

– Il y a du monde dans ton magasin ? demanda-t-elle.

– Avec le temps qu'il fait ici, pas même une grenouille, c'est un après-midi fichu.

– Je sais, je suis trompée.

– Tu es rentré ! s'exclama Stanley.

– Il y a à peine une heure.

– Tu aurais pu m'appeler plutôt !

– Tu fermerais ta boutique pour retrouver une vieille amie chez Pastis ?

– Commande-moi un thé, non un cappuccino enfin ce que tu veux ; j'arrête tout de suite.

Et dix minutes plus tard, Stanley rejoignait Julia qu'il attendait attablée au fond de l'ancienne brasserie.

– Tu as l’air d'un épagneul qui serait tombé dans un lac, dit-elle en l’embrassant.

– Et toit d'un cocker qui l’aurait suivi. Qu'est-ce que tu nous as choisi ? demanda Stanley en s'asseyant.

– Des croquettes !

– J’ai deux trois ragots croustillants sur qui a couché avec qui cette semaine, mais toi d'abord ; je veux tout savoir. Laisse-moi deviner, tu as retrouvé Tomas puisque je n'ai eu aucun signe de toi ces deux derniers jours, et à voir ta tête, tout ne s'est pas passé comme tu l'envisa-geais.

– Je n'envisageais rien...

– Menteuse !

– si tu voulais passer un moment en compagnie d'une vraie imbécile, profites-en c’est maintenant !

Julia raconta presque tout de son voyage ; sa visite au syndicat de la presse, le premier mensonge de Knapp, les raison de la double identité de Tomas, le vernissage, le carrosse commandé au dernier moment par le concierge pour l'y conduire ; quand elle lui parla des chaussures qu'elle avait portées avec sa robe longue, Stanley, scandalisé, repoussa sa tasse de thé pour commander un blanc sec. La pluie redoublait au-dehors.

Julia fit le récit de sa visite à l'Est, une rue où des maisons avaient disparu, le décor vieillot d'un bar qui avait survécu, sa conversation avec le meilleur ami de Tomas, sa course folle vers l'aéroport, Marina, et enfin, avant que Stanley ne défaille, ses retrouvailles avec Tomas dans le parc de Tiergarten Julia poursuivi, décrivant cette fois la terrasse d'un restaurant où l'on servait le meilleur poisson du monde, même si elle y avait à peine goûté, une balade nocturne autour d'un lac, une chambre d'hôtel où elle avait fait l'amour la nuit dernière et enfin l'histoire d'un petit déjeuner qui n'avait jamais eu lieu. Alors que le serveur revenait pour la troisième fois demander si tout allait bien, Stanley le menaça de sa fourchette s'il osait les déranger à nouveau.

– J’aurais dû t’accompagner, dit Stanley. Si j'avais pu imaginer une pareille aventure, je ne t'aurais jamais laissée partir seule là-bas.

Julia tournait inlassablement la cuillère dans sa tasse de thé. Il la regarda attentivement et arrêta son geste.

– Julia, tu ne prends pas de sucre... Tu te sens un peu perdu, n'est-ce pas ?

– Tu peux enlever le « un peu ».

– En tout cas, je te rassure, je ne le vois pas du tout retourner avec cette Marina, crois-en mon expérience.

– Quelle expérience ? répliqua Julia en souriant. De toute façon à l'heure qu'il est, Tomas est dans un avion pour Mogadiscio.

– Et nous à New York, sous la pluie ! répondit Stanley en regardant l’averse qui battait la vitre.

Quelques passants s'étaient réfugiés à l'abri de la banne, sur la terrasse. Un vieux monsieur serrait sa femme contre lui, comme pour la protéger un peu mieux.

– Je vais remettre de l'ordre dans ma vie, du mieux que je le peux, reprit Julia. Je suppose que c'est la seule chose à faire.

– Tu n'avais pas tort, je trinque avec une vraie imbécile. Tu as cette chance inouïe que pour une fois ta vie ressemble à un formidable bordel, et tu voudrais faire le ménage dans les chambres ? Tu es complètement sotte, mon pauvre chérie. Et, je t'en prie, sèche-moi ces yeux toute de suite, il y a assez de flotte dehors ; ce n'est vraiment pas le moment de pleurer, j'ai encore beaucoup trop de questions à poser.

Julia passa le revers de la main sur ses paupières et sourit à nouveau à son ami.

– Que comptes-tu dire à Adam ? reprit Stanley. J'ai bien cru que j'allais devoir le prendre en pension complète si tu ne revenais pas. Il m'a invité demain chez ses parents à la campagne. Je te préviens, ne fait pas de gaffe, je me suis inventé une gastro.

– Je vais lui révéler la part de vérité qui lui fera le moins de mal.

– Ce qui fait le plus souffrir en amour, c'est la lâcheté. Tu veux tenter une seconde chance avec lui ou pas ?

– C'est peut-être dégueulasse à dire, mais je ne me sens pas le courage d'être à nouveau seule.

– Alors il va dérouiller, pas maintenant, mais tôt ou tard il déroulera !

– Je ferai en sorte de le protéger.

– Je peux te demander quelque chose d'un peu personnel ?

– Tu sais bien que je ne te cache jamais rien...

– Cette nuit avec Tomas, c'était comment ?

– Tendre, doux, magique et triste au matin.

– Je te parle du sexe, ma chérie.

– Tendre, doux, magique...

– Et tu veux me faire croire que tu ne sais pas où tu en es ?

– Je suis à New York, Adam aussi, et Tomas est désormais très loin

– L'important, ma chérie, ce n'est pas de savoir dans quelle ville ou quel coin du monde se trouve l’autre, mais où il se situe dans l'amour qui nous lie à lui. Les erreurs ne comptent pas, Julia, il n'y a que ce que l’on vit.

*

Adam sortit d'un taxi sous une plus battante. Les ca-niveaux dégorgeaient d’eau. Il sautilla sur le trottoir et sonna avec insistance à l'interphone. Anthony Walsh abandonna son fauteuil.

– Ça va, ça va, une seconde ! râla-t-il en appuyant sur le bouton qui commandait l'ouverture de la porte au rez-de-chaussée.

Il entendit les pas dans l'escalier et accueilli son visiteur avec un grand sourire.

– Monsieur Walsh ? s'exclama ce dernier, effaré, en reculant d'un pas.

– Adam, quel bon vent vous amène ? Adam resta sans voix sur le palier.

– Vous avez perdu votre langue, mon ami ?

– Mais vous êtes morts ? balbutia-t-il.

– Ah, ne soyez pas désagréables. Je sais que nous ne nous aimons pas beaucoup mais de là à m'envoyer au cimetière, quand même !

– Mais justement, j'y étais au cimetière le jour de votre enterrement, bredouilla Adam.

– Ça suffit maintenant, vous devenez grossiers, mon vieux ! Bon on ne va pas rester plantés là toute la soirée, entrez quand même, vous êtes tout pâle.